Moui, ce livre me laisse perplexe dans la mesure ou il s'avère être à notre époque dépassé. Et ce bien qu'il nous permette de pénétrer dans le monde complexe des marchands d'art, métier qu'il a exercé un temps.
A noter toutefois, certaines descriptions de personnages haut en couleur, aussi cruelles que jubilatoires, en vrac :
...la tête à la renverse, sur le tapis, les jambes allégrement butant l'air, on aurait dit un monstrueux bébé, un bébé poilu, posant pour sa première photographie...
... elle ouvrait bien trop la bouche sur une rangée de dents perlées qui étaient tout ce qu'elle avait à dire...
... une de ces bouches qui font peur aux hommes tant elles apparaissent comme un sexe denté...
... derrière ce tir de barrage de bulles de salive et de gin...
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Cette plongée déjantée dans le monde des marchands d'art de l'entre-deux-guerres ne m'a nullement déplu, car elle est très bien écrite et qu'elle est souvent assez drôle, le personnage principal étant tout simplement amoral. Certains passages peuvent choquer; je note aussi une plume de tout premier plan.
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Mais quelque chose venait d'emporter tous mes scrupules, toutes mes hontes possibles, tout mon refoulement. C'était le désir, mais un désir prodigieusement violent que je n'avais pas le temps d'analyser, qui me possédait jusqu'aux entrailles et qui me porta jusque dans la rue comme un fou. Quel que soit l'objet de leur désir, tous les hommes connaissent ce besoin, épars en tout le corps, de faire l'amour, tous les sens sont complices les uns des autres. dans un vertige je partis au hasard des rues, ivre d'angoisse de trouver, titubant de besoin, prêt à tout donner pour saisir quelque part un sexe, n'importe quel sexe.
Sans me presser, je descendais la rue Monsieur-le-Prince vers la rue de Seine, avec la joie encore de passer devant ces alignements de chair fraîche, ces étendards en bœuf écorché, d'être hâlé par les clameurs des voix sonnant comme des cuivres; de retrouver ce marché de la rue de Seine où l'on aperçoit au-dessus d'une broussaille grouillante de manteaux noirs, une armée de mains rouges brandies par dessus les têtes comme des torches , où croulent vers vous des pans entiers de murs faits de tous les fruits, de tous les légumes de la saison et que ne retiennent piqués en l'air que les pointes où brillent le sang glacé des piments, les émeraudes plates du cresson, l'or blanc du beurre, par-dessus les écailles scintillantes des poissons épars et de tout un monde naturel dont la réunion compacte épouvante un instant l'esprit, mais dont l'état gigantesque comble l'œil, comme si revivait dans un enchantement abondant et cruel toute la peinture de Rembrandt, ses chairs mortes et ses chairs vivantes, ses plumes, ses bijoux, ses dorures, ses velours, comme si montaient enfin des eaux profondes de l'oubli, une femme nue plantureuse et rutilante comme un de ces bœufs écorchés.
Je m'éveillai le corps attendri de reconnaissance et l'esprit libre et aéré, heureux, plus heureux que je ne le fus jamais, avant ou ensuite, dans les bras d'une femme, car le bonheur ne se doit qu'à d'invisibles et secrètes harmonies qui n'ont que faire de choix sociaux. Dans les draps blancs la petite tête noire frisait sur son sommeil. Je baissai le drap, il était si noir qu'il en était mauve par endroits; son sexe dormait aussi.
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34e Forum du livre Saint Louis 2017
Entretien avec Barbara Israe?l, lauréate du prix Nice Baie des Anges et prix des Hussards 2017 pour son roman Saint Salopard, le mystère Maurice Sachs