Un essai d'une belle qualité, malgré les insistances récurrentes de l'auteur sur les points fondamentaux de sa doctrine. La prolixité de l'ouvrage permet un développement assez rigoureux et permet de saisir, de manière tout à fait philosophique (c'est-à-dire de manière conceptuelle), le « rôle » entendu par l'auteur de la survenue événementiale au sein même d'un système apriorique ayant alors la particularité d'être l'apriorité de l'aposteriorité. Il s'agit d'une philosophie de l'événement compris dans sa propre teneur indépendamment de toute ontologie de la facticité et de toute tentative de reconduction métaphysique du possible préalable : les choses mêmes de la phénoménologie ne sont alors rien d'autre que cette événementialité qui échappe à l'intramondanité, c'est-à-dire qu'il ne s'agit plus de se subordonner à un système téléologique et causal comme le font les faits intramondains (c'est-à-dire les faits de type « A se manifeste ainsi dans tel contexte événementiel », sachant que le contexte déterminera le sujet d'assignation qui est, vis-à-vis de l'événement, multiplement déterminable en tant que l'événement affecte par principe plusieurs sujets), en manifestant des possibilités préexistantes d'un contexte événementiel que seul l'advenant (l'homme) pourrait projeter, mais d'instituer son propre contexte, si l'on peut dire. L'événement est bien plutôt ce qui reconfigure impersonnellement mes possibles, en bouleversant du tout au tout le possible et son monde. Par là, l'événement n'est pas non plus intratemporel : il est bien plutôt temporalisant et échappe aux apories de la métaphysique classique voulant décrire le temps au sein même du temps, y compris et surtout dans les philosophies de la durée. Je retiens quelques thèses-clefs :
• L'événement surgit avant d'être possible, et s'absout donc de toute condition de possibilité de telle sorte qu'il serait inadéquat de penser l'événement par ces conditions
• Une pensée de la naissance est oubliée dans la pensée heideggerienne encore aux prises avec la pensée subjectiviste, le Dasein ne parvenant pas à saisir l'événement originaire de la naissance, qui ne saurait pour moi constituer un fait intramondain, dans sa pensée de l'être-vers-la-mort ; la naissance n'est pas pensable en termes de facticité
• Il y a un retard constitutif de l'originel sur l'originaire, c'est-à-dire que l'advenant est amené à la rétrospection, que l'événement survient de telle sorte que l'originaire n'est pas l'originel dans la perspective de la reconfiguration de l'événement
• L'ipséité est une capacité et n'est pas préalablement individuée (à ce titre, on se demande sur Romano ne revient pas, sans le vouloir, à une doctrine du sujet capable de prédication…), et constitue la matrice de toute individuation
• Il y a une aposteriorité transcendantale du comprendre
• L'événement a trois caractères : il est inaugural, rétrospectif et prospectif
• Il y a trois dimensionnels du temps : l'instant, le toujours-déjà et le futur
• La temporalité est précédée par le temps du fait du primat de l'événement sur la temporalisation du temps
L'auteur prend son temps à dialoguer avec Heidegger,
Husserl et la métaphysique, ainsi qu'avec des références littéraires. Je me dis qu'une étude comparée à
Alain Badiou, qui a lui aussi pensé l'événement dans une toute autre perspective, serait intéressante.