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EAN : SIE271808_188
Marabout (01/01/1971)
3.76/5   102 notes
Résumé :
« Faux roman d’épouvante », « faux roman policier », selon la critique des années 1940, voici bel et bien un vrai roman de Jean Ray, où l’humour se charge du dénouement. Dans la ville d’Ingersham, plus british que nature, mais toujours un peu flamande, apparaît un certain Triggs, ancien constable. Et chacun de trembler de peurs inavouables : des choses tues et cachées seraient-elles révélées par ce paisible et mystérieux enquêteur ? Dans ce dialogue entre le « faux ... >Voir plus
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Jean Ray, un nom qui peut intriguer, faire peur ou bien totalement laisser indifférent, mais dans tous les cas, on sent que d'une façon ou d'une autre, ce monsieur doit bien être connu pour une raison. La réédition de ses oeuvres les plus connues (longtemps publiées chez Marabout) vient donc à point nommé. Et ce sont les éditions Alma, dont le catalogue est depuis quelques temps très alléchant, qui ont lancé l'opération en partenariat avec Arnaud Huftier, professeur-chercheur à l'université de Valenciennes (dont il préside, en outre, les Presses Universitaires).

S. T. Triggs, surnommé Sigma, voire Sigma-Tau, n'est qu'auxiliaire de police (et de bureau surtout) à Londres quand il résout une première enquête sans être lié à l'affaire et uniquement avec sa logique et sa raison. Ces deux compétences essentielles vont être rudement mises à mal quand, apeuré par la vision d'un fantôme, il prend quelques jours et se retire à Ingersham, petite ville de campagne, où il va devoir déjouer le vrai du faux, mais surtout le réel du surnaturel. À ses côtés, nous découvrons tour à tour un maire très paternaliste avec ses concitoyens, un directeur des galeries du coin amoureux d'un de ses mannequins, un fonctionnaire passé maître en calligraphie et quantité d'autres femmes chez qui l'heure du thé et les rumeurs déclenchent forcément bon nombre de tracas… et de coups bas.
Dans ce récit republié dans sa version originale et intégrale de 1943, le lecteur trouvera un style très particulier. Tout d'abord, l'antithèse filée tout au long du roman entre la morosité poussée à l'extrême de cette paisible bourgade et les événements atroces qui y ont lieu dénote dès le départ. Ainsi, les événements vont se succéder d'une telle façon qu'on atteindra une violence insupportable vers les deux tiers du récit. de plus, et c'est surtout là l'intérêt de relire du Jean Ray aujourd'hui, son style descriptif croule sous les détails croustillants et imagés, allant toujours chercher l'anecdote qui fera d'une simple narration un moment très étrange à lire.
Bien sûr, ce roman est le reflet de son époque, pourtant il est intéressant de le redécouvrir et de voir qu'à nouveau le fantastique le plus simple et le plus réaliste qui soit est sûrement l'un des plus efficaces. Les créatures fantastiques sont absentes ? Peu importe, il suffit de s'imprégner longtemps et profondément d'un lieu, d'un paysage, d'une atmosphère, de ses voisins pour voir en chaque chose une part de fantastique, et pour le coup d'horreur. Dans cette cité aux apparences flegmatiques trompeuses, l'indicible peur fait naufrager n'importe quelle âme en proie à un quelconque remords.

Une bien belle découverte donc que ce roman de Jean Ray. Il y a une actualité très intéressante autour de cet auteur avec la réédition d'Alma, mais aussi l'adaptation des Contes du Whisky, sélectionnés par Xavier Mauméjean et réalisés par Étienne Vallès en récit radiophonique sur France Culture (Lionnel Astier fait partie du casting vocal). Bref, il y a encore neuf volumes, pour ma part, à découvrir, merci à Alma et Babelio via sa Masse Critique de m'avoir procuré celui-ci.
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Ingersham, petite bourgade anglaise tranquille, où se produisent subitement des meurtres inexplicables. Voilà le décor d'un roman policier qui oscille vers le fantastique, que beaucoup considèrent comme une oeuvre majeure de Jean Ray.
Le récit part un peu dans tous les sens, et on a du mal à retrouver nos petits, mais le style est fascinant et il m'en a été très agréable de tourner les pages. Et puis j'aime bien les fantômes.
Triggs, détective contre son gré, part en croisade pour découvrir ce qui se passe dans la petite ville, et pour ce faire, interroge les habitants, fouillant dans leurs plus sombres secrets, alors qu'en apparence, seuls le sexe et la nourriture semblent les intéresser. Il découvre même au passage un trafic de faux billets.
Ce livre m'a réjouie, je le reconnais. Je n'ai pas été scotchée, mais je me suis amusée. le côté un peu désuet peut-être, je ne sais pas, mais si le récit a pu effrayer certains lecteurs, l'ambiance étant quand même assez pesante et oppressante, cela n'a pas été mon cas, ce qui ne veut pas dire que j'aie passé un mauvais moment, bien au contraire. Seul petit bémol, la fin m'a un peu déçue. Je me suis demandé si l'auteur allait arriver à s'en sortir.
Pour résumer, je ne considère pas que ce roman soit un chef-d'oeuvre, mais un très bon roman, qui vaut le détour ne serait-ce que par la plume de l'auteur que je trouve sublime, et puis un peu d'humour de temps en temps ne peut pas faire de mal.
Pour le coup, cest mon retour qui part un peu dans tous les sens, à l'instar du livre, le talent en moins.
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Vous ne connaissez pas Jean Ray ? Pour aborder son oeuvre, lisez ce livre.
Vous connaissez Jean Ray? Alors vous avez lu ce livre. Si vous ne l'avez pas lu, qu'est-ce que vous attendez ? Sinon relisez-le.
Vous n'aimez pas Jean Ray et n'avez pas lu ce livre. Alors lisez-le. Si vous n'aimez toujours pas Jean Ray, je ne peux plus rien pour vous.
Ce livre est un de mes favoris depuis que je l'ai lu à onze ans dans l'édition Marabout. Je viens de le relire et j'ai envie d'en parler.
La cité de l'indicible appartient à première vue au genre un peu bâtard du fantastique expliqué (comme les Harry Dickson du même auteur): le livre a l'aspect d'un roman policier, avec enquêteur et explication rationnelle à la fin. Mais on n'est pas obligé d'être d'accord, d'autant que le livre est encadré d'un prologue halluciné, qui est l'un des plus beaux textes de la littérature fantastique, et d'un épilogue qui dément en partie ce qui le précède.
L'histoire ? le sympathique Triggs, ancien constable à Londres, personnage atypique, beaucoup plus intelligent que certains le croient, y compris des lecteurs mal avisés ,prend sa retraite à Ingersham grâce à un legs inattendu de Sir Brody. Pourquoi ce legs? nous ne le saurons pas, mais certains indices nous permettent de la deviner.
Ingersham est une petite ville anglaise typique. Vraiment ? Dès que nous découvrons Ingersham, Jean Ray précise que son architecture est plus flamande qu'anglaise. Toutes les demeures que Triggs visite ont des salles à manger à la hollandaise, des poêles hollandais, des carreaux de Delf aux murs, des pignons à la hollandaise. Il y a cependant une de ces landes affectionnées des créatures fantastiques anglaises. Et de fait, la lande a son monstre. Dès l'arrivée de Triggs, la ville est la proie d'une véritable épidémie de décès mystérieux, dont les circonstances confinent au surnaturel. le maire (qui ressemble beaucoup à un bourgmestre flamand) profite de la présence d'un "célèbre détective de Scotland Yard" pour lui demander de se charger de l'enquête. Ce qu'il fait, avec succès apparemment. Mais en réalité, comme dit ci-dessus, tout n'est pas si clair.
Ce brave Triggs a droit à sa happy end. Il a de la chance, ce n'est pas si fréquent chez Jean Ray.
La ville d'Ingersham est une parfaite réussite, c'est peut-être elle le personnage principal du roman. On a presque envie d'y habiter, de vivre dans cette ambiance à la fois quotidienne et magique.
Malgré son côté plus léger, le livre reste dans la tonalité générale de l'oeuvre de l'auteur par ses thèmes et ses décors et constitue une bonne introduction à son oeuvre.
On remarque une allusion à la mythologie classique qui nous rappelle "Malpertuis". Et je reviens au formidable prologue, qui justifierait à lui seul la lecture du livre. Je le reprends en citation.
Incidemment, je ne comprends pas ceux qui jugenent le style jean Ray désuet; il est tout simplementclassique, et il écrit en bon français. Ce n'est quand même pas si rare, même de nos jours.
je signale encore une bonne adaptation de Mocky, bénéficiant d'une très belle photographie et de la présence de Bourvil. L'Ingersham du livre est d'ailleurs très proche par son atmosphère d'autres villes de films de ce metteur en scène.
Ce film, initialement distribué sous le titre imbécile de "la grande frousse", a retrouvé son titre original en 1972 après que le metteur en scène en ait racheté les droits. je crains qu'il soit un peu difficile à trouver. peut-être en VOD? Ou sur certaines plateformes de téléchargement peu orthodoxes.
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« On prétend que tout Anglais qui se respecte, croit au moins une fois dans sa vie à un fantôme… »  La cité de l'indicible peur, qui donne son titre au roman, c'est Ingersham, une petite ville anglaise située « aux confins du Middlesex et du Surrey », où Sidney Terence Triggs, un ancien secrétaire d'un petit commissariat de police londonien, vient s'installer après avoir reçu en héritage une maison située sur la grand-place.  Son arrivée impressionne: on le prend, à tort, pour un grand inspecteur de Scotland Yard. Dans sa postface, Arnaud Huftier, qui fournit une analyse intéressante de ce roman publié en 1943 et contribue à en faire ressortir toute la complexité, utilise le terme de « détective involontaire », et c'est bien dans cette position que Triggs se retrouve, lorsque les bonnes gens d'Ingersham commencent à disparaître voire à mourir aux mains d'apparitions fantomatiques… Autant j'ai trouvé hermétique Malpertuis, que j'ai lu en début d'année, autant j'ai adoré La Cité de l'indicible peur, une histoire mi-fantastique mi-policière dans la plus pure tradition des « ghosts stories » anglaises, qui s'appuie sur un vocabulaire recherché pour en restituer toute l'atmosphère. Un parfait roman en cette Halloween qui approche, dont j'ai apprécié la musicalité: « Les mots lui sonnaient aux oreilles comme un glas formidable tombant du haut des tours noyées dans la nuit et la pluie. »
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On ne pense pas forcément à « La cité de l'indicible peur » lorsqu'on évoque Jean Ray, plutôt connu pour l'admirable « Malpertuis » ou la série policière « Harry Dickson ». Ce roman fantastique publié en 1943 illustre pourtant à merveille le talent de narrateur de l'écrivain belge. Et si le style apparaît nos jours un peu suranné (plus encore peut-être que celui d'un Poe ou d'un Lovecraft), on se plaît à savourer cette prose finement ciselée, ces tournures délicieusement désuètes, ce vocabulaire si riche qu'il nécessite parfois l'usage d'un dictionnaire, à l'heure où tellement de livres, y compris des succès de librairie, sont écrits avec les pieds.

Grâce aux éditions Alma, on redécouvre aujourd'hui quelques textes de Jean Ray devenus difficiles à dénicher ailleurs que chez les bouquinistes. « La cité de l'indicible peur », adaptée librement par Jean-Pierre Mocky en 1964 sous le nom de « La grande frousse » (il révisera cette version insatisfaisante en 1972 et lui donnera le nom du roman), met en scène les habitants de la petite ville d'Ingersham en Angleterre, dirigée d'une main de fer par son maire, bourgade endormie où tout le monde se connaît, micro-société en apparence tranquille mais percluse de secrets et de peurs. Sigma Triggs, modeste employé de Scotland Yard et fraîchement retraité, débarque tel un chien dans un jeu de quilles au milieu de cette galerie de personnages hauts en couleurs. Mais peu après son arrivée, d'étranges meurtres sont perpétrés, des gens meurent de terreur à la vue de ...fantômes ? Triggs va bien malgré lui endosser le rôle de détective et tenter d'y voir clair parmi ces habitants aux comportements parfois singuliers.

Bien que le dénouement soit expédié un peu rapidement, l'intrigue est rondement menée. Jean Ray manie avec adresse les deux genres auxquels semble appartenir cette histoire, policier et fantastique, tout en les parodiant discrètement ; il s'attarde au moins autant sur l'âme humaine et ses méandres que sur les aspects surnaturels. Son « héros », souvent dépassé par les événements, n'en est pas vraiment un, ce qui le rend humain et attachant. Il n'aura d'ailleurs au bout du compte pas compris grand-chose à l'affaire…

Un roman plaisant, à relire ne serait-ce que pour l'écriture soignée de son auteur.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Ces brèves pages liminaires ont-elles vraiment pour but de porter la lumière dans la nuit ? Sont-elles de force à allumer la lanterne du chasseur de mystères ? On l’oserait l’affirmer.

La « Grande Peur », qui hanta durant près de cinq siècles les coulisses de l’histoire d’Angleterre, joue-t-elle un bout de rôle dans la multiple tragédie d’Ingersham ?

*

Nous sommes dans la seconde moitié du XIVe siècle.

Chaucer a terminé quelques-uns de ses merveilleux Contes de Canterbury. Il connaît la gloire, la fortune, les honneurs. Mais, disciple de Wiclef, il se bat sans profit pour la réforme religieuse qui se prépare dans toute l’Europe. Des troubles éclatent en Angleterre, le lord-maire de Londres s’y trouve compromis, ainsi que Chaucer, étroitement lié avec lui. L’écrivain, secrètement averti, prend la fuite au moment où les gardes du régent vont s’emparer de sa personne.
Il demande asile à la Hollande, aux Flandres, au Hainaut. Mais l’exil lui pèse et il revient secrètement en Angleterre.

Il passe la nuit à Southwark, bourgade qui lui est chère.

Une rumeur étrange le réveille et l’attire vers la fenêtre.

Il voit une troupe d’hommes blêmes et silencieux déambuler par la rue ténébreuse ; ils portent des torches aux flammes livides et, tout à coup, de brume et de clair de lune, ils bâtissent des murailles menaçantes : une prison !

Chaucer comprend que ces créatures ne sont pas de ce monde, et qu’elles lui annoncent la perte de sa liberté.

Une voix déchirante lui jette un nom inconnu dans le silence nocturne : Wat-Tyler !
Chaucer connaîtra, en effet, un dur séjour dans la geôle de Tower, mais il ignorera naturellement Wat-Tyler et la terrible rébellion de 1640, celle qu’il a aidé à préparer, trois siècles avant qu’elle n’éclatât.
Plus tard, les honneurs lui étant revenus, dans sa retraite sylvestre de Woodstock, il parlera à mots couverts de la vision prophétique, et désignera les fantômes bâtisseurs de geôles de fumée, de ce moi plein de terreur et d’incompréhension : Ils…
Cent ans plus tard, aux approches de l’année 1500, des hordes de gens affamés, brûlés de fièvre, descendent de Calédonie, sèment leurs cadavres de Balmoral à Dumfries. Ils ne volent ni ne mendient… Ils courent, tombent et meurent en criant : Ils arrivent ! Ils…

Les montagnards des Cheviots quittent leurs maisons de rondins de chêne et se joignent aux fuyards, annonçant l’atroce venue d’Ils…

Qui sont-ILS ? On ne le saura jamais mais les estafettes de la Grande Peur meurent sans dévoiler leur effroyable secret.

*

1610. — Le maire de Carlisle va se mettre à table ; il va traiter de son mieux quelques amis et des notables de la région.

Les truites de l’Eden grillent au feu clair ; des turbots du Solway sont accommodés au vin d’Espagne ; la forêt Cumbrienne a fourni une ample venaison ; les premiers grouses ont apporté une succulente contribution au menu. Un rôtisseur célèbre de Bradford a fait des lieues et des lieues, en calèche, pour cuire des pâtés, des gâteaux d’avoine fine, des darioles au beurre et des nougats à la mode de France.

La soirée d’automne est douce à souhait ; dans les rues passe, au chant des fifres, un cortège aux lanternes.
On s’attable, on verse des vins de Portugal et d’Italie. Le cortège a disparu, les chansons meurent dans le lointain, les dernières lanternes s’évanouissent dans l’ombre bleue du soir.

Tout à coup s’élève une clameur sinistre : « Ils viennent ! »

Des gens courent, brandissant torches et fourches. On crie : « Aux portes ! Aux portes ! » Les agapes sont interrompues, le maire donne des ordres au guet, aux hallebardiers volontaires, aux hommes d’armes du roi qui séjournent d’aventure dans sa bonne ville.

Ils… n’arrivent pas, la campagne baignée de lune est déserte ; mais le lendemain trois cents personnes sont mortes de peur, dans la ville, et parmi elles sept hôtes du maire.

On ne saura jamais pourquoi.

*

La même année, le fantôme d’Anne Boleyn apparaît dans le Tower et cent douze personnes sont étranglées dans Londres par… des fantômes. Podgers les a décrits d’ailleurs : ils ont à peine forme humaine et on n’aperçoit, jaillis de troncs vaporeux et amorphes, que leurs énormes mains d’égorgeurs.
La même année, le fantôme d’Anne Boleyn apparaît dans le Tower et cent douze personnes sont étranglées dans Londres par… des fantômes. Podgers les a décrits d’ailleurs : ils ont à peine forme humaine et on n’aperçoit, jaillis de troncs vaporeux et amorphes, que leurs énormes mains d’égorgeurs.

*

1770. — Preston est une ville sans joie, elle l’est d’ailleurs restée jusqu’à nos jours, et rien ne prouve qu’elle ne continuera de l’être, On s’attable, on verse des vins de Portugal et d’Italie. Le cortège a disparu, les chansons meurent dans le lointain, les dernières lanternes s’évanouissent dans l’ombre bleue du soir.

Tout à coup s’élève une clameur sinistre : « Ils viennent ! »

Des gens courent, brandissant torches et fourches. On crie : « Aux portes ! Aux portes ! » Les agapes sont interrompues, le maire donne des ordres au guet, aux hallebardiers volontaires, aux hommes d’armes du roi qui séjournent d’aventure dans sa bonne ville.

Ils… n’arrivent pas, la campagne baignée de lune est déserte ; mais le lendemain trois cents personnes sont mortes de peur, dans la ville, et parmi elles sept hôtes du maire.
On ne saura jamais pourquoi.
La même année, le fantôme d’Anne Boleyn apparaît dans le Tower et cent douze personnes sont étranglées dans Londres par… des fantômes. Podgers les a décrits d’ailleurs : ils ont à peine forme humaine et on n’aperçoit, jaillis de troncs vaporeux et amorphes, que leurs énormes mains d’égorgeurs.

*1770. — Preston est une ville sans joie, elle l’est d’ailleurs restée jusqu’à nos jours, et rien ne prouve qu’elle ne continuera de l’être, mais la vie y est bonne et calme. Les habitants sont restés fidèles aux sectes puritaines, ils sont gens de gros bon sens, pratiques, âpres au gain et ennemis de tout ce qui frise la fantaisie.
Un jour, un dimanche aux portes et fenêtres closes, voués aux prières, aux cantiques et aux citations bibliques, les tocsins se mettent en branle dans les six tours de la cité pieuse.
— Ils sont là !
Du haut des murs, on voit les gens fuir dans la campagne ; les bateliers de la Ribble se hâtent vers la ville, à grands coups d’avirons.
Le maire Sedwick Evans envoie une troupe d’hommes armés à la rencontre des problématiques ennemis.
À peine la moitié de leurs effectifs rentrera dans les murs, au soir tombant. Ils n’ont rencontré personne, mais ils ont laissé treize hommes morts dans la campagne, et vingt autres ont fui vers la mer en hurlant de terreur. Ils ne reviendront plus.

Que s’est-il passé ? On ne le sait… La Grande Peur est venue.

*Cette frayeur mystérieuse, cette silencieuse agression d’invisibles est-elle périodique dans la grande Ile ? On est tenté de le croire.
Les monstres continuent à surgir brusquement des eaux glacées du Loch-Ness, les Jack the Ripper restent toujours en potentiel, maître de la terreur de Londres. Les brownies dansent encore au clair de lune sur les landes d’Écosse et attirent les voyageurs dans les ravins et les lacs sans fond.
La Banshee, fée de la mort, chante par les minuits maudits et le Tower se peuplera éternellement de spectres sanglants.

L’Épouvante, citoyenne de droit des villes et bourgs d’Angleterre, a-t-elle pris corps à Ingersham, pour y tirer, de ses affreuses mains de brume, les ficelles des pantins humains ?
La logique dit non mais, devant la Grande Peur, elle n’est qu’un oiseau affolé qui fuit à larges coups d’ailes vers l’horizon, laissant les hommes qui espèrent encore en elle sans protection ni défense.

*

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À cinquante ans passés, on le trouvait toujours à sa même place dans Swan Lane, gras à lard, rose et souriant ; son nez en boule de gomme chaussé de fines lunettes d’or et une jaquette d’étrange confection, à bourrelets aux hanches, le faisaient ressembler à un Pickwick en vertugadin, grossièrement agrandi au pantographe.
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ILS
Ces brèves pages liminaires ont-elles vraiment pour but de porter la lumière dans la nuit ? Sont-elles de force à allumer la lanterne du chasseur de mystères ? On n'oserait l'affirmer.
La "grande peur", qui hanta durant près de cinq siècles les coulisses de l'histoire d'Angleterre, joue-t-elle un bout de rôle dans la multiple tragédie d'Ingersham ?
Nous sommes dans la seconde moitié du XIVème siècle.
Chaucer a terminé quelques-uns de ses merveilleux "Contes de Canterbury"...
(extrait de l'introduction de l'édition parue chez "Marabout" en 1965)
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- M. Chadburn, le maire, m'a raconté que cette poupée de cire figura, jadis, dans un show de foire, la terrible tueuse à la hache, la Pearcy. Quand j'étais encore en fonctions, je me suis complu souvent à feuilleter l'album des crimes et des criminels, dont chaque bureau de police possède un exemplaire. Eh bien ! Je puis vous assurer que la ressemblance était, selon moi, assez frappante, surtout dans l'image présentée en profil.
- Mon Dieu ! gémit Miss Ruth Pumkins en portant la main à son coeur. Que faut-il croire alors, monsieur Briggs ?
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- Rien n'explique mieux les mauvaises choses de la vie que l'intervention du diable et de ses spectres, ils font une déshonnête concurrence à la police.
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