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EAN : 9782940628667
368 pages
Editions des Syrtes (20/08/2020)
3.39/5   33 notes
Résumé :
Un matin, à la fin du mois de décembre, Petrov, mécanicien et auteur de bande dessinée, se sent fiévreux. Quittant son travail pour rentrer chez lui, il est happé par Igor, son vieil ami spontané et incontrôlable, et les voilà qui enchaînent les verres de vodka dans un corbillard, autour d’un cercueil. Pendant ce temps, Petrova, son ex-femme, essaie de contenir une étrange spirale assassine qui l’assaille à la vue d’une goutte de sang…
Après un profond somm... >Voir plus
Que lire après Les Petrov, la grippe, etc.Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Petrov, vingt-huit ans, mécanicien de son état et auteur de bandes dessinés SF non publiées à ses heures de loisirs, est un homme ordinaire sans ambition, par conséquent ne souffrant d'aucune désillusion dans la vie. Enfin, presque....Ce livre où « apparemment » rien ne se passe, raconte “quelques jours de sa vie “ dans l'actuelle ville d'Iekaterinbourg, grande ville provinciale de l'Oural. Tout débute par le trajet en trolleybus de Petrov qui ayant chopé la grippe, a quitté son boulot pour rentrer chez lui. le trajet dévie et dégénère en beuverie avec son ami et voisin de datcha, Igor, dans un corbillard en plein service.....
Durant ces quelques jours , on va déambuler entre rêve et réalité, passé et présent, dans la tête chaotique de Petrov, déboussolée par la fièvre et les petits incidents de parcours. Déboussolés nous aussi, par le développement de l'histoire, Salnikov y introduisant, Madame Petrov, « l'ex » de Petrov et Petrov junior, son fils. La Petrov, bibliothécaire, femme étrange et coriace, très périlleuse à ses heures, nous fait d'emblée sentir que quelque chose ne tourne pas rond. Une épidémie de grippe sévissant en ville, mère-fils l'ont aussi chopée grave. Arrive aussi un certain Sergei, ami d'enfance qui voulait devenir écrivain....Petrov aussi s'appelle Sergei....je n'irais pas plus loin, car à mon avis “déboussoler le lecteur“ fait partie de l'esprit de ce livre singulier, où tout est dans les petits détails . A vous de les dépister pour trouver la sortie, au cas où il y en aurait une et que vous la trouviez 😆 !

Un témoignage burlesque de la vie quotidienne dans la Russie post-soviétique, la fièvre étant la métaphore d'un pays déboussolé, enseveli sous les ruines de l'Empire soviétique , toujours et encore 15 ans après sa chute ( les « 15 ans » étant précisé par un des personnages, Igor). Un pays immense aux commandes d'un dictateur et de ses apparatchiks qui profitent pleinement du pouvoir et de l'argent, se fichant éperdument de la population « ordinaire » qui sans but et sans valeurs navigue sans boussole dans la brume, essayant de survivre. Y-a-t'il une sortie ? C'est la question que se pose aussi Petrov en d'autres termes.
Une prose originale, raffinée et colorée de réflexions sur la littérature et l'écriture.
Un curieux livre qui nous vient d'un auteur estonien, dont la version française sera en librairie le 20 août. Publié en Russie en 2016, il a reçu le plus prestigieux prix littéraire russe. Je le recommande fortement pour les curieuses et curieux de la littérature russe post-soviétique, surtout que vu la complexité de l'histoire j'aimerais lire d'autres ressentis.

“Tout est métaphore de quelque chose, si nous laissons la place à l'irréel, si nous nous éloignons suffisamment pour que les mots soient d'abord des images et ensuite du silence.”


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Il suffisait à Petrov de prendre le trolleybus pour se faire aussitôt assaillir et importuner par des fous. Petrov qui malgré la fièvre due à la grippe s'était copieusement saoulé avec Igor. Il errait maintenant dans les rues glacées de Ekaterinbourg pour rejoindre femme et enfant, eux-mêmes malades. Par la suite, rêve ou réalité, Petrov se rappela son enfance fait des souvenirs bien peu agréables.

Ces quelques jours, souvent hallucinés, passés en compagnie des Petrov sont l'occasion pour Alexeï Salnikov, sous l'apparente banalité de leur vie, de tirer un portrait pas très glorieux de la Russie post soviétique. Alcoolisme, saleté, violence, corruption, incommunicabilité sont les fléaux parmi les nombreux qui pourrissent la vie des Russes.

Mais ces maux ne datent pas d'aujourd'hui. Dans son récit où la grippe semble une métaphore du mal qui ronge la société russe, où le nihilisme de la population le dispute à une certaine philosophie de vie, l'auteur convoque Fedor Dostoievski, Mikhail Boulgakov, et bien d'autres qui en ont témoigné par le passé.

Parce que ces immenses écrivains ont manifestement influencé Salnikov. Pour son humour grinçant (et fréquemment absurde), pour la virtuosité de ses descriptions (parfois écoeurantes) ce livre est une pépite à lire absolument. D'ailleurs les Russes ne s'y sont pas trompés qui ont plébiscité et récompensé Les Petrov, la grippe, etc. du prix littéraire « le Nez » et d'une nomination au prix « Bestseller national » en 2018.

Un grand merci à Idil (bookycooky). Merci également à Babelio et aux Éditions des Syrthes.
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Merci aux éditions des Syrtes et à Babelio pour ce roman qui excitait ma curiosité en promettant un voyage décalé dans la Russie d'aujourd'hui, par le biais de héros burlesques à la Gogol, la fameuse famille Petrov, nommée dès ce titre bancal, comme balancé au hasard. Cela traduit le caractère aléatoire de l'ensemble : les péripéties sont ténues, constamment interrompues par des descriptions regorgeant de détails (jusqu'aux plus triviaux), et par des digressions en forme de monologues intérieurs criblés de références culturelles de tous horizons, de South Park à Nabokov, de The Prodigy à Viktor Vasnetsov.

Le texte s'empêtre dans cette avalanche d'informations qui oblitèrent le récit. Dans les paysages gelés de la ville russe, ce style en forme d'accumulation fait parfois penser à une liste de courses. Nous sommes plus chez Picard que dans le picaresque.

Peut-être Salnikov a-t-il écrit le grand roman sur rien qui faisait fantasmer Flaubert ? Sauf que pour celui-ci, le roman en question devait tenir par la force de son style. Or, celui de Salnikov manque un peu de relief, nonobstant un humour très noir, qui lui permet de se livrer à une (auto ?) satire grinçante de l'écrivain frustré, à travers le personnage de Sergueï. D'ailleurs, l'ensemble baigne dans un certain nihilisme. La grippe partagée par les personnages principaux semble symboliser un pays malade, également représenté par les détraqués mentaux qui prennent régulièrement à partie leurs co-voyageurs dans les transports en commun (c'est l'un des fils rouges du récit). le regard innocent d'un enfant sur la féérie glacée de Noël sera même renversé pour laisser le dernier mot à la chaleur maladive de la fièvre grippale. Et dès le début, les personnages se contrefichent de la mort, trinquant dans un corbillard au-dessus d'un cadavre - mais en est-ce bien un ? La mort n'existe plus, comme le dit la chanson d'un groupe russe contemporain. Les slaves auraient-ils le vague à l'âme ? C'est ce que le succès de ce roman en Russie semble suggérer. Pour ma part, il a eu du mal à passer la frontière, et m'a laissé un peu groggy, comme dans un lit de malade. J'espère ne pas l'avoir trop pris en grippe, car il faut surveiller sa santé par les temps qui courent.
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L'intrigue de ce roman est aussi inconsistante qu'aisée à résumer : on suit les faits et gestes des différents membres de la famille Petrov (Petrov, Petrova et Petrov junior) pendant quelques jours au cours desquels ils seront chacun tour à tour malades de la grippe. Pourtant, loin d'être un défaut, cette ténuité de l'intrigue colle parfaitement au projet de l'auteur qui est de dresser le tableau d'existences aussi vaines qu'absurdes, autrement dit qui ne mènent nulle part et collent aussi peu au schéma narratif traditionnel qu'une existence réelle.
Ce qui frappe dans ce roman maîtrisé de bout en bout, c'est que ces personnages auxquels l'auteur a donné un nom banalissime en Russie et même pas de prénom, qui mènent une existence banale, exercent des professions banales ou suivent une scolarité banale, bref n'ont rien d'exceptionnel, sont tous, si ce n'est fous à lier (quoique Petrova soit tout de même une tueuse compulsive), du moins sacrément toqués. de là à supposer qu'il s'agisse du point de vue d'Alexeï Salnikov sur l'existence, il n'y a qu'un pas que je me garderais bien de franchir, mais l'hypothèse s'avère séduisante : chaque fois que les personnages cherchent à comprendre ou à gérer tel ou tel événement de leur existence, c'est au prix d'arguments farfelus, pour ne pas dire absurdes et pourtant non dénués d'une certaine logique.
Ce qui explique pourquoi, au-delà d'un positionnement existentiel pour le moins pessimiste, "Les Petrov, la grippe, etc." soit un roman très drôle, qu'on dévore à toute allure, tant on brûle de découvrir quelles nouvelles absurdités la banalité quotidienne va inspirer aux personnages. Alexeï Salnikov est indéniablement un écrivain prometteur et l'on ne saurait trop remercier les éditions des Syrtes de l'avoir proposé au lectorat francophone. Vivement la traduction de son prochain roman.
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Deuxième roman de cet auteur qui nous vient de l'Oural Alexeï Salnikov, c'est l'un des romans de cette rentrée littéraire que j'attendais impatiemment de lire. Voilà qui est fait. Et j'y ai pris beaucoup de plaisir. Ponctué de quelques larmes de rire. Il a rencontré un tel succès lors de sa publication dans le magazine Волга Volga en 2016 qu'il a été publié l'année d'après. le roman s'est vu attribué le prix le Nez NOC en 2017 et l'année suivante il a été choisi comme le meilleur roman russe Национальный бестселлер par le National Bestseller Award. Effectivement, des ce titre décousu dans le genre, pfffou les Petrov m'en parle pas, on pressent déjà que les Petrov risquent d'être une famille qui le sera au moins autant que lui. Et on ne fait pas erreur. J'ai trouvé cela très ressemblant aux styles d'Andreï Guelassimov ou de Zakhar Prilepine, loufoquerie, absurdité, indifférence, inconscience, apathie, un méli-mélo de sentiments confus et indéterminé. Cela faisait un bout de temps qu'un auteur n'avait pas réussi à vraiment me faire rire, page après page, et ce fut un rire salutaire même si c'est le fond reste tout de même assez pathétique. C'est une galerie de personnages, représentés par la très spéciale famille Petrov, tous les plus insolites les uns que les autres. Si vous cherchez une définition du mot d'inconscience et désinvolture, vous les trouverez incarnés par notre drôle de couple, je suis plus tendre avec Petrov junior, enfermé dans son autisme.

J'ai jeté un coup d'oeil à la biographie d'Alexeï Salnikov, l'heureux créateur de Petrov, sa famille, etc… Son parcours est aussi atypique que l'est son roman, et ses personnages, il est un touche à tout, qui possède une force d'expression très puissante, rappelons-nous qu'il a commencé sa vie d'auteur en composant des poèmes. Il exprime dans cet inclassable roman la force d'une désillusion aussi forte que l'incapacité de ses personnages à exister. Son monde est d'une banalité confondante ou d'une aliénation ahurissante, c'est selon, et je n'ai pas pu lâcher ce livre. On ne peut pas dire que Salnikov ait choisi la famille la plus remarquable de l'Oural qui soit, mais en matière d'originalité, ils se posent là. Lui mécanicien, elle bibliothécaire, ils forment un drôle de couple qui vit encore ensemble -bien qu'ils soient divorcés – par la force des choses, de l'habitude et grâce à leur fils Petrov, qui les unit encore; La famille russe moyenne. Ni mieux, ni pire. Quoique… J'espère que toutes les parents russes ne ressemblent pas à la misanthrope Petrova, et au taiseux et apathique Petrov.

Une famille qui ne se parle pas, qui n'aspire à rien, en tout cas pas à un meilleur sort, voilà donc nos Petrov. Comme s'ils s'étaient englués dans une espèce de léthargie résignée, d'où ils contemplent leur vie s'écouler devant leurs yeux comme s'ils n'en faisaient plus partie, comme s'ils n'avaient plus aucun pouvoir sur elle, comme si le temps avait avalé toute force vitale. Aucun questionnement, aucune remise en cause, ayant leur propre système de valeurs morales, plutôt sans qu'avec finalement. Les Petrov qui n'ont pas d'identité propre (tout juste apprend-on, en passant, le prénom et le patronyme du père) peuvent apparaître comme l'image de la famille russe moyenne. Celle qui est emportée dans un système qui les dévore, cette fatalité ou malédiction russe qui les assomme par le poids de son immensité. Cette morosité qui se transmet de parents en enfants, une maladie, cette grippe qui s'empare d'eux physiquement comme mentalement. La vie de gens ordinaire, trop empêtrés dans cette brume aveuglante, pour pouvoir même aspirer à vouloir autre chose. Les trolleybus vont et reviennent, dans le roman, comme dans la vie de Petrov, son attention fixée sur eux, comme un mort-vivant, plus mort que vivant, en attendant. Quoi?

Cette incapacité à mener une réflexion sur eux-mêmes est tournée en dérision, même si dans le fond, cela illustre l'incapacité à s'intéresser, s'impliquer et prendre les choses au sérieux. On a affaire à un homme qui ne connaît ni le nom entier de sa femme, tartare, ni la raison pour laquelle sa femme et lui ont divorcé. le ridicule touche au sublime. Je-m'en-foutisme, désinvolture, le mal est profond et Salnikov s'y attaque avec talent. Rien de mieux que la parodie pour dénoncer les maux d'une société qui part à vau-l'eau, le rire est plus efficace, visiblement.

J'ai ri, effectivement. Mais derrière toute cette légèreté apparente, il se trouve une véritable remise en cause du gouvernement, de la démocratie à la russe (mais finalement très universelle). Des vrais questions pour mettre en place un gouvernement véritablement dédié à la vie de ses concitoyens, qui se laissent porter par la vie qui défile sans cesse, sans les attendre.

Petrov, au nom de famille tout à fait commun, en quelque sorte notre dupond russe, souligne la banalité de notre personnage. Une vraie caricature sur pattes pour montrer le non-sens du monde ou vivent les Petrov. Ou plus rien n'est pris au sérieux, un monde qui n'apparaît que comme une succession d'anecdotes toutes les plus loufoques les unes que les autres. Tout est tourné en dérision, Petrov le premier, Petrov junior, le digne fils de son père, plus rien n'a vraiment d'importances, ni la vie, ni le mariage, la famille encore moins. Au-delà du rire, c'est un monde assez désespérant que Salnikov nous crayonne-là. Ou même la littérature n'est plus salvatrice mais elle aussi réduite en ridicule. À part l'alcool qui abêtit encore plus qu'ils ne le sont déjà, rien ne permet plus donc de s'échapper.

J'ai beaucoup aimé ce roman, j'avais lu quelques critiques retraçant les grandes lignes de l'histoire et du style de l'auteur, je savais donc à quoi m'attendre. Rire ou pleurer, boire éventuellement, le regard que Salnikov porte sur ses héros du quotidien est assez piquant. Ce n'est pas de la moquerie pure, on ressent une certaine tendresse pour ses personnages, qui sont coincés dans une sorte de monde encore plus insensé qu'eux. Il n'est alors pas étonnant qu'ils y aient perdus tous leurs repères. Je viens de voir qu'un film a adapté de ce roman par le réalisateur russe Kirill Serebrennikov Petrov's flu, je suis assez curieuse de voir comment cette drôle de famille a été retranscrite visuellement. Enfin je le laisserai le dernier mot au critique russe Konstantin Milchin qui parle du « roman le plus inattendu de l'année» comme un exemple rare de littérature moderne, où les Russes moyens peuvent se reconnaître et reconnaître leur vie quotidienne familière, qui, comme le suggère le livre, est «pleine de miracles, de squelettes dans le placard, drôle, terrible, majestueux, inconnu, incroyable « : » Il y a de la magie dans la vie de tous les jours. Il y a une énigme dans le trolleybus. Il y a un secret dans la rue que vous marchez tous les jours et que vous détestez sincèrement parce que vous marchez dessus tous les jours ».




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critiques presse (1)
LeMonde
28 septembre 2020
Un roman russe philosophique et pince-sans-rire, où l’auteur décrit un univers d’aliénation absolue dont les causes interrogent la condition humaine même.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
En général, le stade Central était la destination de provinciales chargées de cabas chinois à carreaux qui, essoufflées, demandaient à tout bout de champ quand elles devaient descendre, regardant avec angoisse par les fenêtres, paniquées à l’idée de rater leur arrêt. Ce n’étaient pas des supporters, en fait : juste en face du stade se dressait une prison, et toutes ces femmes s’y rendaient pour visiter leurs fistons. Petrov trouvait insupportable de les regarder parce qu’en son temps lui-même aurait pu s’y retrouver du fait de son âge plus que bête. Il n’avait aucun mal à s’imaginer sa mère essayant de courir après un moyen de transport dans une ville inconnue où Petrov aurait fait de la taule, et demandant avec la même angoisse à quel arrêt descendre. Petrov éprouvait donc à l’égard de ces mamans fébriles un dégoût suprême. Il détournait toujours le regard ou se tapissait dans un coin lorsqu’il apercevait leurs foulards retombant sur le côté ou sur le cou comme des cravates de pionniers, la sueur dégoulinant de dessous leurs bonnets comme si elles venaient de faire une partie de boules de neige. Il trouvait insupportable l’expression de leurs visages semblant implorer le pardon, parce qu’il avait gardé en mémoire des femmes faisant un scandale au garage en menaçant de faire intervenir leurs époux mafieux ; aujourd’hui, ce genre de menaces était plus rare, mais à la fin des années 1990, alors que Petrov commençait tout juste à desserrer des boulons, c’était son lot quotidien. Il n’avait donc aucun mal à s’imaginer que, parmi ces bonnes femmes, il s’en trouvait une susceptible d’avoir été, par le passé, l’une de ces mégères. Le roi Lear, c’est déjà dur à lire, et le film est carrément impossible à regarder, mais tomber dans un trolley sur plusieurs spécimens du roi d’un coup, c’est comme survivre à plusieurs séances de Bim, le chien blanc à l’oreille noire.
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Petrov n’avait jamais eu d’ambition particulière même pas dans son passé et c’est pourquoi il ne réussissait pas à éprouver de désillusion d’aucun genre concernant sa propre vie.
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Par contre, les autobus n'avaient pas du tout changé, ils étaient toujours bi-articulé, avec des soufflets au milieu, il y faisait toujours froid en hiver, et on été ils étaient insupportablement poussiéreux et étouffants. Les dossiers des sièges semblaient rongés par les passagers. En fait, il y avait deux types d'autobus : les vieux jaunes dont le sol en caoutchouc était usé par endroits – et à travers les trous de leur plancher on voyait le métal de la carcasse (Petrova avait entendu aux informations qu'un jour une femme était passée à travers un de ces trous, mais elle était resté coincé entre l'autobus et la chaussée) - et les autobus presque neuf, bleu marine en bas et blancs en haut, les meilleurs. Un autobus bleu et blanc s'approchait justement de l'arrêt, il débarqua une flopée de passagers ; presque tout le monde descendait en effet à l'arrêt de l'hôpital, si bien que le bus se retrouva pratiquement vide.
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Il suffisait à Petrov de prendre le trolleybus pour se faire aussitôt assaillir et importuner par des fous. Le seul qui ne l’importunait pas était un petit vieux silencieux et dodu au crâne rasé qui ressemblait à un enfant vexé. Mais dès qu’il l’apercevait, Petrov avait envie de se lever à son tour pour le vexer encore plus. Disons qu’un sentiment violent et inexplicable, où s’enchevêtraient forces darwiniennes échevelées et débordements dostoïevskiens, submergeait Petrov. Remarquant son regard insistant, le petit vieux tournait alors les talons.
Toutefois ce grand-père était un fou constant pour ainsi dire, Petrov le rencontrait invariablement depuis son enfance, même en dehors des transports en commun. Les autres fous, eux, ne faisaient irruption dans sa vie qu’une fois, comme si, en trente ans, ils s’autorisaient une seule et unique échappade de l’hôpital psychiatrique situé au kilomètre huit de la route Sibérienne, afin de glisser à Petrov quelques mots doux puis disparaître à jamais.
Il y avait une petite vieille qui lui avait cédé sa place sous prétexte qu’il était invalide et avait un cancer, des jambes et des mains en bois (un cancer tout court, pas en bois). Il y avait un gars qui ressemblait à un forgeron sorti tout droit du cinéma soviétique, un grand costaud avec une voix qui faisait vibrer la ferraille du trolleybus, un peu comme une bouteille ouverte à moitié vide vibre au passage d’un camion. Acculant d’une épaule Petrov à la cloison, le gars déclamait des vers à une vieille contrôleuse, car sous sa veste ouatée puant la limaille de fer, l’essence et le gazole, il cachait un tendre cœur de poète.
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Le roi Lear, c’est déjà dur à lire, et le film est carrément impossible à regarder, mais tomber dans un trolley sur plusieurs spécimens du roi d’un coup, c’est comme survivre à plusieurs séances de Bim, le chien blanc à l’oreille noire.
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Video de Alexeï Salnikov (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alexeï Salnikov
Alexeï Salnikov, l'auteur du roman "Les Petrov, la grippe, etc." parle de son adaptation au cinéma par Kirill Serebrennikov, "La Fièvre de Petrov".
Le pitch: un matin de décembre, Petrov, mécanicien et auteur raté de bande dessinée, se sent fiévreux et prend un remède alcoolisé contre la toux. En chemin vers le travail il est happé par Igor, son vieil ami spontané et incontrôlable, et les voilà qui enchaînent les verres de vodka dans un corbillard, autour d'un cercueil. Pendant ce temps, Petrova, son ex-femme, essaie de contenir une étrange spirale assassine qui l'assaille à la vue d'une goutte de sang… Après un profond sommeil provoqué autant par l'alcool que par la grippe, Petrov finit par rentrer auprès de son fils et de Petrova, désormais malades, eux aussi, de la grippe. Progressivement, les souvenirs d'enfance de Petrov ressurgissent aussi étranges que troublants.
Le roman, phénomène depuis sa parution en Russie en 2018, a été publié en 2020 en français par les Editions des Syrtes.
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