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3,8

sur 2910 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Rentrée littéraire 2021 #38

Chaque page de ce roman ruisselle de littérature, il l'expire et l'inspire sans jamais la présenter comme séparée de la vie, mais à l'intérieur de la vie. Dans La plus secrète mémoire des hommes, il n'est question que de livres, d'écrivains, de notre rapport intime à la littérature, de notre façon de lire les textes et de les recevoir. Ainsi présentée, on peut se dire que ce texte va être un peu poseur, sûrement pédant, assurément ennuyeux. Que nenni ! J'ai été complètement emportée par le souffle puissamment romanesque de cet éblouissant roman, envoutée même par une sorte de magie qu' infuse une prose inventive et flamboyante, en perpétuel mouvement.

C'est l'histoire d'une quête, celle d'un livre maudit. Dès qu'il le découvre, le jeune écrivain sénégalais Diégane, monté à Paris plein d'ambition, en est possédé. Il décide d'enquêter sur son mystérieux auteur devenu paria : T.C. Elimane, lui aussi Africain francophone, a connu la gloire en 1938 avant d'être balayé par une accusation de plagiat et de disparaître. Etait-il " un écrivain absolu ? un plagiaire honteux ? un mystificateur génial ? un assassin mystique ? un dévoreur d'âmes , un nomade éternel ? un libertin distingué ? un enfant qui cherchait son père ? un simple exilé malheureux qui a perdu ses repères et s'est perdu ? " Cette quête, au départ littéraire, se double très rapidement d'une quête existentielle : Diégane veut trouver l'Homme en lui, un sens à sa vie, une direction comme pour se ressusciter.

Le roman se déploie à travers un siècle d'histoire France / Sénégal, déambule à travers les fléaux du XXème siècle ( les tranchées de la Première guerre mondiale, la Shoah, la colonisation ), révélant à Diégane vérités et illusions. La construction très borgésienne de ce livre-monde est vertigineuse, multipliant les mises en abyme. Un jeu de pistes entre enquête policière, témoignages de ceux qui ont croisé Elimane et sont toujours hantés par lui, et roman initiatique, le tout saupoudré d'une touche de magie inquiétante et de fantastique étrange. Les légendes se fracassent les unes aux autres, les récits s'enchâssent, se mêlent pour tenter de cerner le fantôme de l'écrivain disparu, échafaudant très progressivement un portrait ambigu et parcellaire. La vérité est toujours plurielle dans cette structure polyphonique qui n'assène jamais mais laisse toute sa place au lecteur pour imaginer et douter sans pour autant jamais le perdre d'une époque à l'autre et d'un narrateur à l'autre, de France à Sénégal en passant par l'Argentine.

Cette narration labyrinthique rend parfaitement compte de l'histoire complexe des liens franco-africains, toujours avec subtilité, sans manichéisme mais fermeté lorsque est convoquée par exemple la mémoire des tirailleurs sénégalais. Surtout, le récit dépasse brillamment l'étouffante question de ce face à face Occident / Afrique pour ne parler que de littérature et de la condition de l'écrivain, à la fois magnifique et misérable. le roman rend hommage à cette littérature africaine d'expression française et redirige le regard vers Yambo Ouologem, écrivain malien qui a inspiré le personnage fictif d'Elimane. Il a été le premier romancier africain à recevoir le Prix Renaudot en 1968 pour le Devoir de violence qui suscite nombreuses polémiques car il remet en cause l'Afrique mythifiée célébrée par la poésie senghorienne et la Négritude. Accusé d'avoir plagié Graham Greene et André Schwartz-Bart, il choisit de vivre en reclus.

Un thriller littéraire palpitant, stimulant et malicieux d'une impressionnante maitrise. Sans déguisement ni futilité ( mais sans être dénué d'humour ), tout y est dense et fait sens pour construire un chant d'amour dédié au pouvoir intemporel de la littérature. Formidable !
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Edité par Philippe Rey, à qui nous devons déjà l'incontournable « American Dirt », « La plus secrète mémoire des hommes » est une bombe qui m'a bouleversé et marquera irrémédiablement la vie de ses lecteurs.

Ouvrage difficile, cet hapax est constitué de trois livres, formés de quatre biographèmes et huit parties rédigées avec des phrases occupant jusqu'à dix pages (rappelant « Zone » de Mathias Enard) qui m'ont sorti de ma zone de confort et enrichi de nombreuses consultations de dictionnaires. Mohamed Mbougar Sarr jongle avec les mots, dont il maitrise les moindres facettes, qu'il aligne avec aisance et musicalité en exigeant du lecteur une attention soutenue et un effort notable.

Dédié à Yambo Ouologuem, ce roman évoque « Le labyrinthe de l'inhumain », publié en 1938, accueilli diversement par la critique parisienne, puis accusé par la suite de plagiat, dont l'auteur T.C.Elimane disparut aussi mystérieusement que son oeuvre et ses critiques, tous « suicidés ».

Enquête sur trois continents et un siècle, l'intrigue parcourt les guerres mondiales, la colonisation, la faillite consécutive à la décolonisation, et croise des auteurs, des éditeurs, des musiciens, une famille sénégalaise, personnages aux patronymes multiples, dotés parfois de pouvoirs relevant de la magie, qui ensorcellent le lecteur en lui dévoilant les mystères africains.

Mais ce chef d'oeuvre est avant tout une réflexion de haute volée sur la littérature, la liberté (et les interdits) de l'écrivain, le regard de la critique (et ses liens mercantiles) et « l'alternative devant laquelle hésite le coeur de toute personne hantée par la littérature : écrire, ne pas écrire ».

Honoré du prix Goncourt 2021, ce jeune écrivain apparait très prometteur, et mérite un lectorat moins confidentiel que celui de T.C.Elimane, son désormais illustre "prédécesseur".
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Trois livres composent ce grand livre. Chaque livre se divise en plusieurs parties complétées par ce que Mohamed Mbouga Sarr, l'auteur, appelle des biographèmes, le tout étant un formidable hommage à Yambo Ouologuem, écrivain malien (1940 – 2017), lauréat du Prix Renaudot en 1968 avec le Devoir de violence. Premier romancier africain à recevoir une telle récompense, il fut accusé ensuite de plagiat, meurtrissure qu'il ne surmontera jamais vraiment.
La plus secrète mémoire des hommes tourne autour du dilemme qui hante tous les gens passionnés de littérature : écrire ou ne pas écrire.
T.C. Elimane, le héros du livre l'a fait. Il a publié le Labyrinthe de l'inhumain, oeuvre unique, magnifique, qui a suscité une grande admiration avant de déchaîner la haine de certains critiques l'accusant de plagiats. le jeune écrivain originaire du Sénégal, brillant étudiant qui avait tout sacrifié pour ce livre, ne s'en remettra jamais au travers d'une période de notre Histoire marquée par la Seconde guerre mondiale, les révoltes contre les dictatures sud-américaines et les tentatives de révolution en Afrique sub-saharienne.
C'est un jeune écrivain sénégalais, Diégane Laty Faye, qui découvre ce fameux Labyrinthe de l'inhumain, en août 2018. Si c'est autour de sa quête que s'articule le livre, je vais rencontrer beaucoup de personnages au cours de ma lecture, me perdre un peu, pour finalement retrouver mes repères grâce à un final bien mené.
Diégane commence sa quête avec Siga D. qui possède le livre et connaît bien les origines de son auteur. Elle est elle-même écrivaine, vit à Amsterdam, ses seins fascinent Diégane qui la nomme L'Araignée-mère.
En cours de lecture, je rencontre plusieurs écrivains francophones originaires d'Afrique, écrivains talentueux qui tentent de faire leur place et souffrent beaucoup d'un racisme qui, s'il ne s'affiche pas ouvertement, est bien présent.
Musimbwa en fait partie. Il est congolais. Comme il ne connaît pas le livre d'Elimane, Diégane le lui confie. Je rencontre alors une performance littéraire réussie bien que lassante : une phrase interminable s'étalant sur quatre pages et traitant des écrivains africains !
Au passage, je note des mots rares, signes d'un vocabulaire très riche comme les prolégomènes (notions préliminaires nécessaires à la compréhension), un schibboleth (mot venant de l'hébreu désignant ce qui ne peut être utilisé ou prononcé correctement que par les membres d'un groupe), un conseil consuétidunaire (synonyme de coutumier), ou encore des figures involucrées (corrompues), entre autres. Était-ce bien nécessaire, même s'il est toujours utile de découvrir des mots nouveaux de notre belle langue française ?
Le deuxième livre m'amène enfin au coeur du Sénégal où Ousseynou Koumakh (92 ans) est proche de la mort. Marène Siga raconte et commencent à se mêler passé lointain et présent. J'apprends beaucoup sur la vie d'un village sénégalais, ses rites, ses superstitions ou, tout simplement, le mode de vie de ses habitants. Beaucoup s'en contentent. Certains sont fascinés par la grande ville, Dakar, d'autres, brillants élèves, ne rêvent que de venir vivre à Paris, en France, ce pays colonisateur qui a tant bousculé et même détruit coutumes et traditions des différents peuples constituant ce pays.
C'est ainsi que le puzzle se met peu à peu en place, que je comprends un peu mieux pourquoi et comment Elimane est venu en France. le détail de ses origines familiales a beaucoup d'importance. Les nombreux retours en arrière, les récits qui se superposent et s'entrecroisent révèlent toute la diversité et la complexité d'une histoire ramenant toujours à la littérature et au besoin d'écrire.
J'avoue avoir eu du mal, souvent, pour savoir qui parlait, qui s'exprimait et j'ai pris cela un peu comme un jeu de piste, tentant de découvrir au plus vite, grâce aux indices donnés dans le texte, le nom de son narrateur. Mohamed Mbouga Sarr maîtrisant bien son sujet, réussit plusieurs fois à entremêler les époques et les narrateurs. Cela n'est pas facile pour le lecteur mais se révèle finalement passionnant.
Bien sûr, le lauréat du Prix Goncourt 2021, balade son lecteur aussi en Argentine après Amsterdam, l'essentiel se passant à Paris malgré une escapade dans le Lot puis en Normandie. Enfin, j'apprécie le retour aux sources, un final sénégalais dans ce village d'où tout est parti, où Diégane Latyr Faye retrouve vraiment la trace de celui qu'on appelait plus que Madag, le voyant. C'est beau, poignant et édifiant à la fois comme réflexion poussée sur la littérature et le métier – en est-il un ? – d'écrivain.

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J'arrive un peu après la « bataille », bataille entre celles et ceux, parmi mes amis Babelio, qui considèrent ce livre « La plus secrète mémoire des hommes » de Mohamed Mbougar Sarr comme un chef d'oeuvre et celles et ceux, toujours parmi les amis Babelio dont j'apprécie les critiques, qui l'ont détesté. Bataille entre les 5 étoiles et la demi-étoile, entre le maximum et le minimum. Et quelques avis, rares, plus tièdes, quelques rares entre deux. Une bataille qui souligne combien ce livre interpelle, divise, partage et qui m'a empêché un long moment de l'ouvrir, ce livre pourtant gagnant du Prix Goncourt, malgré le fait qu'il était là, depuis des mois, posé à mes côtés. Et je l'ai ouvert, comme ça, pour voir, me faire une idée du style ; j'ai été comme happée et me suis décidée enfin à plonger dedans…voilà le premier passage sur lequel je suis tombée, par hasard, et qui m'a décidé :

« La chambre : tu n'y étais pas encore entré qu'elle t'envoyait à la gueule son ventre : l'odeur de la vieillesse et de la maladie et de la faiblesse du corps dont toutes les pudeurs lâchent lorsque approche la fin. Je n'ai connu mon père que vieux. Je ne l'en ai que mieux haï, comme j'ai haï cette chambre qu'il ne quittait presque plus les dernières années de sa vie. Elles et lui avaient fini par faire corps. Je repense à mon père : avant que son visage d'aveugle apparaisse, c'est d'abord son odeur que je sens. Je la vois. Je la touche. Elle me saisit les tripes et me les retourne. Ensuite seulement l'odeur prend chair et cette chair devient le visage de mon père. Il m'a imposé son odeur de son vivant ; il me l'inflige encore depuis sa tombe. Fétide haleine. Crachats visqueux. Incontinence urinaire. Sécrétions anales. Hygiène sommaire. Inévitable pourrissement de l'ensemble. Mon père était une vieille charogne irregardable. de mon enfance à cette nuit où il m'avait fait appeler, je l'ai toujours connu ainsi. Nous étions en 1980, j'avais vingt ans, lui quatre-vingt-douze ».

Coup de poing. Et contrairement à ce que vous pouvez croire en lisant ce passage, il ne s'agit pas d'un nième règlement de compte d'un auteur envers son père, non, là c'est une femme qui parle ainsi dans ce livre, une femme qui détient une grande partie de la clé du mystère du livre et cette haine s'explique bien dans l'histoire. Mais quelle plume… !

Ce livre est une merveille, un prodige. C'est une labyrinthique mise en abime d'une histoire qu'il ne serait pas nécessaire de développer davantage, car, comme le dit Sarr « un grand livre ne parle jamais de rien, et pourtant tout y est ». C'est un précipice silencieux. A la fois presque rien si on se base sur l'histoire et tout si l'on considère les thèmes évoqués. J'ai pensé à Kundera en le lisant, Kundera en plus flamboyant et incandescent. le même genre de texte empli de méandres, le choc d'un gravier contre le pare-brise d'une voiture : au point d'impact se dessine une multitude de lézardes et à chaque ornière rencontrée sur la route, certaines s'allongent et se poursuivent plus que d'autres…mais au fur et à mesure du cheminement dans le livre, les lézardes forment comme une toile, une toile d'araignée. Elle m'a prise dans son filet en tout cas, je ressors bluffée. Des ondes concentriques vibrent sur le lac de mon âme…

C'est l'histoire d'un écrivain d'origine sénégalaise à Paris, Diégane, qui tombe sur le récit fabuleux d'un certain T.C. Elimane, auteur africain comme lui, dont le récit publié en 1938, « le labyrinthe de l'inhumain », avait évoqué la curiosité (comment un Nègre est-il capable d'écrire un lire aussi beau ? se demandait-on à l'époque) et la fascination puis qui disparut brutalement car accusé d'avoir plagié d'autres oeuvres, de s'être largement inspiré d'autres grands textes littéraires. Diégane, complètement sous le charme de ce texte maudit, se lance dans une quête effrénée pour connaitre et comprendre ce personnage, et se rend compte que d'autres personnes ont également été marquée à vie par cet auteur mystérieux, soit l'ayant connu soit, soit l'ayant également cherché. Qui était T.C. Elimane ? « Un écrivain absolu ? Un plagiaire honteux ? Un mystificateur génial ? Un assassin mystique ? Un dévoreur d'âme ? Un nomade éternel ? Un libertin distingué ? Un enfant qui cherchait son père ? Un simple exilé malheureux qui a perdu ses repères et s'est perdu ? »…au fur et à mesure de la quête, gonfle la puissance romanesque et le mystère du personnage…

Elimane plane sur tout le livre, sirène au chant mélancolique qui transforme chaque personnage qui tente de l'approcher en Ulysse, sans retour possible, perdu dans le labyrinthe de sa vie.

De ce point de départ somme toute simple : se pencher sur un auteur disparu qui a publié un livre hors norme en 1938, de cette bobine informe et à priori banale, nous tirons peu à peu des fils, chaque fil étant une voix, un réflexion lumineuse sur la littérature, sur l'écriture, sur la façon de lire un texte et de le recevoir, sur les racines, sur l'exil, sur les liens franco-africains, réflexions prenant corps soit dans des témoignages, soit dans des articles de presse, dans des enquêtes policières, dans des monologues, des rêves…tous les styles sont convoqués pour apporter une lumière sur cette histoire, selon des angles différents. Nous suivons un jeu de pistes sur lequel plane une touche de fantastique, de magie noire. Cette simple bobine de laquelle Sarr nous a conviés à tirer les fils, devient peu à peu pierre précieuse aux multiples facettes, aux couleurs plus ou moins sombres, plus ou moins vives. Un bijou taillé de façon magistrale dont chaque facette s'enchâsse avec harmonie avec les autres, mais qu'il est impossible d'admirer dans sa globalité, de cerner définitivement, tant le portrait se fait parcellaire au fur et à mesure de notre avancé. Une facette qui brille, c'en est une autre qui s'assombrit…

« Je pourrais convoquer ici le paradoxe de toute quête de connaissance : plus on découvre un fragment du monde, mieux nous apparait l'immensité de l'inconnu et de notre ignorance ».

Je ressors complètement envoutée par ce texte, émerveillée par la magie de cet auteur, par son art labyrinthique, par sa plume qui transforme chaque page en bijou de littérature, une littérature poétique, flamboyante, vivante. Ce livre va rester à mes côtés, il ne sera pas rangé sur une étagère, car je sais d'ores et déjà que je m'y replongerai de temps à autre pour y puiser matière à réflexion. Chapeau bas Monsieur Sarr !

« Les grandes oeuvres appauvrissent et doivent toujours appauvrir. Elles ôtent de nous le superflu. de leur lecture, on sort toujours dénué : enrichi mais enrichi par soustraction ».
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Le jeune écrivain sénégalais Diégane Latyr Faye vit désormais à Paris. Il y découvre un roman oublié, le labyrinthe de l'inhumain, qui fit brièvement sensation et scandale à sa parution en 1938, et dont on n'entendit plus jamais parler de l'auteur par la suite. Fasciné, Diégane se lance sur les traces de ce mystérieux T.C. Elimane, qualifié de « Rimbaud nègre ». Tandis que sa quête le ramène au Sénégal en passant par l'Argentine, il fréquente avec assiduité un cercle de jeunes auteurs africains, qui interrogent la création littéraire et la place de la littérature africaine.


A force de s'interroger sur ce qu'est un grand livre, il se pourrait bien que Mohamed Mbougar Sarr en ait écrit un. Car La plus secrète mémoire des hommes impressionne à plus d'un titre. Au travers d'une quête vertigineuse qui tient le lecteur en haleine, se déploient une réflexion dont l'intelligence n'a d'égale que l'humour, et une oeuvre dont l'inventivité rivalise avec la beauté de son écriture. Auteurs, critiques, lecteurs… Tous les acteurs tournant de près ou de loin autour des livres se retrouvent au coeur de cette histoire subtilement enroulée autour d'une interrogation existentielle : vivre ou écrire, écrire ou ne pas écrire, en somme être ou ne pas être. Et si, face à « l'incontinence littéraire » qui voit paraître le meilleur comme le pire, l'on peut se poser la question de la valeur de l'oeuvre et de la véritable ambition de l'écriture, l'auteur interpelle aussi plus spécifiquement quant à l'espace dévolu à la littérature africaine, et quant aux difficultés de cette dernière à s'imposer sans se plier forcément aux critères d'appréciation et à la vision du monde tels qu'ils prévalent en Occident.


Tout en multipliant les rappels historiques du déséquilibre de la relation franco-africaine hérité de la colonisation, dans des passages parfois émouvants lorsqu'ils évoquent par exemple les tirailleurs sénégalais engagés aux côtés de la France, le récit incarne littéralement l'aliénation africaine dans le personnage d'Elimane. Cet auteur prodige, encensé, puis anéanti par la critique occidentale, symbolise le drame d'intellectuels africains peinant à s'imposer sans renoncer à s'affranchir des canons de la pensée et de l'écriture occidentales. Il est clairement inspiré de l'écrivain malien Yambo Ouologem, premier Africain à recevoir le prix Renaudot en 1968 pour son livre le Devoir de violence. Cet auteur, dont la vision des rapports de l'Afrique et de l'Occident divergeait du mythe en cours à l'époque, souleva une telle polémique qu'il finit par se retirer dans la discrétion et l'oubli.


Alter ego de Diégane, l'auteur nous entraîne avec une aisance et une décontraction pleines d'humour dans un récit brillant à tout point de vue. La profondeur et l'élégance de la réflexion de cet amoureux des belles lettres, conjuguées à la virtuosité de sa construction romanesque et à la somptuosité de son écriture, m'ont séduite au-delà du coup de coeur.

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Un écrivain questionnant d'autres écrivains, ou critiques, ou éditeurs, à propos d'un livre oublié de tous: mise en abyme, (dont l'image est illustrée par les fromages Bonbel : une vache, aux boucles d'oreille de la boite de bonbel avec une vache, etc, etc,)
Avec le sujet principal : la littérature.
Les livres.
« La plus secrète mémoire des hommes », livre génial, lyrique, tout à la fois chronique, évocation de grands écrivains vrais et d'autres inventés, conte africain mêlant le surnaturel et la nature, constitue aussi, surtout, une réflexion sur le livre, qui perdure après la mort de ses lecteurs, sur le livre qui peut changer une vie, sur le livre qui semble avoir été écrit pour nous, comme tout livre essentiel, et sur le livre à écrire, sauf si l'on ne se croie pas à la hauteur et qu'on préfère se taire .

A l'aide de récits enchâssés, imbriqués les uns dans les autres, le narrateur principal écrivain part à la recherche d'un autre. L'un n'a rien écrit de bien, l'autre a eu un prix littéraire, a été encensé, puis, pour des raisons idéologiques, a été accusé de plagiat.
Mohamed Mbougar Sarr dans « la plus secrète mémoire des hommes »dédie son livre à Yambo Ouologem, (son modèle d'écrivain maudit, prix Renaudot, puis tellement vilipendé- au point que les éditeurs ont brulé leurs stocks et arrêté l'édition pendant plus de 30 ans -qu'il est reparti sans un mot dans les falaises de Bandiagara) dont il change la date de naissance, le pays, et le cours de la vie.

Eh oui, l'écrivain a ce pouvoir, changer le passé, qui pourtant pèse sur les humains. Reste le plagiat, et l'arrêt de l'édition, qui touche l'un et l'autre, les touche au point de disparaître dans le silence. Plagiat dont l'auteur démonte ici les basses manoeuvres et dont il montre les ravages opérés sur T :C Elimane/ Yambo, sans trouver la raison pour laquelle ils ne se sont pas défendus et pourquoi ils se sont définitivement enrobés dans le silence, pourquoi ils ont préféré la calomnie à l'innocence.

Il s'agit de la recherche du passé, ou plutôt des disparus : le grand père dévoré par un crocodile géant, le père, parti à l'instigation de Blaise Diagne défendre, en tant qu'artilleur Sénégalais un pays qui n'est pas le sien, le fils, parti faire ses études en France et rendant folle sa mère par son silence, puis l'autre fille des années plus tard. A ces déchirements, à ces disparitions, à cette recherche sur les traces de ceux qui ne sont plus, s'ajoutent les ruptures de gens qui s'aiment, mais ne peuvent continuer à vivre ensemble, les lettres écrites ou pas en ces temps troublés de 1940, nuit et brouillard, ou pas données à leur destinataire, hasards de la vie, ou plutôt destin.
Le passé nous habite, dit Mohamed Mbougar Sarr, il donne à l'homme la conscience indéfectible de ce qui a été fait et ne pourra se défaire. Les mots sont irrévocables. « M'excuser ? dit il. Cela n'aurait pas effacé les mots. Les mots non plus ne remontent pas le cours du temps pour s'empêcher de naitre. »
Les mots restent indélébiles et irrattrapables.

J'ai conscience de la difficulté que c'est d'essayer d'écrire sur ce labyrinthe, ce qui doit être mis en avant n'étant pas l'histoire, mais la manière savante de MM Sarr d'enchâsser les récits différents, ou récit rapportés par une deuxième, puis troisième personne, en les faisant parler à la première personne, car les prises de parole et les rendus de paroles s'enchainent les unes après les autres.

Monologue d'une phrase de 10 pages digne de Proust, réflexion sur le passé, sur la littérature, et caricature de ce doivent subir les écrivains africains jugés plus par leur couleur que pour leurs qualités littéraires, « eux qu'on sommait d'être africains mais de l'être pas trop, et qui, pour obéir à ces deux impératifs aussi absurdes l'un que l'autre, oubliaient d'être des écrivains, faute capitale. »

Voilà un roman complet, époustouflant par la philosophie qui s'en dégage, son intelligence. Si le narrateur pense que la femme écrivain qui lui offre le livre rare le pousse à écrire, c'est fait, il l'a fait, avec brio.
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Comme souvent avec moi, les évènements qui aboutissent à la lecture d'un livre sont multiples. Il y a d'abord forcément eu l'annonce que le Prix Goncourt 2021 était attribué à Mohamed Mbougar Sarr. Je ne guette pas avec impatience l'annonce des prix de la rentrée, mais en amoureux des livres, je ne peux être longtemps tenu à l'écart de l'information. J'avais aussi entendu que le Prix faisait partie de ceux qui avaient divisé les lecteurs. Pas suffisant pour me faire me précipiter chez le libraire, mais assez pour inscrire le nom du livre dans ma mémoire.

Autre circonstance beaucoup plus fortuite, mon épouse passe dans une friperie, un tas de livres abandonné et un peu abimés, la vendeuse lui dit qu'ils vont les jeter, elle peut les prendre si ça l'intéresse. Elle prend le tout, trois ou quatre livres et dedans évidemment La plus secrète mémoire des hommes, comme rongé à un coin par des souris, égratigné comme il le fut par certaines critiques.

Les circonstances m'obligeaient donc à prévoir une lecture prochaine et une inscription en livre A lire... et MaggyM en profitait pour me le choisir en lecture de challenge, la boucle était bouclée, le chemin du livre vers moi s'était tracé.

Je commençais donc la lecture et rapidement, l'enchantement. Un livre sur la littérature et les écrivains, recette facile mais diablement efficace pour intéresser les lecteurs. Un style varié, fait de très beaux morceaux de littérature, de passages parfois bien plus rentre-dedans, un auteur qui ne recule pas non plus devant la description des scènes de sexe, tout en finesse et sensualité.... L'évocation de nombreux noms d'auteurs africains me donne envie d'aller rapidement vérifier si ils sont totalement inventés ou plus directement inspirés d'auteurs réels... et sous un article consacré au livre, je tombe sur un commentaire, plussoyé par un autre lecteur, qui évoque "un auteur qui coche toutes les cases (Africain, musulman, anticolonialiste crachant sur la France), N'y a-t-il plus d'auteurs en France ?"... Je reste sidéré, me dit que c'est forcément quelqu'un qui n'a pas lu le livre, mais retrouve plusieurs commentaires du même genre un peu partout... Je revérifie la liste des Goncourt pour m'assurer que je vis bien dans le même monde que ces gens... Je suis rassuré, 4 auteurs que ces gens qualifieraient d'"étrangers" depuis 2000, les auteurs français cochent encore plus de cases, rassurez-vous messieurs...

La découverte de cette mouvance de lecteurs me fait comprendre une partie de la polémique du livre que je n'avais pas vraiment imaginé, comme quoi nous ne vivons en effet pas dans le même monde. En vérifiant sur Babelio, je me rassure un peu en voyant que les mauvaises critiques pointent des défauts plus littéraires selon eux.

Cela guide malgré moi ma lecture et je me confirme au fil des pages que le récit n'est aucunement anticolonialiste... mais qu'il vient bien sûr interroger l'influence de la colonisation et des apports culturels européens sur les auteurs africains. L'auteur ouvre le livre en évoquant la difficulté pour les auteurs africains d'être vraiment acceptés par la critique occidentale et surtout par ce qui est attendu d'eux ou ce qu'on critique particulièrement chez eux. Et j'ai trouvé amusant le fait qu'il semble tout le long du texte distiller ces attendus : les récits « exotiques » remplis de magie rituelle ; les mots extrêmement savants dont certains auteurs d'Afrique parsèment leurs romans, comme s'il fallait démontrer qu'on écrit mieux qu'un Français… Mais il y imprime aussi et surtout sa patte et démontre qu'il est un écrivain à part entière, loin des stéréotypes.

Et pour revenir à Babelio, c'est cette patte qui me semble avoir été mal comprise. Certains critiquent une certaine complexité dans le style, une difficulté à se retrouver dans les narrateurs qui brouillent les repères et perd le lecteur. Je conseille à ces lecteurs de ne jamais s'attaquer à Faulkner et de ne même pas approcher Joyce, de peur qu'ils leur donnent une note négative en étoiles… J'ai personnellement apprécié le choix des récits dans le récit, de ces narrateurs qui nous narrent ce que quelqu'un avait raconté à quelqu'un d'autre qu'il leur a ensuite retranscrit , comme une métaphore du rôle de passeur que remplit la littérature avec ses messages qui traversent les siècles en passant entre les mains des auteurs, les yeux des lecteurs et les bouches des critiques.

Parce que, au-delà d'une enquête à la recherche d'un auteur maudit à travers trois continents, au-delà d'un récit où l'on peut voir des auteurs africains exprimer des positions très variées et pas du tout stéréotypées sur les apports ou les erreurs de l'Occident envers leur continent, c'est surtout une vraie ode à la littérature que ce roman, parce que comme le dit si bien l'auteur, puisque « aucune blessure n'est unique », puisque tout « devient affreusement commun », la littérature est certes dans une « impasse » mais que c'est bien dans celle-ci qu'elle a « une chance de naître ». Pour ces mots, pour cette plongée avec son lecteur dans ce qui fait l'essence de l'humanité, Mohammed Mbougar Sarr coche toutes les cases de ce qui fait pour moi un lauréat mérité du Goncourt, en effet.
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Diégane Faye a quitté le Sénégal pour accomplir son destin d'écrivain. Lorsqu'il tient entre ses mains le labyrinthe de l'inhumain, roman d'un auteur maudit écrit quatre-vingts ans plus tôt, il est loin se douter de l'impact de cette découverte sur sa propre vie. Il s'engage presque malgré lui dans une enquête abyssale qui lui fera parcourir le monde à la recherche T.C Elimane, le mystérieux romancier banni.

Le mystère qui entoure l'histoire du roman encensé puis rejeté pour plagiat, ne se borne pas à une traque de l'auteur, mais aussi à de nombreuses interrogations sur les décès par suicide qui ont suivi cette affaire…

Tout est prétexte autour de cette intrigue à parler de la littérature, de la définir, de cerner ses limites, de mettre en évidence la subjectivité de ceux qui en jugent la valeur (la critique littéraire est un point central de cette analyse). Et tout cela est incrusté entre les lignes sans jamais susciter un sentiment de pédantisme ou pire, de copié-collé ! du grand art et la preuve d'une culture remarquable.

Les pérégrinations nécessaires pour pister l'auteur disparu permettant aussi de se plonger au coeur de la grande histoire, et d'aborder les questions du colonialisme, et des heures sombres de l'antisémitisme en France. Deux facettes d'un racisme appliqué et destructeur.

Le débat sur la question du plagiat revient sans cesse et est argumenté avec ferveur.

« Toute l'histoire de la littérature n'est-elle pas l'histoire d'un grand plagiat ? ».

Tout a déjà été écrit et le sera à nouveau. C'est tout l'art de l'écrivain de construire de la nouveauté sur les sédiments des oeuvres de ceux qui l'ont précédé. Avec discrétion :

« le labyrinthe de l'inhumain affiche trop ses emprunts. C'est son péché. Être un grand écrivain n'est peut-être rien de plus que l'art de savoir dissimuler ses plagiants et références »

Cette quête du sens riche et érudite est réjouissante et le succès amplement mérité.
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Consacrée par le plus convoité des prix littéraires, cette oeuvre d'un jeune écrivain sénégalais nommé Mohamed Mbougar Sarr suscitera autant de réactions d'incompréhension que d'avis enthousiastes. Nombre de lecteurs ne franchiront pas les cent premières pages. Bien qu'habitué à chroniquer chaque année le Goncourt, je m'y suis moi-même plongé avec un peu d'appréhension, imaginant pour je ne sais quelle raison un livre cérébral, trop intelligent pour moi.

Dans La plus secrète mémoire des hommes, le narrateur, Diégane, est un double de l'auteur. Il est sur la trace d'un écrivain compatriote, T.C. Elimane, tombé dans l'oubli après la publication en France, en 1938, d'un ouvrage mythique introuvable, le Labyrinthe de l'inhumain. Trois générations les séparent et ils ne se rencontreront pas. Diégane reconstituera les origines et le parcours de son devancier, grâce aux confidences d'une écrivaine plus âgée. Elle-même ne connaît Elimane que par ce que lui ont rapporté une poétesse haïtienne et une chroniqueuse française, croisées des années plus tôt. On dispose aussi des témoignages d'une danseuse nue, d'un couple d'éditeurs juifs, d'une mère sombrant dans la démence et d'un voyant nonagénaire non-voyant…

… Vous me suivez ? Il est vrai que la trame est compliquée et ce n'est rien à côté du texte. Sa lecture impose un effort d'attention soutenu. Sans trop s'embarrasser des transitions, MMS s'est fait un malin plaisir d'enchâsser des dialogues et des récits datant d'époques différentes à Paris, Amsterdam, Buenos Aires ou Dakar.

Une fois cette complexité surmontée, l'écriture est sublime. MMS sait décocher des mots inattendus, balancer des métaphores éblouissantes, tout en livrant une prose limpide, légère, accessible, dont les lignes et les pages défilent sans aspérités. le charme de la lecture est si captivant qu'on en perd par moment le fil général de la narration, comme on peut s'égarer, lors d'une belle promenade, quand nos sens nous font oublier le chemin.

Sous son nimbe poétique, La plus secrète mémoire des hommes est un roman, l'histoire d'un personnage de fiction, inspiré d'une histoire vraie. C'est aussi la réflexion d'un écrivain sur les écrivains, sur l'acte d'écrire, sur l'impératif d'un exil réel ou symbolique pour l'accomplir. C'est en même temps la quête d'un jeune écrivain africain francophone, qui s'interroge sur le dénominateur commun à ces trois qualificatifs : écrivain, africain, francophone.

Dans la France de 1938, la plupart des chroniqueurs littéraires trouvaient impensable qu'un Africain fût l'auteur d'un chef-d'oeuvre, sauf à avoir pillé des textes existants. Aujourd'hui soucieux de s'afficher dans l'air du temps, ils le portent d'office au pinacle médiatique. En Afrique, ce même écrivain francophone fera la fierté des siens… ou sera montré du doigt, pour avoir choisi de réussir selon des critères occidentaux, ceux de l'ancienne puissance coloniale. Question : le texte de Mohamed Mbougar Sarr est-il un plaidoyer pour la littérature universelle, ou recèle-t-il une revendication qui en réserverait l'accessibilité aux seuls lecteurs africains ? Autrement dit, ma chronique est-elle légitime ?

« Un grand livre ne parle jamais que de rien, dit l'un des personnages, et pourtant tout y est ». Tout ! MMS a mis tout ce qu'il a pu dans La plus secrète mémoire des hommes ! Notamment un long monologue obsessionnel à la Faulkner ou à la Bernhard, des pages qui surprennent, mais en l'occurrence légitimes. On y trouve aussi sur un strapontin les écrivains Gombrowicz et Sabato, et on se demande ce qu'ils viennent y faire. Même remarque pour l'officier nazi amateur de littérature ou pour la malédiction à la Rascar Capac. Des accessoires qui prennent trop de place ou pas assez.

La plus secrète mémoire des hommes est un livre riche, envoutant. Sa profusion, son questionnement, son lyrisme avaient de quoi séduire les jurés. C'est un livre exceptionnel – au sens d'exception –, mais il reste imparfait. le risque est pourtant qu'il ait absorbé tout le potentiel littéraire de l'auteur. Son inspiration est-elle renouvelable ou est-il déjà condamné à ne plus écrire, comme Elimane avant lui ?

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Ce livre est un cri, un appel lancé à cette coterie parisienne qui fait et défait l'honneur des écrivains. Est-il possible de juger un roman en faisant abstraction de l'identité de son auteur, de sa couleur, de ses origines ou de ses déclarations ? (p235) Peut-on s'enivrer d'un texte en s'affranchissant de l'espace et du temps ? Mohamed Mbougar Sarr mérite le Goncourt. Non pas parce qu'il est noir, africain et qu'il porte le prénom d'un prophète – oh la belle étiquette en ces temps de woke et d'inclusion. Mohamed Mbougar Sarr mérite le Goncourt parce que son livre est admirable. C'est tout ! Il y eut Texaco, il y aura « La plus secrète mémoire des hommes ».
T. C. Elimane, le héros, est un génie apatride, précoce et mystérieux.
« Qui était-il ? Un écrivain absolu ? un plagiaire honteux ? un assassin mystique ? un dévorateur d'âmes ? un nomade éternel ? un libertin distingué ? un enfant qui cherchait son père ? ». Sa vie et l'écriture de son envoûtant « le labyrinthe de l'inhumain » constitue la trame d'un roman mené comme une enquête. L'occasion d'interroger l'Histoire et le traitement qu'elle a réservé aux poètes nègres, curiosités exotiques pour les membres d'un sérail colonialiste peu enclins à les créditer du talent (p72-73). L'occasion aussi de s'interroger sur le sens de la littérature : « nous ne pensions pas du tout qu'elle sauverait le monde ; nous pensions en revanche qu'elle était le seul moyen de ne pas s'en sauver ».
La question récurrente du texte de Mohamed Mbougar Sarr est la suivante : pour abattre un système, faut-il mener la révolution, chercher l'affrontement ou est-il plus efficace de l'infiltrer, usant de la ruse et du mimétisme ? Il semble que ce dilemme obsède l'auteur, aux aguets, prêt à se repaître de la reconnaissance de ses pairs occidentaux tout en se méfiant, le verbe amer, de leur enthousiasme trompeur.
Écrit dans une langue magnifique, intelligente et sans complexe, « La plus secrète mémoire des hommes » dépoussière avec brio cette rentrée littéraire.
Bilan : 🌹🌹🌹
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