La philosophie moderne est la première philosophie égologique : le moi est une invention qui naît avec elle. L'âme antique est impersonnelle.
Aristote n'est en effet pas accablé par le fait de manquer la réflexivité, laquelle ne fait pas sens pour un Grec ou un Romain. Serait-ce donc un égarement ? Claude Romano mène ici une enquête philosophique pour le savoir, en explorant les "apories" des égologies modernes, notamment celles que l'on retrouve chez Locke. Il y a par exemple une circularité de la définition de l'identité du moi chez Locke, puisque l'on doit bien présupposer l'identité de l'individu avec lequel on s'identifie par le souvenir et la réflexivité. Ce problème de la continuité, qui se pose dans le cadre d'une égologie moderne, n'est pas le seul à caractériser les limites de cette égologie moderne. L'égologie est tendanciellement solipsiste tandis que la dissociation de l'ego pur et de l'homme constituerait l'incompréhensibilité d'un sujet à la fois naturel et pur (problème déjà soulevé par
Husserl qui, certes, y répond dans la Krisis). On répondrait que l'ego pur n'est pas l'homme mais ce à quoi participe l'homme. Pourtant, l'auteur attaque l'égologie sur la base du principe d'identité des indiscernables qui se retrouverait violé : on répondrait cependant que la différence entre l'ego pur et l'homme est une différence entre le participé et le participant davantage qu'une différence entre deux particuliers. La conclusion de Romano est claire : l'identité et l'ipséité (qui n'est pas l'identité mais une capacité actualisée) sont sociales de part en part. L'enquête se concentre alors sur la notion d'identité pratique et sur l'engagement que je prends face à autrui.