De sa petite enfance en Savoie au combat contre l'occupant à Paris et à Lyon par toutes sortes de moyens, y compris les plus improbables, de son adhésion au PCF en 1941 aux procès staliniens qui ont secoué les convictions politiques de nombre de "camarades" juste après guerre,
Jacques-Francis ROLLAND parvient à tasser une tranche de vie fichtrement dense dans ces près de 700 pages allant du début des années 20 vers le milieu des années 50.
Son récit s'interrompt avant son exclusion du PCF en 1956 et son entrée à la rédaction de France Observateur où il passera trois ans, tout en poursuivant sa carrière d'enseignant.
Il assume tout, dans un bel élan d'une sincérité franchement agréable, même si parfois elle est difficile à encaisser (son stalinisme "pur et dur" en pleins procès staliniens en Hongrie et en Bulgarie !).
Jacques-Francis Rolland ne s'excuse pas un instant d'avoir pu avaler tant de couleuvres…
Ce n'est pas un petit savoyard tout à fait ordinaire.
Son père, l'écrivain
Louis Francis, prix Renaudot 1934 pour son roman "
Blanc", mais également normalien et agrégé de lettres, lui ouvre les portes d'un univers littéraire et universitaire dont le gamin saura tirer parti et où il se fera de solides amitiés au fil des ans.
Les années de résistance lui permettront de rencontrer des personnalités qui lui resteront chères.
L'après-guerre, comme reporter de guerre puis journaliste aux publications Ce soir et Action, élargira encore le cercle.
Jacques-Francis Rolland cultive l'éclectisme dans ses relations et ne fréquente pas que des communistes orthodoxes.
Il m'a parfois manqué quelques dates, dans le flux de ces souvenirs racontés comme à un vieil ami auquel il ne serait nul besoin de les rappeler.
Toute la période de la résistance, entre courage avéré et coups de branquignols, de Lyon à Paris, de Grenoble à Toulouse, est extrêmement vivante.
Il y évoque
Roger Vailland,
Roger Stéphane, son ami
Edgar Morin, mais aussi
Daniel Cordier avec qui il travaillera un temps à Paris,
Malraux, Camus et bien d'autres.
Il éclaire son expérience de faits dont il a eu connaissance après-guerre et de liens qu'il a pu faire à ce moment-là (il a ignoré longtemps avoir rencontré Rex/Max à Lyon en 1942).
Son parcours de reporter de guerre, des Ardennes à Berlin année zéro en passant par Buchenwald où il recherche en vain son ami
Claude Dreyfus, avant de couvrir quelques procès de criminels de guerre dont une partie du procès de Nuremberg, l'amène ensuite à "vendre" à son journal un "demi-tour du monde", de Marseille au Moyen-Orient puis en Inde, où il arrive au moment de la proclamation de l'indépendance du pays.
J'avoue qu'à partir de là, faute de précisions chronologiques plus présentes, j'ai un peu perdu la trace de ce Tintin turbulent et enthousiaste.
Mais ayant la chance d'être assez familière avec les personnalités du monde littéraire d'après-guerre, j'ai pris plaisir à lire le récit des amitiés de l'auteur avec
Duras, Anselme et Mascolo,
Semprun,
Vian et sa trompinette,
Sartre et Beauvoir, Bost, Scipion…
Jacques-Francis Rolland est décédé en 2008 et n'a pas pu achever ces mémoires.
Il avait encore beaucoup à raconter et à éclaircir dans cette vie foisonnante dont le récit se déroule sans temps mort.
Je remercie vivement Babelio pour cette lecture dans le cadre de la Masse Critique non-fiction, et adresse mes chaleureuses félicitations aux éditions du Félin pour la publication de cet ouvrage dans leur collection "Résistance poche", collection dont le but affiché est de "remettre à la disposition du public des livres qui, non seulement témoignent d'un passé crucial, mais aussi peuvent tracer les lignes de l'avenir".