Beaucoup d'entre vous ont sans doute lu le Journal d'Anne Franck mais (trop) peu d'entre vous ont découvert le journal de
Yitskhok Rudashevski, jeune lituanien de Wilno qui raconte son quotidien emmuré dans un ghetto de juin 1941 à avril 1943.
Une trace écrite très émouvante dont la qualité littéraire de certains passages m'a particulièrement touchée et impressionnée quand on sait que Yitskhok n'avait alors que 15 ans.
Ce témoignage trouve sa puissance dans les émotions et les pensées contrastées de l'adolescent- ainsi son manuscrit s'ouvre sur la lumière, le soleil, le bruit des rires et des enfants, juste avant que subitement tout s'éteigne et que le chaos supplante le paradis dans lequel vivait jadis Yitskhok.
La terreur, l'humiliation, la panique, les rafles, la violence, la faim, la mort, la survie- tout est raconté à travers le regard de ce garçon qui observe et ressent la barbarie humaine. Impressionnant de lucidité il désigne clairement l'action nazie comme une extermination de son peuple, traqué, l'air hagard, soumis et totalement esclave de l'oppresseur.
Et pourtant, malgré toute cette horreur autour de lui et justement à cause d'elle, Yitskhok reste inlassablement tourné vers l'extérieur, vers l'avenir- échappatoire salvatrice, tournant le dos à cette réalité qui n'est pas la vraie vie. Alors Yitskhok admire la nature à chaque saison: les premiers rayons du soleil au printemps, le scintillement des flocons de neige recouvrant la désespérante grisaille des rues du ghetto. Yitskhok étudie, s'investit dans la vie culturelle, travaille pour préparer son avenir et lutter contre la tristesse et le désespoir. Il a compris à 15 ans la nécessité de protéger la culture yiddish, consigner, récolter des témoignages de cette vie de reclus, conscient qu'il y aura un après et qu'il faut le préparer. Il lit, étudie, s'informe, enquête, se nourrit de poésie, rêve pour voir le monde autrement et sortir de la torpeur tenace et trop sombre.
Son espoir ne faiblit jamais, indispensable à sa survie. Mais on le sait, la barbarie humaine n'a aucune limite et Yitskhok ne terminera jamais son journal...
C'est le témoignage authentique d'une jeunesse sacrifiée sur l'autel de la haine et de la folie humaine qui résiste jusqu'au bout à l'oppression comme un pied de nez nécessairement insolent aux persécuteurs et grâce à une arme pacifique et imparable: l'espoir.
Le journal de
Yitskhok Rudashevski a été publié chez L'Antilope en 2016, traduit par
Batia Baum, précédé d'une introduction signée
Gilles Rozier et de photos de Yitskhok et de son journal.