Ecrire une nouvelle policière est un art difficile, et
Dashiell Hammett est un maître dans sa catégorie. S'il n'a publié que six romans (et quels romans!) dont un inachevé, « Dash » est l'auteur de 65 nouvelles.
Le Sac de Couffignal nous en offre deux, The Gutting of Couffignal qui donne son titre au livre (1925) et La Fille de papa (Crooked Souls, 1923), qui mettent en scène le légendaire détective sans nom connu comme The Continental Op .
Privé franciscanais de de la Continental Detective Agency, dont le lecteur apprend au fil des enquêtes quelques bribes d'existence (vétéran de la première guerre, passé de Boston à Chicago, puis à la côte ouest, il joue au poker et fume des Fatimas), c'est un dur à cuire,… hardboiled.
Chargé de surveiller des cadeaux de mariage d'une valeur de cent mille dollars dans une superbe résidence de Couffignal , The Continental Op doit faire face à une attaque a priori digne du far west mais habilement préparée par d'astucieux dilettantes. Astucieux, certes, mais pas assez pour tromper la sagacité du Privé.
Dans La Fille à papa, une adolescente est kidnappée mais le père, un homme d'affaire au physique de garçon boucher, ne compte pas payer la rançon en faisant profil bas. The Continental Op remonte la piste comme un chien de détection sur une scène de crime.
Le Privé agit vite, sans état d'âme, à l'image de l'auteur, ancien enquêteur de la Pinkerton National Detective Agency ,qui y perdit ses illusions. Aussi à l'aise dans les galetas que dans les milieux privilégiés, où la frontière est mince entre le crime et la bienséance, The Continental Op s'adapte à son environnement. Les deux nouvelles sont d'ailleurs assez emblématiques de cette porosité entre milieux sociaux opposés qui de temps en temps se télescopent violemment.
Mais c'est le troisième texte de l'ouvrage,
Tulip (1966), roman inachevé qui marque le lecteur.
Rompant avec les littératures policières, Hammett le commence après la seconde guerre mondiale. Rongé par la maladie, l'alcool et pourchassé par les chantres du maccarthysme, Dash y narre l'amitié de deux vétérans, Pop le narrateur, auteur en panne d'inspiration, qui a connu la prison pour des activités jugées anti-américaines, et
Tulip, un sympathique bavard qui l'encourage à reprendre la plume. On se plait à rêver à ce qu'aurait pu être cet ouvrage, sorte de une mise en abîme qui suinte le désespoir.
Tulip est le chant du cygne d'un écrivain qui n'a rien publié depuis une vingtaine d'années. Sous la fiction, le lecteur sent poindre le désespoir de Hammett, et c'est ce qui est touchant.
L'ouvrage s'achève avec une postface signée
Lillian Hellman, la dramaturge et scénariste qui fut sa compagne. Un ménage à quatre, avec l'alcool et McCarthy .