Alors oui, oui, je sais, je sais, c'est très vilain, vraiment très vilain de dire du mal des précurseurs, des inventeurs, des originaux ; c'est très vilain de dire du mal de celui qui est le père légitime du roman français (voire mondial) ; et c'est très laid enfin, en ces heures de bien pensance reine, de s'en aller tacler le chef de file des malséants, des trublions. Oui, je sais, je sais… Mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa…
Sincèrement, croyez-moi, du fond du coeur, j'aimerais m'enthousiasmer pour quelqu'un qui déborde tellement d'humour (je n'ai rien, bien au contraire, contre l'humour gras d'un Hurtaut ou grivois d'un Bukowski), qui ne se prend pas au sérieux, qui fait montre d'une culture ahurissante, qui parodie à qui mieux mieux, qui règle leur compte à bon nombre de grands messieurs ou dames persuadés d'être des gens très bien, etc., etc.
Mais qu'est-ce que c'est chiant à lire pour moi ! Putain de putain que c'est chiant à lire ! Ça me tombe des mains, ça n'en finit pas (alors même que le livre, de taille modeste, est découpé en plein de petits chapitres). Outre le fait qu'il faille parfois quasiment une traduction pour le lire — là n'est pas encore le principal problème en ce qui me concerne — mais les listes interminables avec des liens quasi infaisables (à moins d'être experte) avec ce qu'il parodie, l'outrance vraiment outrancière, les digressions sans queue ni tête, et puis, de façon générale, la caducité fréquente du propos.
Ce que j'aime, ce que j'adore, dans mes lectures d'oeuvres anciennes, c'est de débusquer ce qui n'a pas vieilli, ce qui touche à l'universel. En revanche les querelles de clocher d'il y a 500, 700 ans, qu'est-ce que je m'en fous. C'est ce qui me rebute chez Dante et c'est ce que je reproche beaucoup à notre François Rabelais national.
Finalement, ce qu'il me reste à admirer, ce n'est pas tellement le propos, ni la forme, ni quoi que ce soit ayant réellement trait au fonctionnement romanesque, c'est plutôt l'apport de Rabelais pour la langue française. Là je me délecte : on ne compte plus, dans ses livres, le nombre d'expressions qui sont désormais passées dans le langage courant. C'est en ce sens qu'il est géant et patrimonial : notre français et ses expressions lui doivent énormément et lire ces vieilles orthographes nous aide parfois à comprendre et retracer l'étymologie de bien des mots qui s'est évaporée au cours des siècles.
D'emblée, Rabelais nous dit que nous évoluons dans la fiction, qu'il ne faut pas lire ni comprendre au pied de la lettre. Soit, pourquoi pas. Très vite, il va dans l'outrance, la démesure, la matière fécale, les parties génitales, l'humour, les voyages improbables, les références à la pelle. Mais à quoi bon ? Pour nous délivrer son message ? Quel message ? Il se classe parmi les humanistes, proche d'Érasme, et donc ami du savoir vrai, pas des dogmes, pas de l'église telle qu'elle se conçoit à l'orée de la réforme.
Soit, soit tout ça. Mais en quoi la forme sert-elle le fond ? Là, je m'interroge et j'ai furieusement tendance à penser qu'elle dessert au contraire le propos. le lecteur inattentif peut tout à fait prendre les convictions véritables de l'auteur pour autant de dérisions, engluées comme elles le sont dans cette gangue de gauloiseries. Comment mieux ridiculiser le savoir véritable dont Rabelais était le dépositaire que de le pervertir comme il le fait constamment. Comment ne pas voir en lui un genre de pédant (exemple du chapitre IX et de la présentation de Panurge), lui qui raille constamment la pédanterie ?
Bref, ne m'en veuillez pas si comme une idiote je crache sur une idole, d'ailleurs, ceci n'est qu'un bien misérable, bien insignifiant avis duquel Rabelais doit bien rigoler, lui qui n'a besoin de personne depuis cinq cents ans pour continuer d'être lu, critiqué et admiré un peu partout sur la Terre…
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Ainsi le lyon guéry se pourmenoist par la forest. À quelle heure une vieille sempiterneuse ébuschetoit et amassoit du boys par ladicte forest ; laquelle, voyant le lyon venir, tumbat de peur à la renverse de telle faczon que le vent luy renversa robbe, cotte et chemise jusques au dessus des espaules. Ce que voyant, le lyon accourut de pitié veoir si elle s'estoit faict aulcun mal, et considérant son comment a nom, dist : « O pauvre femme, qui t'a ainsi blessée ? »
Et, ce disant, apperceut un regnard, lequel il l'appella, disant :
— Compère regnard, hau, cza, cza, et pour cause !
Quand le regnard fut venu, il luy dict :
— Compere, mon amy, l'on a blessé ceste bonne femme icy entre les jambes bien villainement, et y a solution de continuité manifeste ? Regarde que la playe est grande : depuis le cul jusques au nombril, mesure quatre, mais bien cinq empans et demy. C'est un coup de coignie ; je me doubte que la playe soit vieille. Pourtant, affin que les mousches n'y prennent, esmouche-la bien fort, je t'en prie, et dedans et dehors. Tu as bonne quehue et longue : esmouche, mon amy, esmouche, je t'en supplye, et ce pendent je voys quérir de la mousse pour y mettre, car ainsi nous fault-il secourir et ayder l'un l'aultre. Esmouche fort ; ainsi, mon amy, esmouche bien, car ceste playe veult estre esmouchée souvent ; aultrement la personne ne peut estre à son aise. Or esmouche bien, mon petit compère, esmouche ! Dieu t'a bien pourveu de quehue ; tu l'as grande et grosse à l'advenant ; esmouche fort et ne t'ennuye poinct. Un bon esmoucheur, qui, en esmouchant continuellement, esmouche de son mouchet, par mousches jamais émouché ne sera. Esmouche, couillaud ; esmouche, mon petit bedaud ! Je n'arresteray gueres. […]
Le pauvre regnard esmouchoit fort bien et deçà et delà, dedans et dehors ; mais la faulse vieille vesnoit et vessoit puant comme cent diables. Le pauvre regnard estoit bien mal à son ayse, car il ne sçavoit de quel cousté se virer pour évader le parfum des vesses de la vieille ; et, ainsi qu'il se tournoit, il veit que au derrière estoit encores un aultre pertuys, non si grand que celluy qu'il esmouchoit, dont luy venoit ce vent tant puant et infect.
Le lyon finablement retourne, portant de mousse plus que n'en tiendroyent dix et huyt basles, et commença en mettre dedans la playe avecques un baston qu'il aporta, et y en avoit jà bien mys seize basles et demye et s'esbahyssoit :
— Que diable ! ceste playe est parfonde : il y entreroit de mousse plus de deux charretées.
Mais le regnard l'advisa :
— O compère lyon, mon amy, je te prie, ne metz icy toute la mousse ; gardes-en quelque peu, car il y a encores icy dessoubz un aultre petit pertuys qui put comme cinq cens diables. J'en suis empoisonné de l'odeur, tant il est punays.
Chapitre XV.
Pantagruel - François Rabelais
Chapitre 8 « Lettre de Gargantua à Pantagruel » - 1532
Comment Pantagruel étant à Paris reçut des lettres de son père Gargantua, et la copie de celles-ci
Pantagruel étudiait fort bien, vous comprenez pourquoi, et profitait de même, car il avait de l'entendement à tour de bras et autant de mémoire que douze barriques et tonneaux d'huile. Et pendant qu'il demeurait en ces lieux, il reçut un jour des lettres de son Père de la manière suivante :
« Très cher fils, entre les dons, grâces et prérogatives dont le souverain Dieu formateur, tout puissant, a doué et orné l'humaine nature à son commencement, il y en a une qui me semble singulière et excellente, par laquelle elle peut en état mortel acquérir une espèce d'immortalité, et dans le cours d'une vie éphémère perpétuer son nom et sa semence. C'est ce qui est fait par la lignée issue de nous en mariage légitime. Par cette lignée nous n'est aucunement instauré ce qui nous fut apporté par le péché de nos premiers parents, dont il a été dit, parce qu'ils n'avaient pas été obéissants au commandement de Dieu le créateur, qu'ils mourraient et que par la mort serait réduite à néant cette magnifique forme sous laquelle l'homme avait été créé. Mais par ce moyen de propagation séminale il reste dans les enfants ce qui était perdu dans les parents, et dans les petits-enfants ce qui périssait dans les enfants, et de même successivement jusqu'à l'heure du jugement final, quand Jésus-Christ aura rendu à Dieu le père son Royaume pacifique hors de tout danger et contamination par le péché, car alors toutes les générations et corruptions cesseront, et les éléments cesseront le cycle de leurs transformations continues, puisque la paix tant désirée sera atteinte et accomplie, et que toutes les choses seront arrivées à leur point final. Ce n'est donc pas sans juste et équitable cause que je rends grâces à Dieu mon conservateur de ce qu'il m'a permis de voir mon antiquité chenue refleurir en ta jeunesse car, quand par le plaisir de Lui qui tout commande et modère, mon âme laissera cette habitation humaine, je ne me croirai pas totalement en train de mourir, c'est-à-dire de passer d'un lieu à un autre, vu que en toi et par toi je demeure visible sous tes traits dans ce monde, vivant, voyant et commerçant avec des gens d'honneur et mes amis comme je le désire. D'ailleurs cette conservation qui a été la mienne s'est passée, moyennant l'aide et la grâce divines, non sans péché, je le confesse (car nous péchons tous et nous avons continuellement besoin de Dieu pour qu'il efface nos péchés), mais sans reproches.
« Pour cette raison, puisqu'en toi demeure l'image de mon corps, si pareillement ne brillaient pas les mœurs de ton âme, l'on ne te jugerait pas être le gardien et le trésor de l'immortalité de notre nom, et le plaisir que je prendrais en voyant cela serait réduit, considérant que la partie de moi la moins importante demeurerait dans le corps, et que la meilleure qui est l'âme, et par laquelle notre nom garde la bénédiction des hommes, serait dégradée et abâtardie. Je ne dis pas ceci par défiance que j'ai de ta vertu (laquelle m'a été déjà prouvée par le passé) mais pour t'encourager plus fort à profiter bien et mieux. Et ce que présentement je t'écris est surtout pour que tu vives de cette façon vertueuse, que tu te réjouisses de vivre et d'avoir vécu ainsi, et que tu rafraîchisses ton courage pour vivre de même à l'avenir. Tu te rappelleras peut-être que je n'ai rien évité pour atteindre le but d'une telle vie : car c'est ainsi que j'ai vécu en ce monde pour te voir une fois dans ma vie absolu et parfait, tant en vertu, honnêteté et sagesse, qu'en toute science libéral et honnête, et pour te laisser comme tel, après ma mort, comme un miroir représentant la personne de moi ton père, et pour te voir sinon aussi excellent et ressemblant par les faits, comme je te souhaite, du moins bien tel par ton désir. Mais encore que mon feu père chéri Grandgousier a déployé tous ses efforts à ce que je profite en tout talent et savoir politique, et ce que mon labeur et mon étude correspondent bien avec ou même dépassent son désir, toutefois, comme tu peux bien le comprendre, les temps n'étaient pas aussi opportuns ni commodes pour étudier les lettres qu'ils le sont à présent, et il n'existait alors aucun précepteur qui puisse ressembler à ceux que tu as eus. Les temps étaient encore ténébreux, ils sentaient l'infélicité et la calamité des Goths, qui avaient mis toute bonne littérature à destruction. Mais par la bonté divine, la lumière et la dignité ont été à mon époque rendues aux lettres, et j'y vois de tels changements qu'il me serait aujourd'hui difficile d'être reçu dans la première classe des petits gamins, moi qui étais réputé (non à tort) comme le jeune homme le plus savant du siècle.
« Maintenant toutes les disciplines sont restituées, les langues instaurées, le grec sans lequel il est honteux qu'une personne se dise savante, l'hébreu, le chaldéen, le latin. Des impressions fort élégantes et correctes sont utilisées partout, qui ont été été inventées à mon époque par inspiration divine, comme inversement l'artillerie l'a été par suggestion du diable. Tout le monde est plein de gens savants, de précepteurs très doctes, de librairies très amples, tant et si bien que je crois que ni à l'époque de Platon, de Cicéron ou de Papinien, il n'y avait de telle commodité d'étude qu'il s'en rencontre aujourd'hui.
« Pour cette raison, mon fils, je te conjure d'employer ta jeunesse à bien profiter dans tes études et dans la vertu. Tu es à Paris, tu as ton précepteur Epistémon qui, d'une part par ses leçons vivantes, d'autre part par ses louables exemples, peut bien d'éduquer. Je veux que tu apprennes les langues parfaitement. Premièrement le grec, comme le veut Quintilien. Deuxièmement le latin. Et puis l'hébreu pour les lettres saintes, et le chaldéen et l'arabe pareillement. Qu'il n'y ait aucune histoire que tu n'aies en mémoire, ce à quoi t'aidera la cosmographie de ceux qui en ont écrit. Des arts libéraux, la géométrie, l'arithmétique et la musique, je t'ai donné un avant-goût quand tu étais encore petit, âgé de cinq à six ans : poursuis le reste et deviens savant dans tous les domaines de l'astronomie mais laisse-moi de côté l'astrologie divinatrice, et l'art de Lulle comme des excès et des inutilités. Du droit civil, je veux que tu saches par coeur tous les beaux textes, et que tu puisses en parler avec philosophie. Et quant à la connaissance des faits de la nature, je veux que tu t'y adonnes avec curiosité, qu'il n'y ait ni mer, ni rivière, ni fontaine dont tu ne connaisses les poissons, tous les oiseaux de l'air, tous les arbres, arbustes et fruits des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés dans le ventre des abîmes, les pierreries de tout l'Orient et du midi. Que rien ne te soit inconnu. « Puis soigneusement revisite les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les talmudiques et cabbalistes. Et par de fréquentes anatomies acquière-toi une parfaite connaissance de cet autre monde qu'est l'homme. Et quelques heures par jour commence à visiter les saintes lettres. Premièrement en grec, le Nouveau Testament et les Epîtres des Apôtres, et puis en hébreu l'Ancien Testament. En somme, que je voie un abîme de science : car avant de devenir un homme et d'être grand, il te faudra sortir de cette tranquillité et du repos de l'étude et apprendre la chevalerie et les armes pour défendre ma maison et secourir nos amis dans toutes leurs affaires contre les assauts des malfaisants. Et je veux que rapidement tu mettes en application ce dont tu as profité, ce que tu ne pourras mieux faire qu'en discutant publiquement avec tous et contre tous les gens de savoir en fréquentant les gens lettrés, qui sont tant à Paris qu'ailleurs.
« Mais parce que selon le sage Salomon la sagesse n'entre jamais dans les âmes mauvaises, et science sans conscience n'est que ruine de l'âme, il te faudra servir, aimer et craindre Dieu, et en Lui mettre toutes tes pensées et tout ton espoir, et par foi formée de charité être joint à Lui, si fort que jamais le péché ne t'en sépare. Prends garde des tromperies du monde, ne laisse pas la vanité entrer dans ton coeur car cette vie est passagère, mais la parole de Dieu demeure éternellement. Sois serviable envers tous tes prochains, et aime-les comme toi-même. Respecte tes précepteurs, fuis la compagnie des gens à qui tu ne veux pas ressembler, et ne gaspille pas les grâces que Dieu t'a données. Et quand tu t'apercevras que tu disposes de tout le savoir que tu peux acquérir là-bas, reviens vers moi, afin que je te voie une dernière fois et que je te donne ma bénédiction avant de mourir. Mon fils, que la paix et la grâce de notre Seigneur soient avec toi. Amen.
D'Utopie, le dix-septième jour du mois de mars.
Ton père, Gargantua. »
Ayant reçu et lu ces lettres, Pantagruel prit de nouveau courage et fut enflammé à profiter plus que jamais, de sorte que le voyant étudier et profiter, on aurait dit que son esprit était parmi les livres comme le feu parmi les charbons, tant il l'avait infatigable et avide.
Puis je descendis par les dents de derrière pour aller aux lèvres ; mais en passant je fus détroussé par des brigands dans une grande forêt, qui est vers les oreilles.
Puis je trouvai une petite bourgade en redescendant, dont j’ai oublié le nom, où je fis encore meilleure chère que jamais, et où je gagnai un peu d'argent pour vivre. Savez- vous comment ? À dormir ; car on loue les gens à la journée pour dormir, et ils gagnent cinq à six sous par jour ; mais ceux qui ronflent bien fort gagnent bien sept sous et demi. Je racontai aux sénateurs comment on m'avait détroussé dans la vallée ; ils me dirent qu'en vérité les gens qui vivaient au-delà, étaient méchants et brigands de nature ; à cela je vis que, de même que nous avons des contrées en deçà et au- delà des monts, de même ils en ont en deçà et au-delà dents ; mais il fait bien meilleur vivre en deçà et l'air y est meilleur.
Là je me mis à penser qu'il est bien vrai, comme on le dit, que la moitié du monde ne sait pas comment l'autre vit, vu que personne n'avait encore écrit sur ce pays-là, où il y a plus de vingt-cinq royaumes habités, sans compter les déserts et un gros bras de mer ; mais j'ai composé là-dessus un grand livre intitulé l'Histoire des Rengorgés ; je les ai nommés ainsi parce qu'ils demeurent dans la gorge de mon maître Pantagruel.
Finalement je voulus m'en retourner, et passant par sa barbe, je me jetai sur ses épaules, et de là je descendis à terre et tombai devant lui.
Quand il m'aperçut, il me demanda:
« D'où viens-tu, Alcofrybas ? »
Je lui réponds :
« De votre gorge, Messire.
- Et depuis quand y es-tu ? dit-il.
- Depuis, dis-je, que vous êtes allé contre les Almyrodes.
- Il y a, dit-il, plus de six mois. Et de quoi vivais-tu ? Que buvais-tu ? »
Je réponds :
« Seigneur, de même que vous, et sur les plus friands morceaux qui passaient dans votre gorge, je prélevais des droits de douane.
- Oui mais, dit-il, où chiais-tu ?
- Dans votre gorge, Messire, dis-je.
- Ha, ha, tu es un gentil compagnon, dit-il. Nous avons, avec l’ide de Dieu, conquis tout le pays des Dipsodes, et je te donne la châtellenie de Salmigondis.
- Merci beaucoup, dis-je, Messire. Vous me faites plus de bien que je n’ai mérité de votre part. »
— Voyant doncques, dist Baisecul, que la pragmatique sanction n'en faisoit nulle mention et que le pape donnoit liberté à chascun de péter à son aise, si les blanchetz n'estoyent rayez, quelque pauvreté que feust au monde, pourveu qu'on ne signast de ribaudaille.
Chapitre XI : Comment les seigneurs de Baisecul et Humevesne plaidoient devant Pantagruel sans advocatz.
L'ÉTUDE DE GARGANTUA SELON LES MÉTHODES DE SES PRÉCEPTEURS SOPHISTES [CHAPITRE 21]
Il employait son temps de telle sorte qu'il s'éveillait habituellement entre huit et neuf heures, qu'il fit jour ou non; ses maîtres, les théologiens, en avaient décidé ainsi, alléguant les paroles de David : «Il est vain de se lever avant la lumière. »
Puis il gambadait, faisait des sauts, et se vautrait un moment sur son lit pour mieux réveiller ses esprits animaux. Il s'habillait selon la saison, mais portait volontiers une grande robe longue de laine épaisse, fourrée de renards; après, il se peignait avec le peigne d'Almnain, c'est-à-dire avec les quatre doigts et le pouce, car ses précepteurs disaient que se peigner, se laver et se nettoyer autrement c'était perdre son temps en ce monde.
Puis il fientait, pissait, se raclait la gorge, rotait, pétait, bâillait, crachait, toussait, sanglotait, éternuait et se mouchait comme un archidiacre, et pour abattre la rosée et le mauvais air, il déjeunait de belles tripes frites, de belles grillades, de beaux jambons, de beaux sautés de chevreau et d'une quantité de tranches de pain matinales. Ponocratès luí faisant observer qu'il ne devait pas en engouffrer tant juste au sortir du lit sans avoir pris d'abord un peu d'exercice, Gargantua répondit :
"Quoi ? N'ai-je pas fait suffisamment d'exercice ? Je me suis retourné six ou sept fois dans mon lit avant de me lever. N'est ce pas assez ? C'est ce que faisait le pape Alexandre, sur les conseils de son médecin juif, et il vécut jusqu'à sa mort en dépit des envieux.
On connaît principalement Rabelais pour deux de ses ouvrages," Pantagruel" et "Gargantua". Mais c'est aussi l'un des plus grands inventeurs de mots de l'histoire de la langue française.
#littérature #bac #bacdefrançais
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