Le juge est le personnage antipathique par excellence, l'épitomé du moraliste de la société. Il a succédé au bourreau, exécuteur des basses oeuvres de la celle-ci.
Le système des castes est au coeur des nouvelles ainsi que la révolte de Tagore.
La religion est le ballon de baudruche préférée de l'auteur qui ne cesse de se dégonfler : l'horoscope (allusion subtile), le trésor (où la fin sage n'efface pas la quête folle).
Le vagabond est le seul vrai héros, celui qui ne s'attache pas et fait ses bagages en quelques minutes sans rien laisser derrière lui.
L'autorité, sociale ou religieuse est traité avec ironie : sa quête n'est pas heureuse et Girabala est vite veuve.
C'est dans la résistance que réside le « bonheur », s'il existe, ou disons, au moins une paix éphémère, que les personnages se creusent à l'abri de la société et de la religion.
Sans conteste un auteur à connaître.
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Tagore était un extraordinaire conteur donc un maître de la nouvelle. Il y montre le coeur des hommes, dans ce qu'il a de noble mais aussi de terriblement destructeur, au sein d'une nature qui est celle du Bengale, avec ses petits villages, ses jungles et ses fleuves, une nature qui pour Tagore est toujours la Mère Nature, qu'il aime décrire selon les saisons, les lourdes pluies de la mousson succédant à des cieux brûlants et sans nuages, et selon les heures du jour ou de la nuit. Les personnages de ces nouvelles sont souvent attachants. C'est le cas du jeune brahmane nommé Tara de la première nouvelle "Le vagabond", qui séduit tous ceux qui l'approchent, si épris de liberté qu'il finit par refuser toute attache et toute contrainte, de Sashibusan de "Nuage et Soleil", un jeune étudiant en droit que la myopie rend un peu maladroit et qui va payer cher sa révolte contre l'administration coloniale, de Mrinmayi, la jeune fille un peu espiègle de "La petite mariée", et d'autres encore. Il émane beaucoup de tendresse de l'oeuvre de Tagore, une profonde humanité, mais ce qu'il révèle dans ces nouvelles, c'est aussi ce que le destin a de plus cruel, à cause d'une passion qui aveugle, ou d'une tradition entachée de fanatisme et qui conduit au sacrifice comme dans "Le bûcher funèbre", la nouvelle la plus cinglante du recueil, dans laquelle une jeune femme est conduite sur le bûcher de son époux décédé, qu'elle avait épousé la veille alors qu'il était agonisant et qu'elle en aimait un autre...
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Tagore ouvre la porte à la poésie dans ses nouvelles, où l'on rencontre de très belles histoires d'amour que je ne dévoilerai par respect et par pudeur pour ces belles et ces beaux jeunes hommes qui s'aiment sous la pluie des moussons indiennes, malgré les vents et les courants contraires, leurs mauvais étoiles aussi parfois. Heureusement, l'amour a ses mystères, et les courants ne sont pas toujours contraires et entraînent parfois les amants sans qu'ils le sachent, l'un dans les bras de l'autre, bien qu'ils se retrouvent, parfois, trempés par la pluie des moussons, ébouriffés par le vent, bien qu'ils traversent mille et une embûches, traversant la rivière tumultueuse de la vie mais toujours pour y trouver l'amour.
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C’était la première fois que j’entendais parler avec élégance la langue urdu par une femme, et une femme très cultivée, et j’eus l’intuition que c’était vraiment un langage digne des Nabas et des Emirs des temps passés, mais pas du tout fait pour notre époque de chemins de fer, de télégraphe et de tout ce monde affairé. Comme les phrases coulaient des lèvres de Bibi-Saheb, j’imaginais de hauts palais de marbre, des coursiers fringants, brillamment ornés, avec leur crinières et leurs queues flottantes, des éléphants princiers portant des palanquins richement décorés, des rues égayées par les turbans aux multiples couleurs, les souliers de broderie d’or au bout retourné des citadins et les étincelants cimeterres recourbés des soldats, et d’amples loisirs et des robes gracieuses et souples et un cérémonial sans fin.
Mahamaya était une jeune fille de haute aristocratie bengalie, une Kulin. Elle avait vingt-quatre ans et était dans tout l’éclat de sa jeunesse et de sa beauté, comme une statue d’or pur, de cette teinte du soleil d’un bel automne, brillante et semblable au soleil, avec un regard libre et sans crainte comme la lumière du jour elle-même.
La plupart des hommes oublient que les droits conjugaux doivent être ré-établis à nouveau chaque jour. Ils se font délivrer leur marchandise à la douane par ce permis que la société leur octroie et n’y accordent plus, après, une seule pensée. Ils agissent comme s’ils avaient reçu toute autorité d’une force de police qui la tire du seul fait de porter un uniforme. Enlevez-leur uniforme et ils deviennent aussitôt les plus incompétents des hommes.
"Comme l'automne, la fin de la jeunesse vient sur nous comme une période paisible et pleine de charme, où le fruit de la vie comme le blé mûr est préparé dans une atmosphère de belle sérénité. Les agitations de la jeunesse n'y sont plus à leur place. Les bases de nos vies ont été plus ou moins sûrement établies, notre personnalité s'est développée à travers les peines et les joies, dans un monde où le mal, comme le bien, e formé notre caractère. Nous avons alors retiré nos désirs de ce royaume enchanté qui est au-delà de notre atteinte, et nous les avons placés dans les limites des choses possibles. Nous ne pouvons plus attirer les yeux éblouis d'un jeune amour, mais nous devenons plus chers à ceux qui nous ont connus. Tandis que l'éclat de la jeunesse lentement se fane, la nature intérieure qui ne connaît pas de vieillesse s'imprime sur le visage et dans les yeux à force d'y avoir longtemps habité." (Gallimard - p.145-146)
La loi est très lente à agir, comme une machine de fer immense et compliquée, elle accepte les preuves après les avoir pesées et inflige la punition avec calme, elle ne possède pas la chaleur d'un coeur humain.
Lecture de Notre besoin de consolation est impossible à rassasier de Stig Dagerman et concert autour des oeuvres de Théodore de Banville, Gérard de Nerval, Paul Eluard et Rabindranath Tagore.
« C'est l'angoisse de la séparation qui s'épand par tout le monde et donne naissance à des formes sans nombre dans le ciel infini. C'est ce chagrin de la séparation qui contemple en silence toute la nuit d'étoile en étoile et qui éveille une lyre parmi les chuchotantes feuilles dans la pluvieuse obscurité de juillet. C'est cette envahissante peine qui s'épaissit en amours et désirs, en souffrances et en joies dans les demeures humaines, et c'est toujours elle qui fond et ruisselle en chansons. »
L'Offrande lyrique, Rabindranath Tagore, traduit par André Gide.
Ces émotions douces et amères qui nous secouent ne sont-elles pas universelles ? Ne sont-elles pas l'essence même de notre existence ? Deleyaman, groupe franco-américain dans la veine céleste de Dead Can Dance, aborde ces questions vibrantes, parle d'art, d'amour, de beauté et de contemplation comme des réponses à nos contraintes existentielles.C'est une amicale collaboration artistique entre le groupe et Fanny Ardant qui a donné naissance à cette création. Au travers d'un texte lu, elle dialogue avec le groupe sur une musique créée par Deleyaman. Avec le son du doudouk, le groupe d'Aret Madilian interprétera les titres français de sa discographie
Fanny Ardant : voix
Béatrice Valantin : voix, clavier
Aret Madilian : piano, clavier, guitare, percussion
Guillaume Leprevost : basse, guitare
Artyom Minasyan : doudouk, plul, pku
Madalina Obreja : violon
Gérard Madilian : doudouk
Création en partenariat avec le Trianon Transatlantique de Sotteville lès Rouen – Scène conventionnée d'intérêt national art et création chanson francophone.
À écouter – Deleyaman, « Sentinel », 2020.
Plus d'informations sur www.deleyaman.com
À écouter : https://deleyaman.bandcamp.com/album/sentinel
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