Quelle initiative judicieuse de la part des éditions Fayard, que de publier à nouveau dans la collection de poche Pluriel ce second tome de l'étude historique et politique parue en 1964 et 1969 : La vie politique en France par l'expert insurpassé en la matière, mon vénéré et regretté professeur
René Rémond (1918 – 2007) !
J'ai retrouvé ici la clarté d'analyse, la fluidité du style, l'élégance, les connaissances encyclopédiques mais qui se font discrètes, et surtout …. une terrible modernité !
La période décrite – du coup de force manqué du Maréchal de Mac Mahon le 16 mai 1879 au sabordage de 1940 – est disséquée de façon structurelle et non chronologique.
C'est celle de la mise en place progressive des institutions de la IIIème République (la durée de vie d'un régime la plus longue que la France ait jamais connue) mais dont la terrible réputation (instabilité ministérielle chronique, absence de décision contrant le danger hitlérien …) doit être largement corrigée. Et le moment de l'établissement des libertés publiques : presse et information, affichage, réunion, manifestation, association, syndicats, laïcité, divorce …
Personnel politique, pratique des scrutins, équilibre – ou déséquilibre des pouvoirs au profit du législatif – création tardive des partis, antagonismes toujours présents aujourd'hui malgré la Constitution de 1958 qui voulait mettre fin au régime des partis. En fait la période voit la capacité du régime à rallier les oppositions avant de les dissoudre.
Nous ne percevons de la période le plus souvent que la succession ininterrompue des cabinets ministériels – plus de cent en 70 ans – mais aussi l'enracinement du suffrage universel (encore qu'exclusivement masculin) et la défiance totale de la démocratie directe. Autre tendance du Parlement triomphant : écarter systématiquement les personnages trop brillants comme Gambetta, Ferry, Clémenceau, Briand.
L'instabilité des ministères est le reflet de la fragilité des coalitions de partis ; il n'y a jamais moins de dix groupes à l'assemblée et toute coalition est exposée à se défaire … En revanche, l'organisation du travail parlementaire est toujours en vigueur aujourd'hui.
L'antiparlementarisme est un courant fondamentalement critique du régime parlementaire et un trait relativement original de la culture politique française. En France, les députés sont toujours soupçonnés de s'enrichir aux dépens du contribuable. Et ceci au sein d'une classe politique très restreinte – moins de 5000 personnes – parmi lesquels prédominent les avocats, les médecins, les professeurs, dont la plupart ont été déjà députés.
Bref, cet ouvrage nous rappelle combien nos moeurs politiques actuelles sont le fruit des mécanismes mis en place durant la Troisième République. C'est tout autant un livre d'histoire qu'un manuel pratique de droit public absolument passionnant, et pas du tout dépassé !
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