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EAN : 9782081420571
388 pages
Flammarion (27/10/2021)
4.1/5   5 notes
Résumé :
L'histoire d'Antonin Carême est saisissante : à l'instar de Bonaparte, son idole, sorti de l'anonymat par la seule force de son intelligence, de son charisme et de son courage, le "roi des cuisiniers" a lui aussi connu une éblouissante trajectoire au XIXᵉ siècle. Moins de quinze années séparent le jeune garçon analphabète et chétif, abandonné par un père trop pauvre pour le nourrir, du pâtissier en vogue, régalant le Tout-Paris de ses exquis croquembouches aux... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Bon appétit !

Une excellente biographie d'Antoine Carême, le célèbre cuisinier du XIXe siècle.

Une épopée ! Un self-man !
Doué et volontaire, il progresse à force de travail, de notes, d'études (il apprend à lire et à écrire (grâce à Alexis Eymery qui donnait des leçons aux enfants de son employeur.)

Il prétend avoir été abandonné à dix ans, vers 1793 donc, par des parents démunis ayant déjà la charge de quatorze enfants.
Mais ce récit, tiré des Souvenirs du cuisinier, ne correspond pas à la réalité, car Carême a été placé en apprentissage par son père dans une gargote "A la fricassée de lapin" comme marmiton. Il gardera contact avec son père (pour son mariage notamment).

Comme tous les personnages historiques, il s'invente une histoire et des souvenirs afin de glorifier son image.

Ses aptitudes sont rapidement remarquées et il entre à treize ans en 1800-1801, comme apprenti chez Sylvain Bailly (une des plus grands pâtissiers de Parie) rue Vivienne, près du Palais-Royal.

À 17 ans, il y est promu « premier tourier », sous les ordres de son maître Jean Avice, pâtissier à l'hôtel de Galliffet, où est installé le ministère des Relations extérieures de Talleyrand.

A 20 ans, Il réalise des croquembouches (pièces-montées) et chez Gendron, pâtissier rue des Petits-Champs, il est le premier cuisinier à réaliser des biscuits de farine de pomme-de-terre !

Car Carême, élève appliqué, sait utiliser la tradition mais il invente énormément :
- il délaisse les sauces épicées au profit de bouillons aromatisés aux herbes
- il s'inspire de l'architecture (sa passion) pour réaliser des compositions impressionnantes.
- il parle de diététique pour la première fois : la nourriture doit être limitée et doit participer au bien-être du corps et prône les vertus d'une alimentation saine dans ses ouvrages (le premier sera publié en 1815)

Les maîtres qui lui ont appris le métier se nomment :

- Boucher (intendant de Talleyrand pendant 10 ans de 1803 à 1813)
- Laguipière de 1806 à 1807 ; dont la mort est triste … Il a accompagné Napoléon en Russie et est mort de froid lors de la retraite de l'armée…
- Lasne : auprès d'Eugène de Beauharnais
- Les frères Robert dont l'aîné ouvrit son restaurant "Chez Robert" en 1789 ; le cadet sera au service de Talleyrand, puis de Murat lors de son voyage dans ses états Allemands en 1806.

Carême était un esprit libre, rarement salarié, il préfère réaliser des extras Il créa une boutique de pâtisserie très peu de temps, vers 1809/1810.

Après Waterloo, il servira le Tsar Alexandre 1er où il apprendra et appréciera (enfin !) le service à la russe (notre service contemporain)
En 1816, il entrera au service du régent d'Angleterre, futur Georges IV.
Son retour en France, en 1819, au service de la maîtresse de Metternich,
En 1826, il entre au service des banquiers Rothschild pendant quatre année. Il y côtoiera Delacroix, Balzac, Berlioz, Rossini, Chopin, Liszt, Stendhal, Benjamin Constant, Custine….

Carême est un des premiers "cuisinier-écrivain" : outre ses recettes et ses techniques, il réfléchit sur la nature et la fonction de cuisinier : pour lui, la cuisine doit régaler autant les papilles que les yeux. Il compare l'art du cuisinier à ceux du peintre, du musicien. Il condamne l'excès dans la décoration, dans les appellations, pour revenir à des portions raisonnables. Il refuse tout gaspillage et transmet l'art d'accommoder les restes ! Il recommande une cuisine de saison et des produits locaux (c'est un avant-gardiste)

Il se fait le porte-parole de ses confrères, et se bat pour améliorer le statut du métier, les gages, la formation...
Il est très attaché à la transmission du savoir et recommande l'entraide entre les professionnels de bouche.

Il aura de nombreux disciples et l'Académie culinaire qu'il appelait de ses voeux existe aujourd'hui (la médaille remise comporte son portrait)

Il meurt à Paris, épuisé, à 48 ans, le 12 janvier 1833.

C'était un travailleur acharné, courageux jusqu'à l'entêtement, prodigieusement inventif et perfectionniste.

Discret sur sa vie privée, il se marie en 1808 avec une nièce du marquis de Favras !
Mais il entretient une relation suivie avec Agathe Guicharder dont il a une fille Marie-Agathe née en hiver 1812/1813.

Pour lui, la cuisine a un rôle social : dans la préservation de la santé.
La gastronomie est érigée en outil diplomatique, sous son impulsion (même si l'historienne n'a pas trouvé de preuves de la présence du chef au Congrès de Vienne…)

Le livre est bien structuré et très facile à lire.

Une deuxième partie est consacrée à l'art de la table, la cuisine au XVIIIe et XIXe siècle, l'invention des "restaurants", à l'art de Carême avec les précisions techniques, les couleurs et des recettes !

Un régal !
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Comment est née la renommée de la cuisine française ? Voilà une question à laquelle peu de personnes pensent, alors que l'on y fait régulièrement référence... Certes, nous savons que Bocuse, Escoffier et bien d'autres ont participé à son rayonnement, mais ils n'étaient pas les premiers et n'ont fait que suivre un mouvement déjà initié par d'autres. Plus particulièrement un autre qui se démarqua des autres, un pâtissier et cuisinier qui sans aucun doute jeta les bases de la cuisine française (avec, ne soyons pas vache, quelques contemporains) avant ces illustres successeurs.
Comme je viens de l'écrire de son temps il ne fut pas le seul, d'autres pâtissiers et cuisiniers avaient du talent et la cuisine est une longue histoire qui change au fil des époques et des goûts, mais pour autant Antonin Carême se distingue de ses semblables. Comment un jeune garçon parti de rien a pu porter si haut son art et côtoyer les plus grands ? Que se cache-t-il derrière la légende si bien forgée par Carême lui-même ? Pourquoi se démarque-t-il de ses contemporains ? A partir d'ouvrages écrits par Carême, d'article, d'archives, de photos, Marie-Pierre Rey va éclaircir le mystère Carême. Car mystère il y a en effet…

Hélas, dénicher un mystère ne veut pas dire y répondre. Effectivement, entre les propos laissés par Antonin Carême et la réalité il y a parfois un gouffre dont même les historiens ne peuvent que deviner les réponses ou imaginer un scénario. Comme par exemple dans le cas de la relation avec son père. D'après les archives ce dernier fut présent au mariage de l'homme de bouche, alors que dans les propos rapportés par la fille de Carême, le chef cuisiner ne revit jamais son père ou sa famille après un abandon près d'une porte de Paris. Est-ce un abandon qui ne sert peut-être qu'à mettre en avant un parcours fabuleux ? Ou alors de tardive retrouvaille ?
Et puisque j'aime bien rebondir sur les mots, rebondissons sur le mot « fabuleux », car c'est effectivement bien le cas quand on regarde son parcours. Bien qu'il ait appris son métier auprès d'autres comme Bailly le pâtissier ou encore le cuisinier Laguipière, ainsi que bien d'autres, c'est quand même bien par sa seule volonté et son ambition qu'Antonin Carême a sublimé son art et amélioré sa technique. Un art et une technique qui lui ont permis de rencontrer du monde, de voyager, de travailler pour des puissants comme le tsar Alexandre 1er ou les Rothschild, et d'améliorer le métier de la restauration. Ce dernier n'ayant en effet pas hésité à abandonner ce qui selon lui ne devait plus être de mise, ou à critiquer sur un ton parfois péremptoire les techniques démodées ou nocives toujours selon lui. Avec succès il faut dire... même si, ironie de l'histoire, certaines méthodes de cuisine critiquées par Carême comme le trompe-l'oeil, sont très actuelles aujourd'hui et considérées comme de la grande cuisine.
Enfin, n'allons pas croire non plus que tout le monde fit chorus autour de ses idées de son temps, ce dernier n'échappe pas à la critique, que ça soit dans les métiers de bouche comme dans son autre passion qu'est l'architecture - et que l'on retrouve très présente dans ses créations (photos dans le livre).

Mais le parcours culinaire de Carême ne s'arrête pas seulement au cuisinier qui a travaillé pour les plus puissants, c'est aussi un homme en avance sur son temps ou l'homme farfelu de son temps. Avant cela, c'est également l'homme qui cherche à rendre la cuisine accessible au plus grand nombre via notamment les livres de cuisine (une somme considérable !). Il n'a certes pas inventé le livre de recette comme Marie-Pierre Rey va nous le rappeler, mais comme l'auteure va nous le prouver Antonin Carême a su se montrer – malgré un phrasé parfois ampoulé – le plus précis possible dans la description des recettes : temps, dosage, repos… ce qui est assez novateur pour l'époque il faut dire. Il n'hésite pas non plus à préciser qu'il faut adapter la recette au budget, conscient que tout le monde ne possède pas la bourse de Talleyrand.
Bien sûr, amoureux de son art, le cuistot tente parfois de se montrer didactique dans ses ouvrages, d'expliquer une réaction à propos de la viande par exemple mais ce n'est pas toujours juste, bien que parfois il ait des bonnes idées diététiques... Quoi qu'il en soit, il en ressort un homme bourreau de travail, soucieux d'instruire, de transmettre, de se perfectionner, de faire évoluer un métier, le visuel et le goût. Une perception déjà visible de son temps.

« Les ouvrages de Carême se caractérisent donc par leur démarche pédagogique – pas toujours exempte de pédanterie –, leur sérieux et leur clarté quant au déroulé des opérations à réaliser pour reproduire les recettes. A ces innovations majeures, s'ajoutait le dessein de cultiver le lecteur en lui apportant de manière inédite des connaissances sur les denrées et les produits. » p.160

Vous l'avez deviné, ce livre est une biographie sur un chef qui a marqué l'histoire et fait évoluer la cuisine, sur un homme déjà perçu comme un génie à l'époque, mais ce bouquin adopte également un point de vue plus large. Certes, en abordant Antonin Carême Marie-Pierre Rey met en avant la pensée de ce dernier sur la cuisine française – l'idée qu'elle est meilleure est partie de lui –, sa curiosité sur la cuisine étrangère, sur l'histoire de la cuisine, sur ce qu'il doit à ses pairs, sur ce que représente la cuisine : un soft power déjà. Toutefois, au-delà d'une biographie qui rétablit la vérité, éclaire les mystères, la vie, les combats, les idées d'un personnage, ce livre est l'occasion pour le lecteur de replonger de temps à autre dans une époque et de découvrir ses plaisirs, ses centres d'intérêts, l'évolution de la cuisine et des mots.

« Il a souvent été écrit qu'en France le restaurant serait né pendant la Révolution à l'initiative de maîtres d'hôtels qui, jusque-là employés par des aristocrates guillotinés ou contraints à l'exil, auraient ouvert leurs propres établissements pour échapper au chômage ; et de fait, c'est après l'exil des Condé pour lesquels il travaillait que l'ainé des frères Robert ouvrit en 1789, rue de Valois, son restaurant éponyme. Mais l'arbre ne saurait cacher la forêt et les restaurants qui voient le jour à la fin des années 1780 et au début du XIXe siècle, tels le Beauvilliers, le Rocher de Cancale (célèbre pour ses huîtres et ses poissons), Chez Véry, Les Frères provençaux, le Boeuf à la mode, Chez Rose ou bien encore Chez Madame Hardy relèvent plutôt d'une nouvelle pratique sociale qui consiste à sortir de chez soi pour dîner dans un joli cadre, ne réservant pas de mauvaise surprise puisque le menu et son prix sont affichés à l'entrée et où l'on consomme des mets « restaurateurs » de santé. La formule rencontre très vite son public, essentiellement masculin pour l'heure car les femmes de bonne réputation ne s'y risquent pas encore : si l'on comptait une centaine de restaurants à Paris en 1800, ils étaient 500 à 600 sous l'Empire et 3000 sous la Restauration, contribuant à leur tour à l'élargissement d'un art culinaire jusque-là réservé à une toute petite élite. » p. 137

En résumé, j'ai lu ce livre sans bouder mon plaisir et ravie d'en découvrir autant, même si la partie recette m'a peu ou prou intéressée. Pensez bien, je fais exploser les micro-ondes (ne mettez jamais d'oeuf dans un micro-onde), donc ce n'est pas demain que je ferai de la cuisine. C'est trop dangereux dans mes mains.
Lien : http://encreenpapier.canalbl..
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Il a souvent été écrit qu’en France le restaurant serait né pendant la Révolution à l’initiative de maîtres d’hôtels qui, jusque-là employés par des aristocrates guillotinés ou contraints à l’exil, auraient ouvert leurs propres établissements pour échapper au chômage ; et de fait, c’est après l’exil des Condé pour lesquels il travaillait que l’ainé des frères Robert ouvrit en 1789, rue de Valois, son restaurant éponyme. Mais l’arbre ne saurait cacher la forêt et les restaurants qui voient le jour à la fin des années 1780 et au début du XIXe siècle, tels Le Beauvilliers, Le Rocher de Cancale (célèbre pour ses huîtres et ses poissons), Chez Véry, Les Frères provençaux, Le Bœuf à la mode, Chez Rose ou bien encore Chez Madame Hardy relèvent plutôt d’une nouvelle pratique sociale qui consiste à sortir de chez soi pour dîner dans un joli cadre, ne réservant pas de mauvaise surprise puisque le menu et son prix sont affichés à l’entrée et où l’on consomme des mets « restaurateurs » de santé. La formule rencontre très vite son public, essentiellement masculin pour l’heure car les femmes de bonne réputation ne s’y risquent pas encore : si l’on comptait une centaine de restaurants à Paris en 1800, ils étaient 500 à 600 sous l’Empire et 3000 sous la Restauration, contribuant à leur tour à l’élargissement d’un art culinaire jusque-là réservé à une toute petite élite.

p. 137
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On sait qu'en France, la restauration hors domicile s'est développée plus tard et plus modestement qu'en Angleterre où l'on dînait dans des tavernes ou des clubs dès les années 1750-1760. Au XVIIIe siècle, le mot "restaurant", synonyme de "fortifiant", désignait généralement un bouillon de bœuf épicé lequel, servi dans des petites échoppes de fortune, ne comportait pas de viande : cette dernière était en effet réservée aux corporations des aubergistes et des traiteurs.
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Le sacre de l'Empereur en décembre 1804, son mariage en avril 1810, la naissance du roi de Rome en mars 1811 ou bien encore les noces de son frère Jérôme en août 1807 ou telle ou telle victoire militaire, constituent autant d'occasions de chanter la gloire de Napoléon et celle du régime et de leur rendre hommage au cours de grands banquets où le peuple, spectateur ébahi, est généreusement régalé de victuailles et de vin aux fontaines publiques.
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Les ouvrages de Carême se caractérisent donc par leur démarche pédagogique – pas toujours exempte de pédanterie –, leur sérieux et leur clarté quant au déroulé des opérations à réaliser pour reproduire les recettes. A ces innovations majeures, s’ajoutait le dessein de cultiver le lecteur en lui apportant de manière inédite des connaissances sur les denrées et les produits.

p.160
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Carême fut un extraordinaire passeur d'influences oscillant entre le XVIIIe siècle finissant et le XIXe siècle naissant, balançant entre la tradition et la modernité.
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Table ronde proposée par le Conseil scientifique
Modération: Jean GARRIGUES, professeur à l'université d'Orléans Intervenants: Jean-Claude BONNET, directeur de recherche émérite au CNRS, Pascal ORY, professeur émérite à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne, membre de l'Académie française, Marie-Pierre REY, professeur à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Annie SARTRE-FAURIAT, professeure émérite à l'université d'Artois
Depuis la plus haute Antiquité, les peuples ont éprouvé le besoin de célébrer la mémoire de leurs grands hommes et de leurs héros. Comment les ont-ils choisis, selon quels critères et dans quels buts ? Comment se sont-ils organisés pour que les cérémonies soient des moments de gloire et d'unité ? Quels lieux, quels moyens, quels discours ? Et surtout quel a été l'impact de ces rites cultuels sur les populations ? Telles sont quelques-unes des questions qui seront abordées dans cette table ronde par quelques-uns des plus grands spécialistes de l'Antiquité gréco-romaine, de la Révolution française, de la Russie et du monde contemporain.
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