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François Mathieu (Traducteur)
EAN : 9782020128674
223 pages
Seuil (20/02/1991)
3.75/5   14 notes
Résumé :
Comment raconter l'irracontable ? Comment restituer ce qui paraît définitivement au-delà de toute expérience commune, et qui n'en finit pas de nous fasciner ? En faisant de cet appel, et de cette fascination, le sujet même du livre. Ces Effrois de la glace et des ténèbres (quel titre, déjà !) sont une réussite exceptionnelle, un formidable roman d'aventures où passe quelque chose de la démesure melvilienne.
" Michel Le Bris, Le Nouvel Observateur
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
En quête de frisson polaire, j'ai trouvé dans un échange de babélionautes (merci à eux) la mention de ce livre dont je n'avais jamais entendu parler. Il s'agit d'une relation de l'expédition Payer-Weyprecht, aventurée dans l'Arctique, au-delà du Spitzberg et de la Nouvelle Zemble, entre le printemps 1872 et l'été 1874. En cette époque où les Européens découvrent et colonisent les dernières régions du monde qui leur échappent, l'objectif du voyage est double : trouver de nouvelles terres où planter le drapeau austro-hongrois et aller le plus loin possible vers le nord, à travers les glaces, avec l'espoir insensé d'être les premiers à atteindre le Pôle mythique.
C'est un livre absolument fascinant, qui tient haut-la-main toutes les promesses de son titre improbable. La forme, pourtant, est difficilement identifiable : le récit entremêle la fiction avec l'histoire des explorations polaires, cite de nombreux extraits des journaux tenus par les membres de l'expédition tout en ajoutant ici ou là des registres ou des documents plus techniques, ainsi que quelques splendides gravures d'époque. Un mystérieux narrateur, qui n'est autre que l'auteur à peine déguisé, parsème le tout de considérations philosophiques très personnelles où s'esquisse une réflexion sur le sens d'une telle quête d'absolu. Si les premières pages sont assez déroutantes, une extraordinaire magie opère peu à peu, très bien servie par une excellente traduction, et toutes les voix se répondent bientôt, souvent bouleversantes, pour offrir au lecteur une sorte de vision globalisante de cette histoire et des traces qui en subsistent. A la fin, il ne reste que le sifflement du vent et le désarroi d'un écrivain qui, lui non plus, n'est pas vraiment revenu de son voyage...
C'est tout simple : un de mes meilleurs livres de l'année.
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"Les Effrois de la Glace et des Ténèbres" est le premier roman de l'autrichien Christoph Ransmayr. L'auteur raconte deux histoires qu'il relie par le biais d'un narrateur omniprésent.
Il retrace ainsi l'expédition austro-hongroise dans le pôle Nord de 1872-1874 qui est à l'origine de la découverte de la terre François-Joseph. Cette expédition est dirigée par Carl Weyprecht, commandant sur l'eau et la glace, et Julius Payer, commandant sur terre. En une sorte de chronique où la réalité et la fiction sont étroitements mêlées Ransmayr fait revivre au lecteur les aventures de l'équipage de l'Admiral Tegetthoff. C'est dans l'effroi et les soufrances occasionnées par le froid que l'équipage vit pendant environ deux ans à bord du vaisseau emprisonné par les glaces. L'effroi atteint le summum lorsque tombe la nuit arctique qui dure des mois et oblige l'équipage à demeurer inactif.
Parallèlement à ce récit l'auteur narre l'histoire de Josef Mazzini qui désire découvrir le pôle Nord et vivre à son tour les aventures des explorateurs. Cette histoire se déroule en 1981 et montre le parcourt de Mazzini qui cherche à atteindre ce monde qui était l'objet de ses rêves d'enfant.
"Les Effrois de la Glace et des Ténèbres" est un livre captivant qui ressemble parfois plus à un témoignage qu'à un roman. Seul le voyage fictif de Mazzini qui a une place secondaire dans ce roman ne m'a guère intéressée. Sinon j'ai été absorbée par le récit de l'expédition austro-hongroise où Ransmayr dépeint un monde impitoyable pour l'homme mais qui conserve toutefois une grande beauté.

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Une expédition polaire autrichienne du XIXème, un peu oubliée, et le Spitzberg contemporain.

Publié en 1984, le deuxième roman de l'Autrichien Christoph Ransmayr est une réjouissante curiosité pour l'amateur de littérature polaire et d'aventure mise en perspective avec soin, et pas uniquement pour lui.

Dans un léger enchâssement, le narrateur parcourt les traces de l'amateur italien de littérature Joseph Mazzini, parti lui-même en 1981 pour suivre, à partir du Spitzberg, en s'embarquant sur un gros chalutier scientifique, le cheminement de l'expédition austro-hongroise Payer-Weyprecht, qui, bloquée et dérivant dans les glaces en 1872-1873, atteignit alors un record de latitude nord et découvrit une terre ignorée, désormais appelée "terre de François-Joseph", avant de réussir, exploit rarissime à l'époque, à sauver ses équipages en rejoignant, dans une course folle au milieu des glaces puis en baleinière, l'archipel russe de la Nouvelle-Zemble.

Nourri (peut-être parfois avec quelque excès) des abondants journaux des acteurs du XIXème siècle, et de témoignages réels ou inventés - on ne sait - concernant le curieux périple avorté et la disparition inexpliquée au Spitzberg du rêveur Joseph Mazzini, le roman est passionnant, et propose au lecteur une rare expérience de partage d'une expédition aussi surprenante que désormais presque oubliée (quoique peut-être un peu moins pour un Autrichien...) en même temps qu'une incursion acérée dans les bizarres caractéristiques du Spitzberg contemporain, quelques années avant qu'il ne connaisse un certain développement du tourisme extrême...

Le roman souffre toutefois de la comparaison avec une oeuvre ultérieure, l'extraordinaire "Les fusils" de William T. Vollmann (1994), mêlant les traces de l'expédition Franklin, à la recherche du passage du Nord-Ouest en 1845 (sans les afféteries et les grosses ficelles de Dan Simmons dans son "Terreur" de 2007), et les propres expériences hallucinées du romancier américain au sein de la culture inuit des années 1990, dans une fusion romanesque autrement ambitieuse et autrement achevée que celle de son prédécesseur autrichien.

"J'ai fait la connaissance de Josef Mazzini dans l'appartement de la libraire Anna Koreth, femme qui, après un travail d'ethnologie sur une tribu samoyède de la côte sibérienne de l'océan Arctique, avait fréquenté le milieu universitaire, avant de se spécialiser dans les vente de littérature ethno-historique et de voyage. Dans son appartement viennois sombre et spacieux, Rauhensteingasse, la libraire invitait de temps en temps à dîner ses meilleurs clients."

" "Nous sommes à peu près là." Einar Hellskog, troisième invité à bord avec Mazzini et la glaciologue du Massachusetts - peintre en timbres-poste, il est envoyé par la Poste norvégienne pour dessiner des paysages arctiques -, s'est approché de la carte murale et montre dans le bleu un point au nord-est de l'île Moffen ; le contour de l'île touche la ligne noire du 80e parallèle comme un zéro proprement posé sur la ligne."

"Au nord de l'île Rodolph, le bleu de la mer s'assombrit. Ce sont les fonds du bassin eurasien. J'aime ce bleu, y séjourne souvent, lisse les plis de l'océan Arctique, puis retourne pour m'enfoncer au sud-est, jusqu'aux côtes de Novaïa Zemlia qui s'étirent et me sont familières, la falaise, la belle côte, où poussent le pas-d'âne, la mousse pourpre et l'oseille ; et puis là il y a aussi le cap Suchoi Nos et là-derrière une vaste baie, dans laquelle autrefois les chasseurs de phoques allaient à la recherche des navires naufragés, des bateaux de pêche perdus, de tout ce qui avait disparu à un moment ou à un autre.
Près de Suchoi Nos, beaucoup de choses qui avaient dérivé réapparaissaient, des coques de bateaux crevées, des planches, des mâts éclatés ; nettoyés, blanchis. Je m'entends dire qu'il y a peut-être là-bas des restes qui m'attendent, que peut-être un ruisselet d'eau de fonte a fait ressortir un signe d'un glacier du Spitzberg et que le courant l'a laissé pour moi près de Suchoi Nos.
De la paume de la main, je protège le cap, je recouvre la baie, je sens la sécheresse et la fraîcheur du bleu, je suis au milieu de mes océans en papier, seul, avec toutes les possibilités d'une histoire : je suis un chroniqueur à qui il manque la consolation de la fin."
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J'ai lu ce livre toute jeune fille et il m'avait bouleversée ; il était tellement important pour moi que j'ai offert mon exemplaire à quelqu'un que j'aimais ; notre amour a cessé, mon livre adoré je ne l'avais plus, et j'ai su qu'il n'était plus édité...
Terrible chose que de découvrir que les livres, les mots se perdent... J'aurais aimé ici partager des extraits, les premières pages sublimes sur la marche et l'éloge de la lenteur, les magnifiques effrois de ces paysages glaciaires... Mais je n'en ai plus que des échos...
Paradoxale modernité : le rythme frénétique des nouvelles politiques éditoriales est parfois aussi destructeur qu'un autodafé... mais les nouvelles librairies en ligne me permettront de mettre enfin un terme à la quête que je mène depuis des années chez les bouquinistes à la recherche de ce trésor...
Si vous tombez dessus, lisez-le!
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Puis ce ne sont plus que des champs plats de glaces flottantes qui s'étendent devant eux, une grande plaine que déchire une infinité de lacs et de rivières, et qui se soulève et s'abaisse comme une respiration, lourdement et en rythme. C'est la houle. Ils ont atteint la limite des glaces. Au-delà de cette plaine, qui se déroule longuement, s'envolent des essaims d'oiseaux, et là-bas, sous un ciel sombre, il y a la mer libre.
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J'ai devant moi le petit cahier à reliure bleue, qu'il a rempli de son écriture fine ; Kjetil Fyrand l'a transmis à Anna Koreth, avec les autres notes et les effets du disparu. Il est sûr que ce n'est pas l'écriture de Josef Mazzini qui, sur l'étiquette de la couverte, a tracé une fois pour toutes le titre de cette incroyable collection de citations "Le Grand clou" - c'est ainsi que les Esquimaux du Groenland appellent le pôle Nord. Ce n'est pas l'écriture de Josef Mazzini. C'est moi qui ai écrit. Moi. C'est aussi moi qui ai donné un nom aux autres cahiers de Mazzini. Campi deserti. Terra Nuova. J'ai procédé avec ces notes comme procède tout découvreur avec sa terre, avec des baies, des caps et des sunds anonymes - je les ai baptisées. Il faut que tout porte un nom.
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Celui qui ne supporte pas la vérité peut à présent se consoler une fois de plus à l'idée que l'avenir sera plus conciliant, que ses propres forces auront augmenté, que la glace sera plus praticable et la charge plus légère. Mais celui qui a vécu le calvaire des expéditions en traineau à travers cette terre nouvelle et inhospitalière sait que chaque supplice s'accroît, ne fais toujours que s'accoître.
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Nous sommes trop habitués à pratiquer le commerce avec l’autre sexe pour ne pas ressentir un effroyable vide en l’absence totale de source de séduction.
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Tous les romans de notre rentrée littéraire.
De l'influence de David Bowie sur la destinée des jeunes filles, Jean-Michel Guenassia La gloire des maudits, Nicolas d'Estienne d'Orves Les sables de l'Amargosa, Claire Vaye Watkins Sangliers, Aurélien Delsaux Le Courage qu'il faut aux rivières, Emmanuelle Favier La Nuit des enfants qui dansent, Franck Pavloff Bakhita, Véronique Olmi La Vengeance du pardon, Eric-Emmanuel Schmitt La tour abolie, Gérard Mordillat Un dissident, François-Régis de Guenyveau Underground Railroad, Colson Whitehead Le songe du photographe, Patricia Reznikov Vous connaissez peut-être, Joann Sfar Cox ou la course du temps, Christoph Ransmayr Frappe-toi le c?ur, Amélie Nothomb
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