Une couverture magnifique, fleurs, papillons, oiseaux qui attire mon regard. Et ce titre "
Printemps silencieux" qui fait tilt dans mon esprit. J'emprunte ce livre avec néanmoins, une légère appréhension, un essai, ça peut être rébarbatif non ?
En fait ce livre est passionnant, ambitieux, mais terriblement effarant....
Rachel Carson a écrit ce livre en 1962 (il y a tout pile 60 ans !), elle va y recenser les études menées sur les produits chimiques utilisés pour détruire les insectes et autres "mauvaises" herbes dans le milieu agricole et forestier. Elle va y faire le bilan des dommages irrémédiables constatés sur la flore, la faune, l'être humain sachant qu'en 1962 ça faisait à peine 12 ans qu'on utilisait ces produits avec "vigueur" (et que ce n'était rien face à l'usage actuel !). Ce qui est effarant, c'est qu'en fait on ne peut pas dire qu'on ne savait pas. Tout est dit dans ce livre de ce que nous vivons aujourd'hui. Tout est dit mais rien n'a été fait.
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Petit point sémantique.
Ce livre est une édition toute jolie, toute nouvelle mais qui utilise la traduction de l'époque. Donc dans ce livre est utilisée la notion de "poison chimique".
C'est vrai qu'on dit "pesticide" (qui tue la vermine), "produit phytosanitaire" (qui soigne la plante) voire "produit phytopharmaceutique" (produit qui soigne et guérit la plante - no comment). Ah le politiquement correct, le glissement sémantique pour faire accepter les choses. Ca me rappelle les "dommages collatéraux" de la guerre contre l'Irak....
C'est sûr que "le paysan a déversé des phytos sur son champ" c'est plus classe que "le paysan a déversé des poisons chimiques sur son champ". Là on risque de m'accuser d'agribashing et je risque de voir la cellule Déméter me tomber dessus !
L'avantage c'est que je peux le dire, c'est le terme de l'auteure qui n'hésite pas à multiplier les "empoisonnements" et termes dérivés.
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Fin de ma parenthèse sémantique.
Dans ce livre
Rachel Carson pointe toutes les dérives de ces "poisons chimiques" et ses effets désastreux sur l'environnement mais aussi sur l'homme. Elle démonte les mécanismes, explique, et rend concrètes des données pas toujours évidentes à saisir. Elle a un réel talent de vulgarisation. Ce livre est difficile à lâcher.
Ajoutez un regard de "60 ans après" et là ça devient déprimant.... Tout est dit, la disparition des abeilles et les problèmes de pollinisation, la multiplication des cancers, les problèmes de stérilité, la ruine inéluctable de notre environnement. Et les batailles juridiques sans fin pour continuer à utiliser un produit dangereux.....
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Rachel Carson s'étonne de la peur presque animale du nucléaire (dont elle reconnaît les dangers) alors que les "poisons chimiques" le sont tout autant mais sont utilisés par tous sans aucune réflexion....
Rachel Carson est morte deux ans après la sortie de son livre. Heureusement, elle n'a pas vu que, certes son livre aura permis l'interdiction du DDT et des POP, mais au profit d'autres substances peut-être pires encore et utilisant des technologies inouïes (les nanoplastiques utilisés en agriculture qui diffusent lentement les "poisons chimiques" et laissent l'enveloppe de nanoplastique dans le sol)....
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Un livre nécessaire, mais effrayant quand on le lit 60 ans après, car on s'aperçoit que rien ou presque n'a changé et qu'on a accepté le principe même d'être empoisonné(s)....
En un mot : glaçant.....