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EAN : 9782070122103
224 pages
Gallimard (02/10/2008)
3.89/5   9 notes
Résumé :
«Il y a longtemps, le plus vieux d'entre les vieux du village avait expliqué qu'il avait assisté à la naissance de tout. Le village était né d'un grand malaise de la terre. La montagne s'était fendue, puis elle était tombée de tout son long dans la rivière. La rivière s'était répandue dans les champs, mais elle voulait couler en gardant toute son eau et peu à peu elle avait creusé sous la montagne qui était tombée. Le vieux avait ajouté que sur la terre et les pierr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
La venue du printemps, un deuil récent m'ont conduite à me pencher sur un titre La mort et le printemps de Mercè Rodoreda (1909-1983). Une auteure catalane que je ne connaissais pas.

« Puis j'ai enlevé mes habits, je les ai laissés au pied d'un micocoulier tout près de la pierre du fou et avant d'entrer dans l'eau j'ai bien regardé la couleur que le ciel y déposait : toute la lumière irisée du soleil était déjà différente car le printemps renaissait, après avoir vécu sous la terre et dans les branches... »
Ne me restait plus qu'à suivre ce narrateur, un jeune homme de quatorze ans.
Alors je me suis glissée dans son ombre pour continuer le voyage et j'ai savouré les mots, les mots de Mercè Rodoreda qui m'ont transportée dans une région étrange, fantasmagorique occupée par une communauté aux coutumes singulières installée depuis la nuit des temps dans une région montagneuse oubliée des Dieux, isolée et cachée.

Une société hiérarchisée, opprimée par un système tyrannique à la tête duquel règne le Maître du haut de son repère, une maison surplombant le village. Les gardes à cheval, de vrais sbires, veillent au grain, afin que la communauté respecte les lois et les codes. Viennent ensuite le Forgeron, le Cimentier, l'homme du sang, les hommes de l'abattoir, et aussi les fourmis, ceux qui triment pour que perdure cet état des choses, sans oublier les êtres sans visages, des ombres, les vrais parias de cette société.

Une population déshumanisée soumise à des codes et des rites saisonniers.
Une population brimée, les enfants sont maltraités, les femmes enceintes ont les yeux bandés.
Une partie de la population physiquement dégénérée, beaucoup ont des membres déformés, les jambes torves, des bras estropiés. Une société cruelle dominée par la peur, obsédée par la mort où le désir est banni car synonyme de vie.

Un village entouré d'une nature renaissante, vrombissante, colorée, omniprésente composée d'une faune (abeilles, papillons ) et d'une flore endémiques (des jonquilles bleues, des gueules de loup) contraste avec la laideur et la noirceur de cette humanité.

Un village de reclus, sans grande liberté, édifié au dessus de la rivière qui est enjambée par autant de ponts que de directions, le bois des morts, la grotte de Maraldina etc... C'est au milieu de ces entrelacs que le narrateur évolue et grandit mais c'est à la mort de son père qu'il part en quête de ses origines et de la vérité: d'aventures en surprises, d'expériences en épreuves, il va marcher vers sa destinée.


Une oscillation entre une ascension vers la lumière et une descente vers l'obscurité à l'image du mouvement de la sève de l'arbre, un équilibre fragile pour rester en vie semble nous murmurer Mercè Rodoreda . Arbre de mort et arbre de la renaissance car dans cet univers très personnel le tronc est le réceptacle du corps de celui que la vie quitte et garant de l'élévation de son âme. La mort comme seul échappatoire à sa condition, la mort comme une réponse à l'anéantissement, dernier acte du vivant mais éternelle renaissance.

Effrayant et attractif ce texte est surprenant. Une écriture et une structure travaillées qui se calent sur la respiration du narrateur, la cadence se modifie au fil des pages, régulière, ponctuée au début, elle devient peu à peu atone, les signes de ponctuation disparaissent, s'effaçant au profit du point final, là ou le temps et la vie s'échappent. L' asphyxie devient palpable et l'énergie vitale sombre.

Un conte cruel, fantastique, poétique et noir, une fable philosophique et politique mais aussi un récit initiatique à la portée universelle.

Grande dame de la littérature catalane, artiste complète, romancière, nouvelliste, poétesse mais aussi passionnée par les fleurs, Mercè Rodoreda livre aux lecteurs un texte tourmenté à l'image de sa vie. En effet, engagée auprès de la Généralité de Catalogne, elle s'exile en France en 1939 lors de la guerre civile puis en Suisse et ne retourne en Espagne qu'après la fin de la dictature franquiste en 1972.
Célèbre grâce à deux autres oeuvres, La place du diamant (1962) et le miroir brisé, j'ai envie de continuer mon exploration avec un de ses recueils de nouvelles Voyages et fleurs.

Un univers riche, particulier et personnel à explorer.

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Un prodigieux roman d'imagination qui s'élève aux dimensions du mythe. Sous nos yeux le relief et ses habitants se métamorphosent en figures de légende, comme si leur petit village entrait dans le Temps du rêve, l'Alcheringa des aborigènes d'Australie transporté magiquement en terre catalane. Mercè Rodoreda est surréaliste dans la topographie.
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La langue est tellement belle que j'aimerais le lire dans l'originale, que j'ai dû lire et relire certaines phrases pour les goûter à fond, ce qui m'arrive peu en prose. le fond est très noir. La distance entre la beauté de l'écriture et la noirceur de l'histoire est telle que je n'aspire qu'à relire M.R. dans une autre histoire. Celle-ci colle à la mémoire durant des années.
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