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sur 209 notes
Il n'était pas un opposant politique, ni un propriétaire terrien, encore moins un intellectuel contestataire. Pourtant, comme des millions d'autres, Alexeï Féodossiévitch Vangengheim a été victime de la Terreur stalinienne, déporté en 1934 aux Solovski.
Comment un noble acquis à l'idéal communiste, qui a renoncé à ses privilèges pour soutenir le prolétariat révolutionnaire avec un enthousiasme indéfectible s'est retrouvé condamné pour sabotage et déporté dans un camp de la mort ?
A l'appui de maigres archives, Olivier Rolin évoque, sans s'appesantir, les motivations qui ont fondé la condamnation d'un scientifique qui voulait seulement se consacrer à l'étude du climat pour soutenir l'agriculture et l'ouverture des voies maritimes du nord. Peu d'éléments décisifs viennent éclairer cette interrogation mais en même temps quelle réponse rationnelle donner lorsque la folie paranoïaque à la tête de l'État s'est achevée avec l'exécution des bourreaux et autres exécutants de la politique de Staline ?
L'auteur soulève bien quelques indices comme
Mais le portrait exhumé laisse un sentiment d'abomination, confirmant s'il en est encore nécessaire la cruauté du régime qui assassinait sans discernement, crucifiant toute une classe d'intellectuels à l'heure où émergeait un fort élan pour les idées novatrices. Si Olivier Rolin nous gratifie d'un texte mélancolique et désordonné alimenté par de nombreuses réflexions personnelles, c'est pour souligner les désillusions de la plus grande révolution du XXe pour un auteur russophile qui semble n'avoir pas totalement renoncé à l'utopie. Ou du moins qui a reçu en héritage «le désespoir né de la mort» de cette utopie.

On peut facilement imaginer que ce type de récit pourrait sauver de l'oubli une infinie quantité d'anonymes ensevelis dans les charniers de Sibérie. Et Rolin a su exploiter et donner au tragique le visage lisse d'un innocent sacrifié bien qu'il n'ait étrangement jamais remis en cause sa foi envers l'idéal soviétique. Mais le météorologue tire sa force et son émotion des dessins et correspondances adressés à la fille du scientifique, suscitant la minuscule pulsation d'amour dans cette vie broyée par une machine implacable.
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En 2010, alors qu'il est invité à participer à une conférence à l'université d'Arkhangelsk, Olivier Rolin, passionné par la Russie depuis toujours décide de prendre l'avion pour aller visiter un monastère sur les îles Solovki. Il vient souvent faire des conférences dans ce pays auquel il est attaché depuis l'époque de l'URSS, ayant été lui-même maoïste dans sa jeunesse.
Il est attiré par ces îles tant sur le plan géographique, le nord de la Russie, l'immensité de la Sibérie que sur le plan historique.

Ce monastère a été le premier goulag mis en place. Il apprend lors de sa visite, « qu'il y a avait existé, dans le camp, une bibliothèque de trente mille volumes, formée directement ou indirectement par les livres des déportés qui étaient, pour beaucoup d'entre eux, des nobles ou des intellectuels… » C'est ainsi que naît, d'ailleurs, l'idée de lui consacrer un film.

Au cours de sa visite, il tombe sur un album, reproduction de lettres qu'il envoyait à sa femme Varvara et à leur fille Eléonora, âgée de quatre ans quand il est déporté, dessins, herbiers, devinettes, et fait ainsi la connaissance de leur auteur : Alexeï Féodossiévitch Vangengheim, déporté aux Solovki en 1934. Cet album, hors commerce a été publié par Eléonora, à la mémoire de son père.

Tout au long de ce livre, il va nous raconter la vie de cet homme, né en Ukraine, d'origine noble, qui quitte tout pour épouser le Communisme et se consacrer corps et âme à la reconstruction de son pays en épousant la cause de la Révolution. Alexeï est météorologue et ses prédictions permettent aux avions de décoller ou atterrir dans de bonnes conditions ou aux bateaux de se frayer un passage dans la mer gelée.

Ce que j'en pense :

J'ai eu envie de lire ce livre après avoir vu le film "Solovki, la bibliothèque disparue" qui m'avait beaucoup intéressée.

On assiste à l'emballement d'Alexeï pour le communisme ; il est membre du Parti, fait partie des gens influents dont le travail est reconnu car ses prévisions peuvent être d'une grande aide pour l'agriculture socialiste que Staline dans sa folie veut collectiviser en éliminant les propriétaires terriens (des bourgeois, ou des nobles) ce qui aboutira à la famine en Ukraine provoquant la mort de trois millions de personnes…

Alexeï Féodossiévitch Vangengheim a des idées novatrices, il fait établir un cadastre des vents (il a la vision d'une forêt d'éoliennes, car « l'énergie du vent n'est pas seulement énorme sur notre territoire, écrit-il en 1935 mais elle est renouvelable et inépuisable… le vent peut transformer les déserts en oasis » et il envisage même « un cadastre du soleil » (quel précurseur !!!)
Un jour, où il devait se rendre au théâtre avec sa femme, il est arrêté. Un de ses collaborateurs vint d'avouer qu'il existe une organisation contre-révolutionnaire au sein du service d'Alexeï et qu'il en est le chef. Leur but : saboter la lutte contre la sécheresse en falsifiant les prévisions météorologiques.
Après un simulacre de procès, il est condamné pour sabotage économique et espionnage, à dix ans de camps de rééducation par le travail.

Oliver Rolin a divisé son livre en quatre parties. Dans la première, environ la moitié du livre, il évoque la vie d'Alexeï jusqu'à son arrivée aux Solovki. Dans la deuxième partie, on découvre la vie au Monastère et le courrier qu'il envoie à sa famille et aux autorités. La troisième partie est consacrée à la fin du voyage. Et enfin, dans la dernière Olivier Rolin reprend la parole et livre son interprétation des évènements.

On fait le parallèle bien-sûr avec les atrocités nazies, les deux tyrans, dictateurs fonctionnent de la même façon faisant régner la terreur ; Hitler a fait périr des millions de gens parce qu'ils étaient juifs, ou simples opposants, Staline a fait mourir son peuple, les paysans qu'il détestait, les intellectuels, et tant d'autres, car l'antisémitisme est omniprésent aussi.
Tous deux ont exploité le culte de la personnalité et, on peut dire qu'ils ont fait des émules ; tout deux aussi ont déporté, assassiné des personnes et les goulags russes sont aussi bien organisés que les camps d'extermination nazie. Ce vingtième siècle a imposé la terreur par ses dictateurs le vingt-et-unième siècle débute par des guerres de religions qu'on croyait d'un autre âge…

L'écriture d'Olivier Rolin est belle, avec beaucoup de rythme et on dévore ce livre avec passion. Parfois, il faut faire une pause pour s'aérer l'esprit car certaine scènes sont dures, notamment la troisième partie mais tout cela a existé. La description des paysages, de la Sibérie, des aurores boréales sont tellement vivantes qu'on a l'impression de faire partie du voyage, d'être penché par-dessus l'épaule d'Alexeï pour le voir dessiner. Les dessins sont exposés à la fin du livre, avec des herbiers géométriques, arithmétiques d'une belle précision.

Ce livre rend un bel hommage à cet homme ordinaire, qui n'était pas un politicien, pour bien prouver que cela pouvait arriver à n'importe qui. Olivier Rolin rend aussi hommage à la littérature russe, notamment un auteur qui est dans ma PAL depuis un moment : Vassili Grossman, qui évoque cette période dans son oeuvre (« Vie et Destin »), ou Bounine (« La vie d'Arséniev ») et d'autres.

Évidemment, ce livre est un coup de coeur et je vous le conseille vivement, ainsi que le film.
Note : 9,2/10
Et voici le lien avec le film, cela vous donnera une idée…
https://www.youtube.com/watch?v=pZtpHbF0wLE

Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Invité à parler à l'université d'Arkhangelsk en 2010, Olivier Rolin décide de rejoindre en avion l ‘archipel des Solovki où se dresse un monastère :
« C'était la beauté du lieu, tel que je l'avais découvert sur des photographies, qui m'avait poussé à entreprendre ce voyage. Et en effet, à peine sorti de la petite aérogare en planches badigeonnées de bleu, à la vue des murailles, des tours trapues et des clochers (d'or…) du monastère-forteresse allongé sur un isthme entre une baie et un lac emmitouflés de neige, j'avais compris que j'avais eu raison de venir là. La même beauté que le mont Saint-Michel, sauf que c'était tout le contraire : un monument monastique et militaire, et carcéral, au milieu de la mer – mais se déployant dans l'horizontale, quand le mont s'élance à la verticale. Et puis, ici, pas de foule, pas de pacotille touristique. »

Ce lieu magnifique est devenu, à partir de 1923, l'un des premiers camp du Goulag.
Olivier Rolin va y rencontrer un homme, un homme qui n'est pas un héros « Le météorologue », Alexeï Féodossiévitch Vangengheim, déporté aux Solovki en 1934.
Pourquoi lui, parce qu'une vieille dame, mémoire de l'île, va lui montrer un album, édité par Eleonora, la fille de cet homme qui avait 4 ans à l'époque, composé des reproductions des lettres qu'il lui envoyait et des herbiers, des dessins « une aurore boréale, des glaces marines, un renard noir, une poule, une pastèque, un samovar, un avion, des bateaux, un chat, une mouche, une bougie, des oiseaux… Herbiers et dessins étaient beaux, mais ils n'étaient pas composés seulement pour plaire à l'oeil, ils avaient une fin éducative. À l'aide des plantes, le père apprenait à sa fille les rudiments de l'arithmétique et de la géométrie. »


J'avais été bouleversée par le film intitulé « Solovki - La bibliothèque disparue » diffusé sur Arte où Olivier Rolin part à la recherche de traces de la bibliothèque du goulag des îles Solovki, 30 000 volumes dont des livres rares rassemblés par les déportés, disparue après la fermeture du camp en 1939.


Vous pouvez le revoir sur you tube avec le lien suivant : http://www.youtube.com/watch?v=hJ_CFsNYZmg 


Ce livre, qui en est l'aboutissement, rend un bel hommage, à travers le destin tragique d'un des leurs, aux millions d'hommes qui ont été broyés par le régime totalitaire stalinien qui pourtant avait tout fait pour effacer leur mémoire.
Olivier Rolin leur redonnent dignité et vie. Il nous fait croiser bon nombre d'entre eux auxquels il restitue leur identité et des poètes et des écrivains, eux connus.
Et sa conclusion après ce voyage nous concerne tous, nous qui étions si près et avons préféré ne pas voir :
« Il y a dans Voyage au pays des ze-ka un dialogue entre un ingénieur soviétique et le détenu Margolin. « Aujourd'hui, dit ce dernier, je sais exactement ce que j'éprouve en face de l'Union soviétique : c'est la peur. Avant d'arriver dans ce pays, je n'avais jamais eu peur des hommes. Mais l'URSS m'a appris à avoir peur de l'homme. » Phrase à quoi fait écho une autre, de Nadiejda Mandelstam : « De tout ce que nous avons connu, le plus fondamental et le plus fort, c'est la peur […] La peur a brouillé tout ce qui fait d'ordinaire une vie humaine. » Cette peur immense, diversement reflétée, subie, affrontée, dépassée, dans des centaines de milliers de regards, nous ne nous en sommes guère souciés. Nous nous alarmons aujourd'hui à bon droit des risques de voir de l'inhumain reparaître en Russie, mais nos alarmes seraient plus crédibles si nous avions prêté attention à ce qui dans l'histoire de ce pays fut humain, et cette humanité fut d'abord celle des victimes. »
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En 2010, l'auteur est invité à l'université d'Arkhangelsk, dans le nord-ouest de la Russie.

Il en profite pour visiter un monastère sur les îles Solov-ki.
Il apprend, qu'en ces lieux, se trouvait le premier goulag .Il abritait une grande bibliothéque de 30 000 volumes, en partie constituée par les dons des détenus eux -mêmes, notamment un album composé de dessins et croquis que Vangengheim a envoyés à sa fille de quatre ans..point de départ du livre.....Le-meteorologue Alexeï Féodossiévitch Vangengheim, Ukrainien, tourne le dos à ses origines nobles pour épouser la cause communiste et met son savoir scientifique au service de son pays avec l'espoir "de construire le socialisme".

Au cours d'un simulacre de procés, il est accusé et désigné comme "saboteur" contre révolutionnaire. Arrêté en 1934 et condamné à dix ans de camp de rééducation par le travail il enverra des dessins , des herbiers, des devinettes à Eléonora, sa très jeune fille .......
L'auteur restitue avec beaucoup de minutie la détention de ce scientifique.
Olivier Rolin s'est beaucoup documenté, a beaucoup lu, ponctue son récit de références littéraires, de procés -verbaux ou d'extraits des lettres du détenu destinées à sa femme, le tout écrit dans un style à la fois dense, intense et fluide..
Certaines scènes sont difficiles, d'autres d'une grande beauté.
Le personnage de Vangengheim apparaît touchant, homme visionnaire mais ordinaire à la fois, sans véritable charisme, qui garde la foi dans un système qui l'a anéanti......
Combien de milliers de vies brisées, arrêtées, éliminées pendant cette épuration abominable ?
Combien de milliers de victimes disparues dans un silence impressionnant ?
Comment un régime pouvait broyer toute personne qui n'adhérait pas à son idéologie ou pire, toute personne dénoncée même à tort ?
Grâce à l'auteur, Scientifiques, Poétes, Artistes, tous condamnés à l'oubli ressuscitent !
Un ouvrage difficile, certes mais indispensable, intéressant, enquête, biographie, documentaire à la fois , un dépaysement total dans ces solitudes glacées, un formidable et bel hommage à ces millions de personnes, de toutes classes sociales victimes du régime Stalinien.
Un récit qu'il faut Lire !



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Terrorisme d'Etat contre un peuple.

En marge du contexte historique et géographique du Goulag des iles Solovki, dans la mer Blanche, Olivier Rolin s'est attaché à dresser le portrait d'Alexeï Vangengheim, zek parmi tant d'autres, sacrifié des purges staliniennes, fonctionnaire rigoureux mais sans grand charisme, ahuri de ce mauvais sort et de cette " erreur" qui le condamne à l'exil.
Un homme qui ne fut pas un héros, mais un simple "bon" communiste, militant convaincu, gavé d'idéologie jusque dans la captivité, incapable de lucidité, d'esprit critique et de remise en question d'un système qui le broie.
Sa femme et sa fille ne le reverront plus et ne resteront de ce père disparu que quelques lettres, carnets et herbiers échangés pendant 4 ans de captivité, suivie de près de 20 ans de silence administratif.

Travail d'enquête, biographie, devoir de mémoire, ce roman-documentaire est l'ossature d'un destin, celui d'un homme paisible par son métier, porté par l'enthousiasme des espérances en l'avenir d'un peuple. La vie arrêtée, brisée, du météorologue est celle, démultipliée, de tous les morts des opérations de masse de la Grande Terreur des années 30, qui finirent pour la plupart dans les charniers, milliers d'individus exécutés par une idéologie ignominieuse qui aura mis à terre une utopie humaniste.

Un livre difficile, factuel, mais indispensable, par son érudition et sa documentation, par les personnages réels croisés, par une réflexion sur les modes de gouvernance et, pour ce qui me concerne, par le souvenir extraordinaire de la visite du monastère orthodoxe des iles Solovki, un site naturel d'une beauté et d'une sérénité bien éloignées de l'idée de prison et de répression. ( il ne reste d'ailleurs aucun trace du camp de travail, et je ne peux que regretter la lecture de ce livre quelques années après ma visite: cela aurait bien changé ma perception des lieux).
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Emprunté à la Bibliothèque Buffon- Paris- mardi 31 mai 2022

“J'ai raconté aussi scrupuleusement que j'ai pu,sans romancer,en essayant de m'en tenir à ce que je savais,l'histoire d'Alexeï Féodossiévitch Vangenheim,le météorologue. Un homme qui s'intéressait aux nuages et faisait des dessins pour sa fille,pris dans une histoire qui fut une orgie de sang.(p.187)

Un ouvrage aussi flamboyant que terrifiant….que je viens de lire en 24 heures...et pourtant, il aura fallu des tours et des détours pour que ce texte parvienne jusqu'à moi !

Bouleversée, horrifiée comme tout un chacun (ou presque, j'imagine !) par l'attaque sauvage, en février 2022, de l'Ukraine, par son soi-disant “Grand-frère “, j'ai été faire des recherches plus approfondies sur l'Histoire de la Russie et celle de l'Ukraine, afin de tenter de “comprendre” ou de saisir les “obsessions de pouvoir” et de destruction vengeresse de Poutine, envers le peuple ukrainien….

de lectures en relectures d'écrivains russes dissidents (de toutes les époques: de la Révolution 1917, aux purges staliniennes dans les années 30...etc.), jusqu'à la découverte d'un auteur russe contemporain, Prilépine, qui, avec son magistral ouvrage; “L'Archipel de Solovki”, me propulsait dans l'un des tout premiers Goulags, créé sur une terre sacrée, abritant un monastère.

Cette réalité qui m'était totalement inconnue m'a fait poursuivre mes “prospections” sur ce lieu à la fois, qui fut lumineux, par sa bibliothèque phénoménale, constituée , en bonne partie, des livres des déportés eux-mêmes, des intellectuels, savant, artistes, penseurs, détenus dans ce lieu, qui y vécurent,travaillèrent, innovèrent, souffrirent et moururent, pour la majorité d'entre eux !!

Lieu contenant une immense partie des élites russes, qui fut le témoin d'horreurs indescriptibles…Une “machine de destruction et de mort”, à peine concevable !... Ainsi, en travaillant sur une sélection bibliographique sur le sujet, j'ai fait la connaissance du travail de recherche immense d'Olivier Rolin, sur ce lieu, à travers la destinée effroyable d'un savant-météorologue, qui, jusqu'au dernier moment voulut croire à cette Révolution… et croyait qu'on finirait par lui rendre justice !...

Ce texte m'aura, à lui tout seul, appris le maximum d'éléments du fonctionnement de ce vaste pays, qu'est l'URSS, du système de la Terreur, qui alla crescendo, avec les purges staliniennes ,sous la pression et les délires paranoïaques d'un seul homme ….

D'un ESPOIR gigantesque promis par le régime soviétique, qui finit par tomber dans des temps de barbarie et d'extermination inavouable de son propre peuple ! …

Une réflexion percutante sur L Histoire et le sens des Utopies...tout cela, à travers la destinée d'un seul homme, savant brillant, mais homme ordinaire qui ne voulait qu'un monde meilleur et qui y a cru jusqu'à la propre négation de sa propre vie et de son “meurtre”caché pendant près de 60 ans...

Olivier Rolin qui ne cache en rien ses propres anciennes “illusions” de jeune communiste convaincu n'en demeure pas moins d'une vive lucidité envers ces années...d'Espoir, de promesses, de propagande, puis de paranoïa absolue des gouvernants envers les leurs !

Je me permets d'insérer un extrait significatif, qui montre à quel point l'auteur,attaché malgré tou à cet immense pays, analyse la fracture créée par cet échec effroyable d'une “Utopie” , et des répercussions mondiales et pour l'histoire des hommes ?!

“Il n'y a pas d'autre épopée des temps modernes (c'est-à-dire des temps déjà passés) que celle de la Révolution, et il n'y a que deux Révolutions universelles, la française et, au vingtième siècle, la russe. Les habitants du vingt et unième siècle oublieront sans doute l'espoir mondial que souleva la révolution d'Octobre 1917, il n'empêche que pour des dizaines de millions d'hommes et de femmes, génération après génération pendant un demi-siècle et sur tous les continents, le communisme fut la promesse extraordinairement présente, vibrante, émouvante, d'une fracture dans l'histoire de l'humanité, de temps nouveaux qu'on appelait de tas de noms niais, l'avenir radieux, les lendemains qui chantent, la jeunesse du monde, le pain et les roses- les noms étaient niais, mais l'espérance ne l'était pas, et moins encore le courage mis au service de cette espérance-, et que la Russie soviétique parut à ces foules-là où le grand bouleversement prenait son origine, la forteresse des damnés de la terre. “ (p. 195)

Un grand livre inoubliable...que l'on a du mal à refermer, surtout que l'on ne peut le faire, que la gorge serrée et les larmes au bord des yeux menacent… quand on parcourt, et re-parcourt les dernières pages: les dessins, les devinettes, les lettres illustrées que ce “météorologue” adressait à sa fille, pour lui expliquer mille choses: les plantes et le climat, les Phénomènes naturels, Les animaux, en lui concoctant des herbiers...etc.
BOULEVERSANT, POIGNANT ...!

Un seul mot reconnaissant : MERCI à Olivier Rolin d'avoir sauvé la mémoire de cet homme et par là-même de tous les autres,sacrifiés ! et de nous l'avoir fait partager, dans ce livre somptueux et universel !

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Au final, Alexei Féodossiévitch Vangengheim, l'ukrainien oublié de tous, a laissé pour toutes traces, les belles planches éducatives envoyées à sa fille durant sa captivité sur les Iles Solovki, en 1934.
On les retrouve avec une vive émotion à la fin du livre, et enfin le météorologue, victime du stalinisme, n'est plus un inconnu pour le lecteur bouleversé mais un homme attachant, un scientifique appliqué qui avait mis toute son énergie au service du socialisme en créant le premier service de météorologie soviétique au service de tous les secteurs économiques.
C'est au cours du tournage d'un documentaire, « Solovki - La bibliothèque disparue », qu'Olivier Rolin a découvert par hasard les planches dessinées avec amour par Alexei Féodossiévitch Vangengheim pour sa fille âgée de quatre ans lorsqu'il fut envoyé en captivé au goulag sur simple dénonciation comme « saboteur ».
Après une enquête minutieuse, Olivier Rolin fait le portrait de cet homme qui n'était ni un grand scientifique, ni un héros romantique mais un révolutionnaire convaincu, broyé par la folie stalinienne, et à travers lui, il rend hommage aux millions de victimes, emprisonnées et tuées dans un silence assourdissant.
A aucun moment il ne tente d'enjoliver les choses montrant la fidélité sans faille d'Alexei Féodossiévitch Vangengheim à Staline, comme le démontre ses nombreux courriers et surtout le dernier petit portrait en mosaïque de Staline envoyé à sa fille la veille de sa mort. Fidélité sincère à un idéal ou profil bas pour ne pas créer d'ennuis à ses proches et sauver sa peau, on ne le saura jamais…
Le style est fluide, Olivier Rolin ouvre de nombreuses parenthèses. Sa fascination pour la Russie, sa démarche documentaire, son regard très personnel sur les évènements, sa manière de s'emparer d'un destin particulier pour lui donner un rayonnement universel et porter sa réflexion, rappelle beaucoup la démarche littéraire d'Emmanuel Carrère même si de nombreux points les différencient. Et sa fascination pour les grands espaces glacées est restituée avec force, le dépaysement est total, assez effrayant.
Dans la dernière partie du récit Olivier Rolin analyse avec lucidité la grande claque donnée à une utopie : « L'histoire du météorologue, celle de tous les innocents exécutés au fond d'une fosse, sont une part de notre histoire dans la mesure où ce qui est massacré avec eux c'est une espérance »
Un récit indispensable…
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Il n'est pas vain d'écrire sur ces régimes qui ont effacé d'un coup d'éponge la vie de centaines de milliers d'êtres humains. Il n'est pas vain de lire ces témoignages ou ces récits pour ne pas tomber dans la tentation de l'oubli ou l'indifférence. Pour ces raisons, il est bon de prendre le temps de lire le Météorologue d'Oliver Rolin, récit d'un homme ordinaire pris dans l'engrenage de la terreur stalinienne et qui jusqu'au bout ou presque fut convaincu d'avoir été victime d'une erreur. Olivier Rolin, séduit par les dessins envoyés par Alexeï Féodossiévitch Vangengheim à sa fille Eléonora, enquête sur cet homme mystérieusement disparu en 1937 après deux ans d'internement au camp des îles Solovki. Sa femme n'apprendra son décès qu'en 1956 mais sans connaître les circonstances et le lieu de sa mort. A travers ce récit, l'auteur rend hommage aux milliers de victimes à jamais disparues dans les vastes étendues de la Sibérie.
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Adorno a déclaré qu'"Après Auschwitz, écrire de la poésie est barbare", ce à quoi a répondu le facétieux écrivain hongrois Imre Kertesz : "je nuancerais, toujours en termes généraux, en disant qu'après Auschwitz, on ne peut plus écrire de poésie que sur Auschwitz". Me vient alors cette question : après Vassili Grossman et Varlam Chalamov, peut-on encore écrire sur les goulags et la Grande Terreur ? Evidemment oui, et cela, Olivier Rolin l'a bien compris, lui qui est passionné par la Russie depuis les années 80 (je me remémore avec plaisir son livre de 1987 sobrement intitulé En Russie - inspiré du récit publié plus de cent ans auparavant par le Marquis de Custine -, livre où Rolin donnait une poétique description de l'empire soviétique avant qu'il ne s'effondre quelques années plus tard).

À la fin des années 2000, Olivier Rolin se rend sur les îles Solovki, tristement connues pour leur goulag, il en ressortira un film documentaire pour ARTE (La bibliothèque perdue des Solovki - très bien d'ailleurs), un livre de photos, et ce livre sur l'un des détenus, un homme dont, comme le dit l'auteur, le "domaine, c'était les nuages". le Météorologue est donc un récit-biographique, celui d'Alexéï Féodossévitch Vangengheim, victime de la Grande Terreur stalinienne (1937-1938). Rolin en tire un portrait magnifique (les dessins qu'envoyait Vangengheim à sa fille, reproduits en fin d'ouvrage) et triste (dans presque chaque lettre il dit à quel point il ne perd pas confiance dans le parti), et rejoint Patrick Deville et Emmanuel Carrère dans le genre bio-fiction très réaliste, menée comme une enquête policière, quoique savamment romancée, parfois même poétisée. C'est beau, même si ça reste tragique. Un livre d'importance, sans aucun doute, parmi les meilleurs sortis cette année sur ce sujet, avec La Limite de l'Oubli de Sergeï Lebedev.
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Livre intéressant, fort et dramatique, qui est plus une enquête de journaliste qu'un roman. Sa forme n'est d'ailleurs pas très littéraire. Les dernières pages qui reproduisent les dessins que le météorologue destinait à sa fille sont très émouvantes. Les seuls reproches que je ferai c'est qu'il y a un peu trop de noms propres dans le texte, ainsi que des répétitions.
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