Sa correspondance avec Philippe Sollers nous révèle un amour hors du commun. De la pure littérature.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Paris,
Mardi 28 juillet 1981
20 heures
Mon cher, cher amour. Bizarrement le rêve du week-end continue : tu as beau être retourné dans ton île, tu laisses ici une part de toi, un sillage lumineux de comète sur la queue de laquelle je suis installée à califourchon.
[...]
Croisé Pierre Nora1 tout à l’heure qui s’arrête pile, me disant : «vous êtes belle, belle, c’est incroyable, vous êtes rayonnante» et j’avais envie de lui crier que c’était vrai parce que je me chauffe à l’énergie Sollers, plus forte que tout, plus haute que tout, et musicale, et parfumée, et savoureuse, et pleine d’éclats de Para-dis. Journée splendide, vraiment. Le Veineux2 est tout chaud de ton passage. Je vais monter m’étendre sur le lit magique et me serrer en pensée contre toi. Puis dormir. Puis me réveiller dans toi qui sens si bon. Je t’embrasse, je t’aime à la folie.
Ton millepattes
Paris,
Dimanche 12 juillet 1981
7 heures 30
Mon amour,
Je me suis levée à 5 heures, j’ai mis en train mon Calaferte que j’interromps par fringale de t’écrire. Si je m’écoutais, je ne ferais que ça : je vis dans une véritable saoulerie d’amour, qu’approfondit le silence inouï de la ville. Me pencher à la fenêtre et regarder le sillon nu de ma rue, c’est comme si je perdais ma tête dans la pensée de toi, exaltante, battante, ravissante au sens étymologique du terme. Il n’y a pas une seconde qui ne soit ainsi comme une pierre précieuse montée sur or, absorbant les moindres nuances du jour et de la nuit. Ton spontamour1 d’hier était génial, comme je l’ai dit : tu as surgi comme un diamant dans le noir où me guettait l’angoisse fibreuse, inarrachable, qui se permet de prendre feu dès que je m’endors.
Paris Vendredi 17 juillet 1981
16 heures
Mon cœur,
Le miracle continue : je suis bien dans mon attente de toi et ses repères, le silence est d’une profondeur qui semble démultiplier la lumière, j’ai l’impression de vivre dans la forêt de pendeloques de cristal d’un lustre que tu aurais rendu magique. C’est la première année que je respire de cette manière-là, comblée par ta pensée, ta voix et ta lettre de chaque jour. Oh mon! c’est bon d’être, je veux dire d’être à toi, et de pouvoir t’admirer et t’aimer dans tous les sens, à tous les niveaux...
Regardé par la fenêtre si tu n’allais pas surgir en cabriolant. Mon désir de toi est si fort que je suis au bord de l’hallucination : tu approches, tu me fais signe, tu montes avec une légèreté qui n’appartient qu’à toi, j’ouvre avant que tu aies mis la clé dans la serrure, nous sommes dans les bras l’un de l’autre et tu ne me quittes plus.
La nuit, je me réveille et suis soudain déchirée par une telle question. Le «je-t’ai-tu-m’as» que nous avons, toi et moi, si splendidement réussi n’est pas à la portée de n’importe qui. Alors je pense violemment à la merveille de notre trésor, mon, et j’ai envie de me signer comme tu peux le faire, toi, aux Gesuati.
Ah vous écrivez : émission du 02 septembre 1977
Trois écrivains au sommaire de ce magazine littéraire de
Bernard PIVOT:
Georges CONCHON pour "
Le sucre"
Dominique ROLIN pour "Dulle griet"
Alexandre ASTRUC pour "Le
serpent jaune"