La question de l'intelligence artificielle est ici abordée par l'auteur sous l'angle scientifique et philosophique qui en fait toute sa richesse et son originalité. Après avoir décrit dans des ouvrages précédents les avantages et les dangers de cette technologie dans ses multiples usages, «
La vie algorithmique » (2015), «
La Silicolonisation du monde » (2016), Éric Sadin nous livre dans le dernier volume de cette trilogie une synthèse particulièrement complète sur le sujet débattu depuis sa genèse, bien que certains partis-pris ouvrent de nouvelles controverses.
Nées dans la seconde moitié du XXème siècle, les technologies d'intelligence artificielle qui reposent sur l'utilisation d'algorithmes connaissent un essor considérable. Leur utilisation est de nature à transformer profondément nos sociétés et les termes de notre compagnonnage avec les technologies de l'IA qui suscitent des représentations encore mal définies et parfois très anxiogènes sur les dangers présumés de l'IA et son acceptabilité sociale.
Les technologies de l'IA sont en évolution constante et de plus en plus présentes dans tous les domaines d'activité. Elles ouvrent un espace d'opportunités inédit capable de révolutionner nos capacités techniques et scientifiques. Les progrès de cette nouvelle ère numérique, présents dans les moteurs de recherche, la biomédecine, la gestion des bases de données, la traduction, la reconnaissance de textes et d'images, le marketing, les marchés financiers et le pilotage autonome, posent de nouvelles questions sur notre rapport au travail, nos relations avec les automates et les principes éthiques, juridiques et politiques qui susceptibles d'encadrer ces nouvelles technologies.
Face à la vitesse exponentielle de ces percées technologiques soutenues par des investissements privés très importants, l'intelligence artificielle s'est désormais invitée dans le débat public confronté aux opinions très tranchées entre le clan des addicts au numérique et celui des anti IA, aux visions catastrophiques.
Confrontée à cette effervescence, la réflexion doit être menée de manière sereine et rationnelle afin de démystifier la formulation biaisée de ce concept et mettre en lumière les opportunités et les risques qui y sont associés.
Dotées de capacités prédictives de plus en plus impressionnantes, ces technologies multiples, génèrent des angoisses excessives mais aussi des espoirs démesurés
Il ressort des nombreux rapports et expertises produits ces dernières années que les progrès en intelligence artificielle sont d'abord et avant tout bénéfiques. Ils comportent aussi des risques qu'on ne doit pas nier. Les innovations technologiques les plus récentes indiquent que nous passerons bientôt de l'intelligence artificielle faible à l'intelligence artificielle forte dont les capacités d'autonomie et d'intervention décisionnelles font encourir de nouveaux risques dans l'utilisation de données personnelles, les manipulations dans le domaine génétique, les usages militaires et financiers, ou encore la pratique du ransomware. Il est donc indispensable qu'ils soient identifiés, anticipés et maîtrisés.
Les mutations du marché du travail, les systèmes de responsabilisation, le problèmes des biais et le phénomène des « boîtes noires » posés dans la construction et l'utilisation des données algorithmiques, l'emprise croissante des plateformes d'information, les projets de transhumanisme, la perspective de l'advenue d'une intelligence artificielle post humaine consciente d'elle-même et dotée de capacités infiniment plus grandes que celles de l'intelligence humaine, nous renvoient à la masse considérable des données livrées aux capacités stupéfiantes de calcul et de mémorisation de l'IA et au problème de la cohabitation de l'humanité avec toutes ces singularités. Elles soulignent la difficulté à faire rentrer la complexité du monde dans un ordinateur. L'aléatoire et le non nécessaire du monde réel sont les angles morts de l'IA. Cette particularité pose clairement la question du pouvoir d'une technologie devenue anonyme, aux résultats irrécusables, et celle du contrôle nécessaire du marché de l'IA pour encadrer le développement maîtrisé et responsable d'innovations numériques non concurrentes de l'Homme.