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sur 104 notes
Ce livre est simplement magnifique parce qu'il nous oblige à remettre en cause toutes les illusions que nous nous forgeons sur l'art. On ne cesse d'entendre (voire de "dire") que l'art est supérieur à la vie. Nous sommes abreuvés des thèses De Stendhal et de Proust. Puis, un jour, alors que la vie se manifeste bruyamment (Lydie Salvayre lutte contre un cancer), les oeuvres d'art n'ont plus cet effet magique qu'on leur concède un peu naïvement. Une oeuvre peut-elle rendre immortel son auteur ? Oui, sans doute, pour nous qui nous inscrivons dans la postérité. Quand je lis Hugo, j'ai l'impression qu'il est assis à côté de moi. Mais qu'en est-il de Proust, par exemple, qui étouffe dans son lit, perclus de crises d'asthme ? Ne se raccroche-t-il pas à son oeuvre comme un naufragé à un improbable radeau ?
J'adore ce livre, car il montre que notre rapport à l'art est sans doute fantasmé, mais il n'en est pas moins réel. Nous sommes fragiles et mortels, mais nous avons besoin de cette idée d'éternité.
D'ailleurs le titre nous indique cette idée : "Marcher jusqu'au soir", qui est emprunté à un poème de Baudelaire : "La mort des pauvres". C'est la mort qui donne la force de marcher jusqu'au soir. C'est l'art qui nous donne la force de croire qu'il y aura un soir ?
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« Marcher jusqu'au soir » ; Lydie Salvayre (Stock, 210p)
Ah, cette manière abrupte d'écrire, qu'on pourrait qualifier par erreur d'excessive, alors qu'elle est simplement honnête dans ses révoltes ; c'est « une nuit au musée », dans une exposition qui met face à face Giacometti (et surtout « l'homme qui marche ») et Picasso. LS avouera plus tard dans une émission de radio qu'elle n'a jamais osé se laisser enfermer une nuit entière dans ce musée, ce livre est donc un petit mensonge, mais tellement vrai. J'ai aimé ses décrochages autobiographiques, son regard sur le personnage très touchant de Giacometti et la ténacité de celui-ci face à l'échec revendiqué, son humilité (qui fait écho à celle de l'auteure) son acharnement au travail. J'ai été aussi touché par la manière dont elle accueille son compagnon BW dans son récit, par sa lucidité face à elle-même, son sens de l'autodérision, et sa culture éclectique. Un très beau moment de lecture, un belle réflexion sur l'art en général et dans le monde d'aujourd'hui plus particulièrement.
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C'est à la fois un livre d'introspection, un essai, un roman d'aventure, une thérapie personnelle mais on est très loin du bavardage ! Encore un livre bien inclassable, ce qui n'enlève rien à son charme, bien au contraire. Voici une artiste qui ne mâche pas ses mots même si on parle d'écrits ! Elle avait été récompensée d'un très beau prix Goncourt 2014, pour avoir décidé de ne « Pas pleurer », voir article de ce blog en mai 2019
https://clesbibliofeel.home.blog/2019/05/14/lydie-salvayre-pas-pleurer/
A ce stade de sa vie et alors qu'elle a mené, quelques années auparavant, un combat contre le cancer, Lydie SALVAYRE passe des larmes retenues à une terrible colère. On a ici un livre choc, très stimulant et qui confirme le talent de cette auteure.

Plusieurs thèmes m'ont intéressé :
L'argument est très fort : qu'est-ce que l'art, à quoi sert-il ? Et au bénéfice de qui ? Pour y réfléchir Lydie SALVAYRE se fait enfermer toute une nuit au musée Picasso lors de l'exposition Picasso-Giacometti, à côté de la sculpture « L'homme qui marche ». La description de cette œuvre célèbre vaut en soit la lecture : « D'une infinie vulnérabilité. Aussi fragile qu'une herbe qu'une brindille. Aussi désarmé. Aussi rien. » Plusieurs pages magnifiques avec ce long développement halluciné : « Et cependant marchant, marchant, marchant, marchant, marchant, continuant de marcher, continuant bravement de marcher et de regarder droit devant, continuant de marcher d'un grand pas, sans flancher, continuant de marcher dans un univers de décombres, malgré le non-sens, malgré le peu d'espoir…. »
Elle confronte deux personnalités totalement opposées. Alberto Giacometti, le taciturne, jamais satisfait de sa production et détruisant très souvent : « Giacometti voyait peut-être dans ces échecs une forme d'élégance aristocratique dans un monde où la gagne la plus vulgaire commençait à prévaloir sur tout le reste. »
Picasso, était tout autre, être solaire, créateur à l'égal de Dieu « car Picasso voulait gagner sur la mort qu'il tenait dans un mépris total. Et cela me plaisait. Il disait La mort est inadmissible. La mort n'est en rien une aventure, c'est une mauvaise rencontre qui finit toujours mal. »
On aborde par ce récit assez court la sociologie et la philosophie de l'art. « L'art ne pouvait rien, en somme, contre le fait que vivre faisait mal. » Elle pense que l'art ne peut pas guérir de la laideur ni sauver le monde mais peut quand même nous aider à voir la beauté. Elle accuse les musées de vouloir nous convaincre que les œuvres d'art sont hors du temps et des idéologies et hors du monde. Il est vrai que dans beaucoup de musées on a pléthore d’œuvres mais pas souvent l'essentiel : pouvoir les analyser dans leur contexte. Il faut voir tel ou tel tableau, tel peintre à la mode pour dire je l'ai vu, pour se donner de la valeur mais où est la valeur collective dans tout ça ? Un art « parfaitement inoffensif, parfaitement bien élevé et parfaitement conforme à l'ordre régnant. »
Le style m'a aussi fortement impressionné. Lydie Salvayre adore visiblement surprendre car après avoir créé le fragnol, mélange de catalan et de français de ses parents émigrés après fuit le régime dictatorial de Franco, elle invente ici un nouveau style en mélangeant une langue française limpide et soutenue avec une langue triviale, voire vulgaire. Elle exprime ainsi sa colère de l'hypocrisie de l'art, s'adressant à tous en principe mais, en réalité, dominé par des partis-pris de classe, pour résumé rapidement. Et aussi les forces internes qui sont en lutte chez elle, entre son origine modeste (ce qui vaut de beaux développements autour de cette expression) et sa notoriété qui lui ouvre les plus belles portes actuellement.
L'amour du jeu avec les mots et leur sonorité lui fait retranscrire intégralement un texte très réjouissant du Pantagruel de Rabelais : « Comment Pantagruel rencontra un Limousin qui contrefaisait le langage français. » Pantagruel pose des questions simples à l'étudiant qui lui répond dans une langue en partie inventée mais dont on devine en grande partie le sens, une langue au rythme et à la saveur toujours inégalée. J'en donne juste un petit passage : « Tu viens donc de Paris, dit Pantagruel. Et à quoi passer vous votre temps, vous autres messires les étudiants, à Paris ? L'écolier lui répondit : Nous transfrétons la Séquane au dilicule et au crépuscule ; nous déambulons par les compites et les quadrivies de l'urbe ; nous despumons la verbocination latiale, et, comme verisimiles amorabonds, captons la bénévolence de l'omnijuge, omniforme et omnigène sexe féminin. »
J'ai cherché à traduire mais sans résultat probant, c'est beau et on comprend à peu près le sens par le rythme lui-même et les quelques mots non ésotériques, c'est bien l'essentiel !

J'ai apprécié le mouvement entre les longs développements et les phrases très courtes avec retour à la ligne systématique (mais aussi retour à la ligne en milieu de paragraphe après virgule). La ponctuation est très libre : « Giacometti était-il un saint ? me demandai-je juste après m'être fait cette remarque. » Efficace, je trouve ! On a souvent dans ce livre un type d'orthographe propre à affoler les correcteurs automatiques et c'est tant mieux ! Petite victoire de l'humain sur la machine.
Un livre sombre par bien des côtés d'une artiste sous chimio (dans le livre...) qui se pose des questions existentielles, que chacun a ou aura à se poser un jour ou l'autre ?
Sa raison de vivre c'est réfléchir et écrire, elle ne peut pas faire autre chose. C'est sa manière à elle de marcher, marcher, marcher, marcher… En gardant la tête haute, sans flancher, comme "l'Homme qui Marche" d'Alberto Giacometti.

Cette nouvelle collection "Ma nuit au musée" des éditions Stock est déjà riche de 2 titres puisqu'est paru auparavant en 2018 "Le peintre dévorant la femme" de Kamel Daoud. le hasard a fait que j'ai acheté le même jour "Marcher jusqu'au soir" de Lydie Salvayre et "Meursault contre-enquête" de Kamel Daoud (formidable roman à partir des personnages de « L'Etranger » d'Albert Camus).
Pour en savoir plus sur cette auteure bien singulière dans la littérature actuelle, je conseille d'aller voir la vidéo suivante :
https://www.babelio.com/auteur/Lydie-Salvayre/3145
Notes avis Bibliofeel

Lien : https://clesbibliofeel.home...
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Après la lecture de Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon, je poursuis ma découverte de la collection « Une nuit au musée ».
Lydie Salvayre a choisi le Musée Picasso à Paris où se déroule une exposition d'Alberto Giacometti, sculpteur suisse connu mondialement pour ses silhouettes longilignes. C'est la première fois que je lis la plume de cette auteure pourtant très connue et je découvre ici un récit de colère, de hargne, de fureur à l'encontre des musées, lieu emblématique à ses yeux de l'élite culturelle, symptomatique d'une exclusion d'un rejet de classe. Il est amusant de constater qu'une telle femme de lettres, ayant remporté un Goncourt, psychiatre de formation, soit en quelque sorte intimidée par un musée et qu'elle l'associe ainsi à l'exclusion. Cette colère est également un prétexte pour revenir sur sa propre histoire familiale, celle d'un exil familial fuyant le Franquisme, d'un engagement politique et d'une violence paternelle très présente. Face à L'homme qui marche de Giacometti saisissant le mouvement d'une silhouette quasi dissolue dans le bronze, Lydie Salvayre remue souvenirs et amertume face à ce sentiment d'imposture contre lequel elle semble longtemps avoir lutté éprouvant les longues heures de la nuit qu'elle affronte aux côtés d'un autre exilé espagnol, Pablo Picasso, monstre sacré du modernisme et monstre dévorant dans sa vie intime.
Un très beau témoignage amenant réflexion sur ce qui fait oeuvre, référence et culture commune dans une société métissée.
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Comment, comment ? On n'aime pas trop. Trop d'anaphores, trop de "vérités qui bousculent" le bourgeois qui passe, trop de...quoi au fait ! Moi je dirais, pas assez !
J'en redemande. J'aime Lydie Salvayre comme j'aime Annie Ernaux. Elles parlent de nous. Elles disent ce que j'aimerais dire, sans prendre de gants.
Lydie Salvayre nous livre à la fois ses ressentis (ou ses manques de ressenti) face à l'art. On est d'accord ou pas, c'est tellement personnel. Je me suis vraiment amusée de la voir tirer à boulets rouges sur le monde de l'art et tout ce qui y touche. Je me suis même demandé si elle n'en a pas rajouté un peu histoire de se faire plaisir.
Donc j'ai adoré.Et puis grâce à ce livre je vais retourner admirer l'oeuvre de Giacometti, revoir Baudelaire, découvrir le premier livre de cette collection, "Le peintre dévorant la femme", le prochain "Nuit espagnole" et cerise sur le gâteau continuer ma lecture de Lydie Salvayre avec "La compagnie des spectres".
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Enfermée pour une nuit au musée Picasso devant "l'homme qui marche" de Giacometti, l'auteure fustige la culture bourgeoise élitiste qui enferme l'art dans les musées. Entre pamphlet et autobiographie, avec une accumulation d'anaphores et d'énumérations, la pensée semble décousue.
Dommage, ses confidences sur sa maladie et la peur de la mort sont émouvantes malgré tout.
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Invitée à passer une nuit au musée Picasso où est exposé L'homme qui marche de Giacometti, Lydie refuse, se braque, se révolte contre l'art, les musées, le beau, cette sculpture. Puis elle accepte et se révolte, passe une nuit d'angoisse à se demander ce qu'elle fout là, est traversée de réflexions contradictoires, pense à son chien, son amant, son père violent, son passé, son métier d'écrivain, fille de pauvres réfugiés espagnols révoltée contre la décadence du monde et des bien-pensants qui la trouvent «modeste». Une fois «sauvée» de cette nuit de cauchemar, elle cherche à comprendre ce qui l'a empêché d'apprécier de passer la nuit au chevet de cette oeuvre unique de Giacometti, cet artiste au sourire généreux qui n'était jamais satisfait, qui était dur, éprouvé, fragile face à ce qui «ne pouvait qu'échouer, un projet impossible au regard de la perfection rêvée ». Et puis, elle constate qu'au fond ce qui l'a paralysée cette nuit là, corps et âme, c'est la peur de la mort que la sculpture évoque par sa démarche courbée et ancrée à la terre. Soignée pour un cancer, elle décide de retourner au musée Picasso, se mêler aux visiteurs à la recherche du «beau» et , devant des érotiques de Picasso, elle se réconcilie avec ce qui est exposé qui est jouissance de la vie, qui est ce qu'est l'art. Un livre coup de poing aux profondes réflexions d'une parole libre des convenances.
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Lydie Salvayre aime Giacometti et de ce fait, la conservatrice du musée Picasso, lui propose de passer une nuit seule dans le musée et de raconter ses impressions. L'auteure va accepter après beaucoup d'hésitations et là, je ne m'attendais pas du tout à me confronter à la hargne de l'écrivaine.
Sa peur de se retrouver seule enfermée, sa diatribe contre les musées qui enferment les oeuvres qui ne vivent plus, le pouvoir de l'argent et de tous ceux qui veulent tout régenter. Sa détresse aux souvenirs de son père violent, de l'Espagne ravagée, son cancer qui la ronge et lui fait « cracher » les mots. Cet enfermement fait ressurgir des sentiments qu'elle veut oublier mais qui reviennent, comme quand on ne dort pas la nuit et que nos pensées les plus mauvaises tourbillonnent sous nos paupières.
Elle va fuir le musée au petit matin sans avoir pu s'enivrer de l'oeuvre qu'elle chérit pourtant « l'homme qui marche ». Et c'est bien après qu'elle écrira ce récit… après être retourné au musée Picasso, avec toute la foule, des visiteurs autour d'elle, ce besoin d'humanité pour communiquer.
Donc un essai surprenant, fort par une femme qui m'a tout d'abord énervée puis touchée par toutes ses failles. A lire surtout elle, même si Giacometti est lui aussi présent.
et bravo pour la belle couverture des éditions stock.
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Un auteur reconnu est invité à passer une nuit au musée Picasso, à l'occasion d'une exposition plaçant face aux oeuvres du maître espagnol celles du sculpteur et peintre suisse Alberto Giacometti. Est notamment présent le monumental Homme qui marche, cet être frêle sur le point de s'écrouler, qui semble porter tous les malheurs du monde sur ses épaules voûtées et avance cependant, inébranlable, vers on ne sait quoi, le présent, l'avenir, la vie même. L'auteur en question, depuis longtemps passionné par Giacometti, est Lydie Salvayre, prix Goncourt 2014 ; l'essai qui en résulte, Marcher jusqu'au soir, retranscrit les expériences de cette nuit au musée.

La rencontre attendue n'a malheureusement pas lieu. L'Homme qui marche admiré tant de fois sur papier laisse Lydie Salvayre profondément indifférente. Ce constat provoque en elle un torrent de réflexions. Pourquoi n'éprouve-t-elle rien ? Ses émotions vis-à-vis de l'art en général et de cette sculpture en particulier sont-elles la carrosserie d'une coquille vide, des sentiments appris par coeur, ânonnés sans être véritablement éprouvés ? Ces musées qui exposent sculptures et peintures hors de tout contexte, qui les coupent de leurs racines contestataires, qui vendent leurs espaces au plus offrant pour exposer des choses dénuées de sens osant se faire appeler oeuvres, ces musées ne sont-ils pas les premiers responsables du vide exploré dans Marcher jusqu'au soir ?

Ces remarques promettaient une pensée intéressante. Au lieu de quoi, elles débouchent sur les souvenirs d'enfance de Lydie Salvayre, suivis d'une biographie de Giacometti et de remarques peu originales sur la mort. Pour moi non plus l'échange espéré n'a pas eu lieu, peut-être à cause des phrases inutilement lourdes qui composent Marcher jusqu'au soir. Un style à tendance verbeuse qui, au lieu d'explorer une idée, la répète de mille et une manières jusqu'à ce qu'elle ne veuille plus rien dire. Lydie Salvayre a la condamnation facile et la création laborieuse. Diabolisant la relation entre l'art et la finance, elle oublie sans doute que par le passé, loin d'être libre, l'art fut soumis à la religion, à la politique et à ses propres normes de beauté et d'harmonie. Sa critique des musées tourne en rond et son introspection n'aboutit à rien qui n'aie déjà été dit : la peur de l'échec, de la finitude et de la mort, les traumatismes d'enfance, l'impossible transcendance de l'art. Marcher jusqu'au soir relève davantage de l'autobiographie que de l'essai, et met en scène une quête de soi dont la conclusion béatifiante n'a pas su me convaincre.

Marcher jusqu'au soir s'inscrit dans une ligne éditoriale qui peut être intéressante, selon l'individu choisi pour passer une nuit au musée : je reste curieuse de lire un autre auteur ayant fait la même expérience, mais j'hésite à aller voir de plus près les autres écrits de Lydie Salvayre.

Pauline Deysson - La Bibliothèque
Lien : http://www.paulinedeysson.co..
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Après avoir obtenu le Prix Goncourt en 2014 avec « Pas Pleurer », Lydie Salvayre dévoile un récit intime avec son livre « Marcher jusqu'au soir ». Il est question d'art, d'institutions artistiques et du rapport que l'on entretient avec le milieu culturel. Pour ce faire, l'auteur finit par accepter l'invitation de l'éditrice Alina Gurdiel de passer une nuit entière au Musée Picasso lorsque celui-ci inaugure son exposition « Picasso-Giacometti ».

C'est un livre personnel où des éléments constituants de la vie de l'auteure se dévoilent. Seule, au cours de cette nuit, elle est confrontée à sa propre impuissance, ses angoisses et son malaise. Lydie Salvayre exprime avec force ce qu'elle a sur le coeur avec un courage qui lui ressemble.

Sonnée par la vision de la mort, voir « L'homme qui marche » en vrai, se dresser devant elle, est autant une révélation qu'un cauchemar, l'auteure n'assume pas ce spectacle aussi attendu que redouté, celui d'un homme se dirigeant a priori vers une mort certaine.
L'angoisse et la frustration ressenties lors de cette nuit au musée ouvrent la boîte des souvenirs d'enfance enfouis. Pour la première fois, l'auteure évoque sa relation à un père redoutable et redouté, paranoïaque et violent, face à la grandeur du musée Picasso, l'auteure se retrouve comme face à son père terrible, dominateur et autoritaire. Il y est aussi question de son enfance issue d'un milieu populaire et des blessures qu'elle conserve à l'âge adulte alors qu'elle met tout en oeuvre pour s'extraire de cette condition modeste initiale.

En colère, libre et drôle, Lydie Salvayre porte le verbe haut avec des comparaisons jubilatoires où elle compare les musées à des hospices pour chefs-d'oeuvre et le ministre de la culture qu'elle nomme le « ministre des distractions ». L'auteure finit par temporiser son propos en reconnaissant l'utilité et l'importance des musées, la richesse de ce que l'on peut vivre grâce au partage et à l'expérience des autres à travers l'art.
Ce livre est également une belle déclaration au génie de Giacometti qui se définissait par son impuissance, sa modestie, ses échecs et qui a fait un choix d'une vie pauvre alors même qu'il a connu la gloire et l'opulence monétaire de son vivant.

Des réflexions passionnantes et touchantes, piquantes, parfois disproportionnées, mais qui appartiennent à l'auteure. Cet essai m'a donné envie de découvrir les autres ouvrages de la collection « Ma nuit au Musée » des éditions Stock : le prochain sera certainement l'expérience de Kamel Daoud dans « Le Peintre dévorant la Femme ».
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