AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9791095360049
192 pages
L'Antilope (17/03/2016)
4.7/5   10 notes
Résumé :
"Est-il normal, en mes meilleures années, de voir cette seule ruelle, ces quelques cours encloses, étouffées ? Je voudrais crier au temps d'attendre, de cesser de courir. Je voudrais rattraper mon année passée et la garder pour plus tard, jusqu'à la nouvelle vie. Je n'éprouve pas le moindre désespoir. Aujourd'hui j'ai quinze ans et je vis confiant en l'avenir. Je vois devant moi du soleil, du soleil, du soleil, du soleil..."

De 1941 à 1943, Yitskhok R... >Voir plus
Que lire après Entre les murs du ghetto de Wilno 1941-1943Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Yitskhok est né le 10 décembre 1927 à Wilno (Vilnius,), la « Jérusalem du Nord » redevenue, un temps, polonaise.
Yitskhok avait presque 12 ans lorsqu'en septembre 1939, l'Armée rouge, envahit la Pologne orientale dont Wilno. L'épuration et la déportation s'abattirent alors sur les personnes qui avaient servi l'État polonais.
En juin 1941 les troupes allemandes envahissent la Pologne.
Yitskhok avait moins de 15 ans lorsqu'il commença ce journal écrit en yiddish.
Journal de la création du ghetto «La femme se tient au milieu de ses paquets, désemparée, elle ne sait comment se débrouiller, se lamente, se tord les mains, éclate en pleurs. Soudain tout pleure autour de moi…. le soleil, comme s'il avait honte de voir ce que font les hommes là en bas s'est couvert de nuages. Il s'est mis à pleuvoir …. »
Journal de l'assassinat progressif de toute la communauté juive de Wilno. »Toutes la région est imbibée de sang juif. Ponar, cela sonne comme un cauchemar. Ponar, c'est la mort passive…..Non, non nous n'irons pas à Ponar »
le ghetto est sans cesse fouillé pour traquer ceux qui n'ont pas le précieux permis jaune, tous ces malheureux en sont réduits à se cacher : « Qui le peut se cache. Se cacher ! Sauver sa vie… » .La famille ne reverra plus la grand-mère...
Journal poignant qui ne semble pas écrit par un adolescent, mais par un jeune homme cultivé, lucide. Yitskhok évalue sans cesse la situation, observe les habitants du ghetto, et méprise les policiers du ghetto qui espèrent sauver ainsi leur vie.
Journal de culture dans le ghetto. Samedi 9 janvier 1943 : « ce soir a lieu la grande fête du club…notre salle pavoise, fière de sa propre scène de son rideau transparent …une atmosphère culturelle, humaine flotte entre les murs repeints…salutations et discours : qu'un peuple ait une jeunesse, c'est le signe du progrès de ce peuple. Nous avons une jeunesse, son drapeau est ensanglanté mais nous le tenons ferme. La jeunesse du ghetto, c'est le pont le plus solide pour l'avenir ! ».
Mais aussi jours de froid : »J'ai fait la queue toute la matinée dans la rue et n'ai rien obtenu. Pendant ce temps je me suis gelé. Des dizaines de personnes attendent…on piétine dans le froid en vieux vêtements élimés. »
Entré dans les jeunes pionniers en 1940, tout au long de sa courte vie Yitskhok restera marqué par cette empreinte idéologique.
Yitskhok est persuadé que l'Armée rouge l'emportera bientôt.
Les dernières lignes du Journal, datées du 7 avril 1943 :
« Mais nous sommes prêts à tout, car ce lundi a prouvé que nous ne devons nous fier à rien, ne croire personne. le pire peut nous arriver à tout instant… »
Six mois avant que Yitskhok ne soit assassiné à Ponar,
Le manuscrit sera retrouvé après la guerre dans la cachette où la famille avait espéré échapper à la traque des nazis.
Journal comme traces d'une communauté disparue après la guerre
En 1939 environ 60 000 Juifs habitaient la ville.
Très endommagée à la fin de la guerre la grande synagogue a été rasée par l'administration soviétique dans les années 1950.
Il reste sur le trottoir de la rue Rudnicku, à Vilnius, une plaque à la mémoire de Yitshkok Rudashevski
Qui se souvient encore de cet enfant de 15 ans (qui avait l'âge de mon père) et ses compagnons ?
PS : Pour ceux qui veulent savoir ce qui se passait à Ponary (Ponar en Yiddish) il faut lire le « journal de Ponary » de Kazymierz Sakowicz journaliste catholique polonais qui vivait à proximité de cet endroit : journal qu'il dissimulait dans des bouteilles enterrées dans son jardin.
Commenter  J’apprécie          80
Quelle oeuvre! ce journal est une pépite, se dire qu'un adolescent de 15ans a pu narrer son quotidien si lugubre avec tant de talent, c'est une claque! Il est d'une qualité littéraire rare, il a su mettre en avant toute la richesse culturelle du ghetto malgré la faim, la peur. c'est tout simplement magnifique, si mature, plein d'espoir et en même tristement réaliste, d'une modernité rare.
Commenter  J’apprécie          180
Beaucoup d'entre vous ont sans doute lu le Journal d'Anne Franck mais (trop) peu d'entre vous ont découvert le journal de Yitskhok Rudashevski, jeune lituanien de Wilno qui raconte son quotidien emmuré dans un ghetto de juin 1941 à avril 1943.
Une trace écrite très émouvante dont la qualité littéraire de certains passages m'a particulièrement touchée et impressionnée quand on sait que Yitskhok n'avait alors que 15 ans.
Ce témoignage trouve sa puissance dans les émotions et les pensées contrastées de l'adolescent- ainsi son manuscrit s'ouvre sur la lumière, le soleil, le bruit des rires et des enfants, juste avant que subitement tout s'éteigne et que le chaos supplante le paradis dans lequel vivait jadis Yitskhok.
La terreur, l'humiliation, la panique, les rafles, la violence, la faim, la mort, la survie- tout est raconté à travers le regard de ce garçon qui observe et ressent la barbarie humaine. Impressionnant de lucidité il désigne clairement l'action nazie comme une extermination de son peuple, traqué, l'air hagard, soumis et totalement esclave de l'oppresseur.
Et pourtant, malgré toute cette horreur autour de lui et justement à cause d'elle, Yitskhok reste inlassablement tourné vers l'extérieur, vers l'avenir- échappatoire salvatrice, tournant le dos à cette réalité qui n'est pas la vraie vie. Alors Yitskhok admire la nature à chaque saison: les premiers rayons du soleil au printemps, le scintillement des flocons de neige recouvrant la désespérante grisaille des rues du ghetto. Yitskhok étudie, s'investit dans la vie culturelle, travaille pour préparer son avenir et lutter contre la tristesse et le désespoir. Il a compris à 15 ans la nécessité de protéger la culture yiddish, consigner, récolter des témoignages de cette vie de reclus, conscient qu'il y aura un après et qu'il faut le préparer. Il lit, étudie, s'informe, enquête, se nourrit de poésie, rêve pour voir le monde autrement et sortir de la torpeur tenace et trop sombre.
Son espoir ne faiblit jamais, indispensable à sa survie. Mais on le sait, la barbarie humaine n'a aucune limite et Yitskhok ne terminera jamais son journal...
C'est le témoignage authentique d'une jeunesse sacrifiée sur l'autel de la haine et de la folie humaine qui résiste jusqu'au bout à l'oppression comme un pied de nez nécessairement insolent aux persécuteurs et grâce à une arme pacifique et imparable: l'espoir.

Le journal de Yitskhok Rudashevski a été publié chez L'Antilope en 2016, traduit par Batia Baum, précédé d'une introduction signée Gilles Rozier et de photos de Yitskhok et de son journal.

Commenter  J’apprécie          20
Yitskhok Rudashevski a été assassiné le 1er octobre 1943 à Ponar, où près de 100 000 Juifs ont été fusillés pendant l'occupation nazie de la Lituanie. Son journal a été retrouvé par sa cousine Sore dans la cachette où ses parents et lui avaient espéré trouver refuge pendant la liquidation du ghetto.
Ce qui frappe à la lecture de ce texte, et qui fait sa force et sa singularité, c'est la foi inébranlable de son auteur dans la victoire finale de l'Armée rouge ("notre chère armée que nous attendons") et son obstination à poursuivre ses études et à s'instruire alors que la mort rode et qu'il gèle à pierre fendre : "J'étudie, je lis, je fréquente les cercles du club. le temps file si vite et il y a tant de travail. Des exposés, des soirées. Il m'arrive d'oublier que je suis au ghetto."
Alors qu'il n'est âgé que d'une quinzaine d'années, Yitskhok assiste à des rencontre littéraires avec l'écrivain Avrom Sutzkever et participe à une enquête sur l'histoire du ghetto : "J'ai goûté au travail d'historien", "je pense que tout doit être consigné et enregistré, même le plus sanglant, car tout devra être pris en compte".
Pour autant, il n'hésite pas à pointer l'état d'abaissement dans lequel vit la population du ghetto ("Les gens deviennent mesquins, égoïstes, cruels mêmes les uns envers les autres"), ni à exprimer sa rage face à "l'immense tragédie de notre impuissance" ("Je sens brûler en moi l'humiliation, la douleur" ; "Nous sommes comme des bêtes traquées cernées par le chasseur").
Lorsque le danger se précise, au printemps 1943, il écrit que les Juifs sont "démunis, sans protection, exposés à la mort", mais il affirme avec détermination : "Nous ne nous laisserons pas mener comme des chiens à l'abattoir".
Yitskhok Rudashevski n'a pas survécu à l'anéantissement des Juifs de Lituanie, mais les pages qu'il nous a laissées démontrent, s'il en était encore besoin, qu'on ne saurait écrire l'histoire de la Shoah sans prendre en compte les écrits des victimes elles-mêmes, y compris - et peut-être surtout - lorsqu'il s'agit de garçons et de filles de 15 ans. Qu'ils aient grandi à Vilnius ou à Amsterdam.
Commenter  J’apprécie          10
Toute jeune maison d'édition créée en 2014 l'Antilope créé par deux traducteurs français pour faire découvrir de grands auteurs yiddish, de jeunes israéliens bref, de la littérature juive dans son sens le plus large. Leur deuxième publication, ce journal resté inédit jusqu'alors, sortira le 17 mars.
Yitskhok Rudashevski est un jeune garçon de 13 ans lorsqu'il est enfermé avec sa famille dans le ghetto de Wilno – l'actuelle Vilnius en Lituanie – alors en Pologne. Il va y passer deux ans avant que celui-ci ne soit vidé de ses habitants et détruit. Entre ces pages, il raconte le ghetto, un ghetto différent de ce que l'on imagine.
Rien d'une longue liste de complainte contre les privations, le froid ou la faim, Yitskhok est d'une grande maturité pour son jeune âge. Il offre une vision de l'enfermement qu'on ne voit pas tous les jours dans les pensées d'une jeune adolescent. Très conscient de ce qu'il vit, de ce qui pourrait se passer, il raconte la vie du ghetto le plus régulièrement possible.
Lien : http://thegingersreading.blo..
Commenter  J’apprécie          10


critiques presse (1)
Telerama
18 mai 2016
Le martyre du ghetto de Wilno, raconté avec une lucidité bouleversante par un jeune homme de 14 ans, dans son journal brutalement interrompu.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
8 juillet 1941
« J’ai ressenti alors la brûlure de ces grands ronds de tissu jaune sur leur dos. Longtemps je n’ai pu porter ces insignes. Je sentais comme une bosse sur la poitrine et dans le dos, comme deux crapauds accrochés sur moi. J’avais honte de me montrer avec ça dans la rue, non parce que c’est signe que je suis juif, mais j’avais honte de ce que l’on fait de nous, honte de notre impuissance. On va nous couvrir de la tête aux pieds de rouelles jaunes et nous ne pouvons rien y faire. J’en ai souffert, car je ne voyais aucune issue. Maintenant nous n’y prêtons plus attention. La rouelle est accrochée sur notre manteau, mais notre conscience n’est pas touchée. Nous avons à présent une conscience telle que nous pouvons le dire haut et clair, nous n’avons pas honte de ces marques infamantes ! Qu’ils en portent la honte, ceux qui nous les ont accrochées. Qu’elles soient une brûlure sur la conscience de tout Allemand qui tente de penser à l’avenir de son peuple. »
Commenter  J’apprécie          80
Mercredi, le 10 décembre 1942
Voici que je m’aperçois qu'aujourd'hui c'est mon anniversaire. Aujourd'hui, j'ai quinze ans. Vous prenez conscience que le temps passe. Il - le temps - court sans que l'on y prête attention et soudain, comme je le fais aujourd'hui, vous réalisez et découvrez que les jours, les mois passent; que le ghetto n'est pas un douloureux et pénible moment d'un rêve qui disparaîtrait constamment mais un large marécage qui engloutit nos jours et nos semaines. Aujourd'hui, je suis très absorbé par cette pensée. Je décide de ne pas perdre mon temps en vain dans ce ghetto et d'une certaine manière, je suis heureux de pouvoir étudier, lire et me développer et de m'apercevoir que le temps ne reste pas finalement immobile comme j'ai tendance à le percevoir d'ordinaire. Dans ma vie de tous les jours dans le ghetto, j'ai l'impression de vivre normalement mais souvent j'éprouve de grandes inquiétudes. Certainement, j'aurais pu vivre mieux. Suis-je condamné à ne voir que les murs et les portes de ce ghetto? Ne verrai-je durant mes meilleures années que cette petite rue, que ces cours étouffantes?
D'autres pensées bourdonnent tout autour dans ma tête. Deux d'entre elles plus fortement: un regret, lancinant. Je voudrais crier au temps de suspendre son cours. Je voudrais récupérer cette dernière année pour plus tard, pour une nouvelle vie. Mon second sentiment aujourd'hui est fait de force et d'espoir. Je ne ressens pas le moindre désespoir. Aujourd'hui, j'ai quinze ans et je vis confiant en l'avenir. Je ne suis pas en conflit avec lui et vois devant moi du soleil, du soleil, du soleil... »
Commenter  J’apprécie          40
Jeudi 10 décembre 1942
Est-il normal en mes meilleures années de voir cette seule ruelle, ces quelques cours encloses, étouffées ? Je voudrais crier au temps d’attendre, de cesser de courir. Je voudrais rattraper mon année passée et la garder pour plus tard, jusqu’à la nouvelle vie. Je n’éprouve pas le moindre désespoir. Aujourd’hui j’ai eu quinze ans et je vis confiant en l’avenir. Je vois devant moi du soleil, du soleil, du soleil…
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : LituanieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Lecteurs (34) Voir plus



Quiz Voir plus

QUIZ LIBRE (titres à compléter)

John Irving : "Liberté pour les ......................"

ours
buveurs d'eau

12 questions
288 lecteurs ont répondu
Thèmes : roman , littérature , témoignageCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..