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sur 2909 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce quatrième ouvrage de Mohamed Mbougar Sarr, couronné du Prix Goncourt 2021, invite à suivre les pas de Diégane Latyr Faye, jeune écrivain qui tombe sous le charme d'un livre mythique intitulé « le labyrinthe de l'inhumain ». Tout d'abord salué par la critique, ce roman paru en 1938 sera retiré des ventes après des accusations de plagiat et son mystérieux auteur d'origine sénégalaise, T.C. Elimane, qualifié de « Rimbaud nègre », disparaîtra dans la nature…

___« Mais peut-on croire aux disparitions sans héritage ? Aux évanouissements absolus ? Je n'y croyais pas. Je n'y crois toujours pas. Il y a une présence qui demeure après tout départ. Peut-être même la vraie présence des êtres et des choses commence-t-elle seulement après leur disparition. »

Si le point de départ de ce roman s'inspire de l'histoire vraie du Malien Yambo Ouologuem, premier romancier africain à recevoir le Prix Renaudot en 1968 pour « le Devoir de violence » et ayant vécu reclus jusqu'à la mort suite à des accusations de plagiat, cette quête littéraire qui invite à partir à la recherche de l'auteur d'un roman culte introuvable, propose surtout une réflexion profonde sur la littérature.

J'ai été totalement subjugué par la première partie de cette enquête et par la prose magnifique de Mohamed Mbougar Sarr. Mais, malgré le souffle romanesque incroyable du roman, sa construction labyrinthique a fini par m'essouffler. de Dakar à Paris, en passant par Buenos Aires et Amsterdam, l'auteur multiplie les points de vue, sautant d'un narrateur à l'autre, multipliant les styles d'écriture, les références littéraires et les temporalités, abordant de nombreux thèmes, allant de la colonisation au nazisme, traversant un siècle d'histoire, certes en ensorcelant le lecteur grâce à la magie de ses mots, mais en l'exténuant au fil de phrases parfois interminables, l'abandonnant sur le cul, car oui c'est un beau Goncourt…mais ce n'est pas le plus accessible !

Servi par une plume prodigieuse, « La plus secrète mémoire des hommes » vous invite donc à partir sur les traces d'un chef-d'oeuvre…mais pas forcément celui-ci.

___« Un temps la Critique accompagne l'Oeuvre, ensuite la Critique s'évanouit et ce sont les Lecteurs qui l'accompagnent. le voyage peut être long ou court. Ensuite les Lecteurs meurent un par un et l'Oeuvre poursuit sa route seule, même si une autre Critique et d'autres Lecteurs peu à peu s'adaptent à l'allure de son cinglage. Ensuite la Critique meurt encore une fois et les Lecteurs meurent encore une fois et sur cette piste d'ossements l'Oeuvre poursuit son voyage vers la solitude. S'approcher d'elle, naviguer dans son sillage est signe indiscutable de mort certaine, mais une autre Critique et d'autres Lecteurs s'en approchent, infatigables et implacables et le temps et la vitesse les dévorent. Finalement l'Oeuvre voyage irrémédiablement seule dans l'Immensité. Et un jour l'Oeuvre meurt, comme meurent toutes les choses, comme le Soleil s'éteindra, et la Terre, et le Système solaire et la Galaxie, et la plus secrète mémoire des hommes. »
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Vous n'auriez pas vu T.C Elimane ?
Au coin de la rue ou dans les recoins d'un souvenir perdu.
En revanche, impossible de passer à côté du dernier Goncourt, Mohamed Mbougar Sarr. Il fait la une, et ni une ni deux, on m'offre son roman à jaquette rouge …. trois fois. Deux cadeaux de Noel en moins à empaqueter.
Pourtant, j'avais plutôt prévu d'offrir le Voyant d'Etampes d'Abel Quentin, prix ODP31 de 2021 mais avouons que l'écho médiatique de ma récompense n'a pas dépassé le cercle fermé de ma famille. Déflorez quand même le prix de Flore.
Revenons à cette plus très secrète mémoire des hommes. Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais, avatar de l'auteur, découvre à Paris un livre mythique : le labyrinthe de l'inhumain, paru en 1938.
Son auteur, T.C Elimane, surnommé le « Rimbaud nègre » a disparu après des accusations de plagiat. le jeune auteur va partir à la recherche de l'écrivain mystérieux dans le temps et dans l'espace, de son pays d'origine jusqu'en Argentine, de la première guerre mondiale à 2018, du tirailleur tiraillé jusqu'aux mystères de la création littéraire.
L'histoire rend hommage à l'écrivain malien Yambo Ouologuem, récompensé par le Renaudot en 1968 pour « le devoir de violence » qui se retira du monde après le retrait de son livre, accusé lui aussi d'avoir copié sur son voisin. A priori, des calomnies par ceux qui jalousaient son succès.
Que retenir de cette lecture ? La flamboyance de sa langue d'abord. Surtout. L'auteur n'a pas peur d'en faire trop, d'écrire le mot de trop. Il flirte avec l'emphase, donne parfois l'impression de vouloir épater la galerie, de faire la preuve de son génie, notamment dans la première partie. Arrogance de jeune universitaire excusé par le désir fou d'écrire. Je suis passé outre, épaté par la qualité du style. Qu'il est bon aussi de ressortir des mots de la poussière. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas eu à « tuster » sur mes vieux dictionnaires à la recherche d'un mot perdu.
Cette enquête devient vite une quête : poétique, littéraire, historique. Et même un peu magique. Pourquoi tous les critiques ayant parlé du livre de T.C Elimane sont morts ?
Il s'agit aussi d'un hommage à la littérature africaine, que je méconnais trop, sur sa compréhension et ses caricatures.
Les personnages sont très bien construits, notamment les femmes, mais j'ai regretté qu'ils parlent tous d'une même voix. Au fil des pages, la narration passe de l'un à l'autre sans prévenir, procédé harmonieux mais périlleux qui a parfois égaré le Petit Poucet que je suis, caillou dans ma chaussure qui m'a agacé durant cette marche de 450 pages.
Pour ma part, je trouve que le Goncourt arrive trop tôt dans l'oeuvre de cet auteur bluffant, que ce roman très ambitieux est vraiment réussi mais pas totalement abouti. Prose enchantée mais en chantier. Je pense le concernant que le meilleur est encore est à venir.
Je n'ai pas retrouvé T.C Emilane mais je viens de retrouver mes lunettes, au bout de mon nez, le livre refermé. Chacun sa quête.
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Pour écrire La plus secrète mémoire des hommes, Mohamed Mbougar Sarr s'est inspiré du destin brisé de Yambo Ouologuem, premier écrivain africain à remporter le Prix Renaudot en 1968 avec le devoir de violence, à 28 ans. Il a connu la gloire, puis l'opprobre, finissant sa vie reclus, honni par ses pairs.
Avec La plus secrète mémoire des hommes, Mohamed Mbougar Sarr, Prix Goncourt 2021, un des plus jeunes Goncourt de l'histoire, rend ainsi hommage à l'écrivain malien, tombé dans l'oubli, à qui il dédie son ouvrage, et à son oeuvre.
Nous sommes en 2018, à Paris et Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais, va découvrir un livre mythique le labyrinthe de l'inhumain . C'est la sulfureuse Siga D, détentrice de secrets qui le lui remet. Son auteur, le mystérieux T.C Elimane a disparu après qu'une violente polémique a terni sa réputation à Paris. Il a été porté aux nues, qualifié en son temps de « Rimbaud nègre ». avant d'être cloué au pilori pour plagiats. Alors que ce livre culte publié en 1938 est devenu quasiment introuvable, Diégane, pris de passion pour celui-ci va se livrer à une véritable enquête, et se lancer sur les traces de ce mystérieux auteur introuvable. Pour cela, il se rend, entre autres, aux archives de la presse pour se plonger dans les différentes recensions publiées, découvrant que les auteurs des critiques sont curieusement, tous morts peu après.
Cette quête que l'on peut qualifier de labyrinthique nous entraîne sur la piste de cet énigmatique auteur qui affronte les heures sombres de l'histoire, le colonialisme ou la Shoah. Elle nous conduit à Paris, Amsterdam, et Buenos Aires, nous faisant arpenter le Sénégal sur les traces de cet homme.
Quelle vérité attend celui qui peut être considéré comme le double littéraire de l'auteur, Diégane Latyr Faye, au centre de ce labyrinthe ?
Ce livre dense, puissant, se lit comme un polar et nous convie à un voyage, à de multiples époques, continents et cultures. Ce texte éminemment politique est empreint de sensualité et d'introspection. Il a le mérite de nous interroger sur divers sujets comme celui de la solitude ou celui de savoir si un enfant peut être comptable d'un passé qu'il n'a pas connu, mais il est avant tout un immense chant d'amour à la littérature et à son pouvoir intemporel et nous amène à une intense réflexion sur l'art d'écrire, sur ce qu'est un écrivain, ce qu'est un bon livre, la force magique qu'il peut avoir, le choix entre l'écriture et la vie.
Un style personnalisé caractérise chacun des nombreux personnages du roman, permettant au lecteur de ne pas être trop déstabilisé par cette imbrication entre eux parfois un peu complexe. de multiples mots ou expressions en wolof émaillent le récit le rendant encore plus authentique et savoureux.
La plus secrète mémoire des hommes, quatrième roman de Mohamed Mbougar Sarr, un peu moins grand public que les derniers Goncourt, et malgré ses presque 460 pages, est un roman aux nombreuses formes, particulièrement riche et bouleversant, écrit dans une langue magnifique, avec un vocabulaire peut-être un peu trop souvent savant. Cette saisissante enquête bien rythmée happe le lecteur dès les premières lignes pour ne plus le lâcher, tout en demandant néanmoins quelque effort et une attention soutenue.

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Écrire sur la littérature, voilà un beau sujet que Mohamed Mbougar Sarr maîtrise revêtu des habits d'un brillant étudiant sénégalais en quête d'un graal littéraire et du livre qui le sortira de son purgatoire littéraire. Si cela prend parfois le ton jargonnant et érudit d'un khâgneux c'est le plus souvent la fluidité, la pertinence, l'universalité de la réflexion qui suscitent l'intérêt. le narrateur bien que toujours plein de sa quête prend des chemins de traverse passant de la France au Sénégal et en Argentine avec des sujets aussi divers que le plagiat, la colonisation, la Grande guerre, le nazisme, la Shoah ou encore la condescendance (pour ne pas dire plus) des écrivains blancs vis à vis de leurs alter ego noirs, un sujet sur lequel le narrateur philosophe autant qu'il ironise. Sans aucun doute La plus secrète mémoire des hommes est un roman ambitieux où par des mises en abyme labyrinthiques Mohamed Mbougar Sarr montre qu'Il est cet auteur africain qui se regarde réfléchir et tente de se faire une place dans la littérature occidentale. Un pari réussi puisque les jurés du très convoité prix Goncourt ont récompensé son travail.
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"La plus secrète mémoire des hommes" est un livre que j'ai vu de nombreuses fois passer parmi les retours des Babelpotes, retours aussi bien négatifs que grandiloquents. Comme les Goncourt et moi, ça fait souvent deux (voire même trois ou quatre...), je n'étais pas tellement pressée, ni motivée à le découvrir par moi-même. C'est encore une fois ma bibliothécaire qui m'a poussée à le prendre, à mettre de côté mes réticences. Et j'ai finalement bien fait : malgré un début cahoteux, je ne regrette pas du tout car j'ai finalement beaucoup aimé.

Diégane Latyr Faye est un jeune écrivain d'origine sénégalaise, que son premier et seul roman a peut-on dire fait un flop. le destin lui met entre les mains "Le labyrinthe de l'inhumain", manuscrit d'un certain T.C. Elimane publié en 1938. À peine sorti, ce livre a fait beaucoup parler avant de disparaître complètement de tous les rayons littéraires, son auteur déjà peu démonstratif à l'époque ayant lui aussi disparu des radars. Aujourd'hui, malgré ses recherches, Diégane ne parvient pas à retrouver la trace de cet auteur. Une piste s'offre à lui, il ne manque pas de la saisir. Débute alors son enquête...

Pour un livre complexe, c'est un livre complexe, au point que je ne sais comment commencer ce billet. Car ce roman est bien plus qu'une enquête, c'est aussi une quête Du Livre essentiel, celui qui donne un sens à sa vie d'écrivain, celui pour lequel on donne tout, celui que le lectorat ne peut oublier, celui qui fait sa renommée. Tel "Le labyrinthe de l'inhumain" de T.C. Elimane, Diégane part à la recherche du sien, en même temps qu'il veut absolument retrouver ce "Rimbaud nègre" qui a tant fait polémiquer.

Plongés en plein coeur du monde littéraire, de la francophonie africaine essentiellement, Diégane n'hésite pas pour autant à nous balader aux quatre coins du monde, les pistes le menant à Amsterdam ou en Argentine avant d'atteindre sa destination finale. Par le biais de ses recherches, il nous présente ses relations, leur histoire et leur passé. C'est ainsi qu'on fait connaissance avec Siga D., écrivaine d'origine africaine, qui détient de nombreuses clés pour les recherches de Diégane.

Comme je le dis plus haut, le début a été chaotique, tout le livre premier en fait (le roman se découpe en trois livres), soit les 120 premières pages. Diégane en est le seul narrateur, et ce dernier a eu vite fait de me taper sur les nerfs : le style d'écriture pompeux et le vocabulaire bien trop recherché font de lui un personnage irritant. J'ai d'abord pensé que son enquête n'était en fait qu'un prétexte pour déblatérer sur des sujets pseudo-philosophiques qui n'ont aucun rapport avec le fil rouge de l'intrigue première. Ses réflexions intérieures et répliques tout en formules partent dans tous les sens, il fait digression sur digression, en employant des mots que personne n'utilise (je m'étais d'ailleurs fait la remarque que ce mec a raté sa vocation, c'est non pas vers l'écriture mais vers la politique qu'il aurait dû se diriger...). Bref, ce livre premier a été pour moi désagréable au plus haut point, long et fatigant.

Mais à partir du second livre, Diégane s'efface et laisse la parole aux autres protagonistes. On change de ton autant qu'on change de narrateur, le rythme est plus cadencé et la lecture bien plus agréable. Et malgré le changement de narrateur sans prévention aucune ni même transition, j'ai tout de suite accroché et n'ai plus voulu lâcher ma lecture. L'enquête sur Elimane et la quête personnelle de Diégane ne font plus qu'une. Et ce dernier paraissant moins condescendant que précédemment, j'ai enfin pu commencer à l'apprécier et à mieux le cerner.

L'enquête sur Elimane, bien qu'on veuille tout de même savoir ce qu'il est advenu de lui, n'est finalement pas le plus intéressant. J'ai aimé avant tout l'histoire de Siga D., l'aura mystique qui se dégage au sein même de l'intrigue, la psychologie des personnages.

Ce roman, quelque peu complexe dans sa structuration (notamment pour la narration à la première personne qui passe d'un narrateur à un autre sans crier gare) mais travaillé et abouti, nécessite clairement un minimum d'attention et de concentration, mais l'ensemble reste fluide et attrayant (presque) tout du long (sauf le livre premier en ce qui me concerne). J'ai tourné la dernière page avec une impression globale très positive.

Mohamed Mbougar Sarr a incontestablement un don d'écriture. Sa plume recherchée, minutueuse, riche se découvre avec délectation au fil des pages. Quelque peu alambiquée et pédante au premier abord, elle se veut finalement étoffée et stylisée. Je suis petit à petit tombée sous son charme et ai appris à l'apprécier de plus en plus au fil de ma lecture.

Si j'avais abandonné ma lecture pendant le livre premier, ce que j'ai failli faire plusieurs fois, je n'aurais pu dire que "Encore un Goncourt décevant !". Je pense pouvoir dire maintenant qu'il m'arrive peu souvent de rencontrer des plumes contemporaines aussi savantes, ce qui m'a certainement perturbée et lui a demandé un certain temps pour m'apprivoiser. En tous les cas, je me félicite d'avoir persévéré, car je crois bien que c'est la première fois que j'accorde autant d'étoiles à un prix Goncourt !
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Un pur exercice de style, voici ce à quoi se résume pour moi La plus secrète mémoire des hommes.
Mohamed Mbougar Sarr est érudit, il maîtrise la littérature française, c'est un virtuose des mots qui surfe sur leur vague avec aisance.
Ses critiques sur le milieu littéraire, son microcosme parisien, ses clins d'oeil malicieux au Goncourt ont manifestement été fort appréciés, et lui ont permis d'atteindre brillamment le Saint-Graal.
Oui mais, … cela suffit-il à faire un bon livre et surtout que cela apporte-t-il au lecteur ?
Alors que j'avais lu facilement la première partie de l'histoire, dans laquelle nous est racontée la quête par le jeune et brillant Diégane d'un mystérieux auteur africain, T.C. Elimane, mon attention s'est enlisée dans les chapitres suivants, j'ai eu du mal à me passionner pour tous ces différents points de vue qui finissaient par diluer l'histoire et les propos. Enfin, l'histoire, quelle histoire ? au final on ne sait plus très bien, on tourne en rond, et on se retrouve bien en peine de faire un résumé, tant tout cela s'étire sans fin, s'empile, comme un immense brouillon dont on ne serait pas parvenu à biffer les paragraphes surnuméraires.
C'est dommage, il y a de nombreuses fulgurances, des passages magnifiques (la lettre de Musimbwa est déchirante, criante de douleur et vérité), de belles phrases, parfaites pour les amateurs de citations.
Cependant, cela ne fait pas tout, et le style, la forme ont fini par primer sur le fond. Les pages sont alors devenues d'un ennui mortel, je me suis perdue, j'ai erré, fatiguée, lassée par ce labyrinthe de narrateurs, de lieux, d'époques, et j'ai eu hâte d'arriver à la dernière page pour passer à une autre lecture …
L'auteur a incontestablement un énorme talent, pas forcément judicieusement utilisé dans cet exercice très verbeux. Il m'a semblé avoir fait sienne la devise des Shadocks, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, et je n'ai pas l'impression que le lecteur y ait gagné quelque chose…
Simplicité ne nuit pourtant pas, je serai ravie de découvrir Mohamed Mbougar Sarr dans un ouvrage moins alambiqué que celui-ci. Comme en cuisine, les choses les plus simples sont souvent les meilleures …
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Les poètes ont un vieux truc pour lutter contre la panne d'inspiration : à force d'écrire que la Muse se détourne d'eux, ils finissent par accoucher des 14 vers règlementaires. Mohamed Mbougar Sarr a réussi un exploit du même genre : écrire non seulement un roman sur le roman mais celui-là même qu'on s'emploie à dénoncer.
À moins d'avoir vécu ces derniers mois dans une grotte particulièrement bien insonorisée, on sait que « La plus secrète mémoire des hommes » s'inspire de l'écrivain malien Yambo Ouologuem, prix Médicis 1968 pour « le Devoir de violence », qui disparut des radars après avoir été accusé de plagiat. Ainsi, le narrateur principal du roman de Mbougar Sarr met la main sur un livre ensorcelant dont l'auteur (d'abord encensé puis violemment pris à parti) a disparu et sur les traces de qui il va se précipiter.
Évidemment, nous ne lirons pas une ligne de ce roman culte (Mbougar Sarr est moins idiot que Joël Dicker !) et nous ne le connaîtrons que par défaut, grâce aux critiques qui le visent. Or les défauts relevés sont à la fois ceux du « Labyrinthe de l'inhumain » censé avoir été écrit par T.C. Elimane et ceux de « La plus secrète mémoire des hommes ».
Exemples (ah ben oui je sais, faut suivre) :
On reproche à Elimane de s'être enfermé « dans un vain exercice de style et d'érudition », Mbougar Sarr écrit des trucs du genre « l'entéléchie de la vie qu'incarnait la littérature ». On reproche à Elimane une intertextualité par trop affichée, Mbougar Sarr pastiche Rimbaud avec application en se lançant à la poursuite de la littérature (comme dans « Aube ») qu'il veut asseoir sur ses genoux (comme dans « Une saison en enfer »). On reproche à Elimane d'avoir écrit un livre violent, Mbougar Sarr nous trimballe de génocide en génocide. On reproche à Elimane d'être trop africain ? Mbougar Sarr saupoudre son roman de sorcellerie animiste en faisant mystérieusement mourir les critiques, faut ce qu'il faut.
Donc, « La plus secrète mémoire des hommes » ayant tous les défauts de l'oeuvre culte d'Elimane, on en déduit que ce roman en a aussi toutes les qualités ; que c'est malin ! Écrire un livre en creux et faire de son propre roman l'envers de celui fantasmé, ou plus exactement, d'ailleurs, son endroit : joli tour de force.
Oui, mais bon. Ce roman se veut aussi un biblicide (j'adore) : le livre ultime, celui qui tuera tous ceux passés et à venir en les rendant inutiles. Et là, ça se gâte. Parce que, en guise de littérature, Mbougar Sarr nous gave plutôt de ses théories. L'écrivain dans sa tour d'ivoire vs l'auteur engagé. L'écrivain cosmopolite réceptacle de la culture universelle vs le porte-parole de son peuple. L'artiste maudit vs l'auteur à la mode. le double romanesque de Mbougar Sarr, Diégane Latyr Faye, critique ceux qui veulent tout savoir d'Elimane et « dissiper le mystère de l'homme. » Lui, au contraire, demeure « attaché à celui de l'oeuvre ». Ben non. On ne saura jamais pourquoi les lecteurs du « Labyrinthe de l'humain » sont saisis d'extase en lisant ce livre. On ne verra jamais à l'oeuvre la force de ce roman, il ne changera personne ; car ce n'est pas la littérature qui est au centre de ce livre mais le littérateur.
Les critiques qui découvrirent le livre d'Elimane en 1938 le renvoyèrent à ses origines : « Rimbaud nègre », « Noir savant ». Son roman n'a pas été commenté au prisme de la littérature. Mais Faye, en se lançant à la poursuite d'Elimane ne fait rien d'autre, lui aussi, que de réduire l'oeuvre à son auteur. Il finit d'ailleurs par réduire son histoire à une allégorie : le roi tueur de vieillards ne serait autre qu'Elimane reniant son passé et sa culture. Ça, c'est de l'analyse ! Au secours ! Sainte-Beuve, sors de ce corps.
Reste un livre malin et bavard qui n'est biblicide qu'à la manière De Lagarde et Michard, qu'à la manière d'une anthologie: un vademecum et non une oeuvre, qui intéresse ou qui amuse, mais dont on sort absolument indemne.
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Ma critique n'apportera pas grand chose de plus à celles que l'on peut déjà lire sur Babelio, terriblement justes, qu'elles soient positives ou négatives. Il y a de tout dans ce livre. Une enquête sur un écrivain africain de l'entre-deux guerres qui va devenir une quête de soi pour plusieurs personnages dont on va suivre les itinéraires fragmentés en Afrique, en France, en Argentine. Je n'ai pas lâché le livre jusqu'aux dernières 150 pages où l'action tend à s'effilocher. Il y a beaucoup de choses dans ce livre, beaucoup de thèmes abordés, trop peut-être, et c'est son point faible. A force de vouloir nous éblouir, l'auteur noie son lecteur sous un flot d'informations, à mon avis, pas toujours nécessaires.
Cependant, je mets 4 étoiles pour le plaisir que sa lecture m'a procuré, mais aussi pour le brio dans la construction et le ton du récit.
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Ce récit est une quête, celle que mène Diégane Latyr Fayen apprenti écrivain qui, après la lecture subjuguante du Labyrinthe de l'inhumain de L. C. Elimane part à la recherche d'informations sur ce mystérieux compatriote encensé par la critique à la sortie de son livre en 1938 jusqu'à être qualifié de « Rimbaud nègre » avant d'être descendu en flammes sous l'accusation de plagiat. Dès lors l'auteur disparait.
Cette quête ou enquête va imbriquer de multiples récits : celui de Diégane bien sûr mais aussi ceux de Siga D. la nièce d'Elimane, celui d'Ousseynou Koumakh son oncle, aveugle doué de double vue et doté de pouvoirs de guérisseur, celui de Brigitte Bollème qui a écrit un article sur Elimane, de ces éditeurs Thérèse et Charles, les voix s'emmêlent au point que parfois la lectrice que je suis ne savait plus qui parlait. Les périodes aussi s'enchevêtrent : aujourd'hui, avant et après la 1ère guerre m., les années 30 et c'est pour le coup tout un contexte qui contribue à construire le portrait du romancier mystérieux : le Sénégal colonisé, le Sénégal d'aujourd'hui, les tirailleurs, les jeunes intellectuels qui montent à Paris et comme leurs aïeux morts pour la France rêvent d'être reconnus, acceptés pour leur valeur, le Sénégal des mythes et croyances…
C'est un roman riche et exigeant qui interroge sur les motivations de l'écrivain. Pourquoi écrire ? Pour qui ? Ecrire le livre ultime, le dernier livre, « celui qui engendre tous les autres ou que ceux-ci annoncent ».
C'est un roman qui rend hommage à Yambo Ouologem qui est le premier africain à avoir été récompensé du prix Renaudot avant d'être voué aux gémonies. Ce Malien dont le destin est si proche de celui d'Elimane s'il n'est son double à qui on a reproché de plagier lui aussi…
C'est un roman intrigant dont l'entrée est difficile car longue et verbeuse. C'est un peu rebutant comme entrée en matière. Mais heureusement, dès la seconde partie, je me suis laissée porter par l'intrigue grâce surtout à la voix de Siga D. qui nous embarque sur les traces des origines d'Elimane, qui mêlent mythes occidentaux comme celui des jumeaux rivaux à ceux du Sénégal, à sa magie et aux pouvoirs surnaturels qui guérissent ou qui tuent…
Ainsi chaque personnage ayant approché Elimane voire même seulement son oeuvre, semble hanté, poursuivi par une présence inquiétante, troublante. Cet homme fascinant reste une énigme même pour ses proches. Et si Mohamed Mbougar Sarr a légèrement soulevé le voile qui cache la vérité d'Elimane, cela m'a permis d'en découvrir quelques facettes et de laisser le soin à mon imagination de compléter les pièces manquantes.
Je n'irai pas jusqu'à dire que le personnage d'Elimane va me poursuivre moi aussi mais j'ai aimé attendre les révélations distillées au fil des différents témoignages, au fil des supports variés : conte, articles, lettres, journaux intimes… , d'attendre de découvrir où sa quête allait mener Diégane car il cherche bien plus qu'un auteur, il se cherche, lui, écrivain…
Merci pour cette Lecture Commune menée dans le cadre du Multidéfis 2022 en compagnie de @Mouche307, @Pas-chacha, @Tigo, @Fuyating, @Laurent81.
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Dans ce roman, l'auteur rend hommage à Yambo Ouloguem, auteur malien récompensé du prix Renaudot pour "Le Devoir de violence". le livre lui est d'ailleurs dédié.

Dans "La plus secrète mémoire des hommes" Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais, découvre à Paris un livre mythique "Le labyrinthe de l'inhumain", paru en 1938. Fasciné par ce roman, Diegane part à la recherche de son auteur T.C Elimane, disparu après des accusations de plagiat. On le suit au Sénégal, en France, en Argentine, à Amsterdam.

Ce livre amène des réflexions sur le pouvoir de la littérature, sur l'importance qu'elle peut avoir dans la vie, sur le devoir d'écrire ou pas. L'écriture est belle mais je l'ai trouvée confuse, j'ai regretté un manque d'unité. L'auteur mélange de nombreux styles, genres, un peu comme s'il voulait montrer toute la palette de son talent mais je trouve que cela perd un peu le lecteur. le vocabulaire est riche, j'avoue avoir découvert moult mots, surtout au début, mais n'est pas soutenu pendant tout le roman, beaucoup d'érudition donc dans ce livre, prétention ? me suis-je demandé parfois.

Beaucoup de thèmes aussi dont le colonialisme avec ses tragédies, le nazisme, la Shoah...

A l'image du titre d'Elimane "Le labyrinthe de l'inhumain", ce roman est un véritable labyrinthe de lecture.
Les narrateurs changent, on ne sait plus trop qui parle à certains moments, cela demande un petit effort de concentration, pas trop dérangeant quand-même. Des phrases à n'en plus finir parfois...

Le livre est dense, ambitieux mais pour moi, il y en a "trop". Mon avis est mitigé, j'aurais aimé plus de simplicité, de fluidité.
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