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Alain Golomb (Éditeur scientifique)
EAN : 9782869595439
294 pages
Arléa (30/11/-1)
4.48/5   54 notes
Résumé :
Les Lettres à Lucilius constituent sans discussion le chef-d'oeuvre de Sénèque. Elles sont un fleuve souterrain qui a nourri certaines vies de ses limons. Nombreux sont les rands auteurs qui ont puisé en elles la plus essentielle des leçons : apprendre à vivre. Montaigne ne les cite pas moins de deux cent quatre-vingt-dix-huit fois dans ses Essais qui leur ressemblent tant. Des premiers chrétiens éblouis (Tertullien, saint Augustin...) jusqu'à Henry de Montherlant o... >Voir plus
Que lire après Apprendre à vivre : Lettres à LuciliusVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
À la seconde où j'écris ces lignes, des milliards d'informations transitent par internet. le moindre battement de cils peut-être capturé par une caméra, votre position sur cette planète peut être géolocalisée par une armée de satellites et le timbre de votre voix est susceptible d'être enregistré, à tout moment, par le micro de votre smartphone. Notre être est scruté sous toutes ses facettes avec notre accord tacite. Que cela soit par inconscience, crédulité ou peurs en tout genre, nous sommes devenus asservis à la sacro-sainte technologie. Elle est notre nouvel horizon indépassable. Nous nous inclinons naïvement devant ce nouveau dieu et nous lui offrons notre servitude la plus volontaire. Un des effets de bords est que l'Homme, pour la première fois de l'Histoire, est acculé par la rapidité des évolutions technologiques. À peine a-t-il le temps de comprendre grosso modo ce qui lui arrive, que de nouvelles options entrent, de gré ou de force, dans son quotidien. Là où, autrefois, il contrôlait les machines, le voici soudainement à se rendre esclave d'elles. Ce talon d'Achille est du pain béni pour les créateurs de gadgets pseudo-révolutionnaires qui, grâce à un matraquage publicitaire intensif, tirent sur de vieilles ficelles usées jusqu'à la corde mais qui continuent de fonctionner à merveille: Les peurs, les passions et la modernité. “Si tu n'achètes pas le tout dernier Floutch3.0 qui te rendra puissant, alors tu fais déjà partie de l'ancien monde. Au revoir”. Drôle d'époque où l'être humain se marchandise lui-même sous le joug de la technologie. 😉

Il ne tient qu'à nous de ralentir cette folle agitation qui a tendance à émietter notre existence. Et pourquoi pas en relisant des classiques de la philosophie tels que les Lettres à Lucilius. Je vous livre ici une petite analyse de cette correspondance épistolaire qui pourrait nous donner des pistes pour mieux vivre.

Il convient d'abord de dire un mot sur l'auteur de ces lettres, Sénèque. Il naquit à Cordoue en – 4 avant J-C et mourut à Rome en 65. Conseiller à la cour impériale romaine sous Caligula avant d'être forcé de s'exiler en Corse sous le prétexte d'un adultère avec la soeur de ce même Caligula. Il reviendra, des années plus tard, en tant que magistrat dans la cité éternelle avant d'être le précepteur de Néron. Une relation qui ne tardera pas à tourner au vinaigre puisque l'empereur finira par haïr Sénèque au point de vouloir l'empoisonner dans un premier temps et ensuite de le contraindre au suicide.

En plus d'être un homme d'État, Sénèque était dramaturge et philosophe stoïcien. À travers des dialogues ou des correspondances imaginaires, il prônait une neutralité à toute épreuve que cela soit en rapport avec l'argent, l'amour, la vie ou la mort. Nous sommes d'ailleurs en droit de nous demander si les belles paroles de Sénèque, que l'on retrouve, entre autre, dans les Lettres à Lucilius, avaient une portée réaliste tant la vie du philosophe était tout sauf indifférente.

Les cent vingt-quatre lettres qu'écrivit Sénèque au jeune Lucilius, alors gouverneur de Sicile, sont autant de conseils où le philosophe expose sa vision d'une vie paisible. Aucune trace d'un envoi ni aucune réponse de Lucilius ne prouve que cette correspondance fut réelle. Il semblerait que ces lettres soient non seulement destinées à un lectorat plus large mais aussi à Sénèque lui-même puisqu'il indique ceci dans la lettre VIII :

“ Je me suis non seulement écarté des hommes mais des affaires, et avant tout de mes propres affaires. Je travaille pour les hommes qui viendront. C'est pour eux que je consigne des choses qui pourront peut-être leur être utiles. Je leur adresse par écrit des avertissements salutaires, d'utiles préparations médicinales en quelque sorte, après en avoir testé l'efficacité sur mes propres blessures. Si elles ne sont pas complètement guéries, au moins ont-elles cessé d'empirer. ”

En écrivant ces lettres, c'est lui-même que l'auteur romain exhorte au stoïcisme. On peut lire, en filigrane, ses erreurs et faiblesses ainsi que sa définition d'une vie meilleure. Sénèque ajoute aussi la manière à son propos puisqu'il était un parfait rhéteur, il parvient, en utilisant savamment le langue, à créer une foule de maximes à l'intérieur de ses lettres qui font toujours mouche à notre époque. de plus cette écriture sous forme épistolaire fait en sorte que le lecteur a l'impression que Sénèque s'adresse directement à lui et susurre ses sages conseils au creux de l'oreille.

Les thèmes abordés dans ces lettres sont vastes et variés. Il y a le temps, la richesse, la foule, la vieillesse, la souffrance, le corps, l'activité physique, la reconnaissance, la servitude, les plaisirs, la cuisine, etc. Sénèque dissèque la vie et donne son avis de stoïcien sur chaque élément. D'après l'auteur romain, l'existence dans son ensemble doit être la plus indifférente que possible. Il ne faut pas, par exemple, chercher à se distinguer mais simplement à “être”. Il faut se contenter du strict nécessaire, avoir une activité physique qui ne vide pas la tête mais qui, au contraire, renforce l'esprit ou encore manger des choses simples, sans fioritures.

Et c'est peut-être là que le bât blesse puisque malgré ses exhortations, Sénèque n'était pas vraiment celui qu'il conseillait d'être. Sa vie fut loin d'être indifférente et discrète. Faites ce que je dis, pas ce que j'ai fait 😉. La philosophie stoïcienne a sans doute le défaut de son avantage, elle est trop belle pour être réaliste, trop ambitieuse pour être pratique.

Il n'en reste pas moins que les conseils, que l'auteur romain égrène au fil des lettres, questionnent notre époque qui est l'exacte opposée de ce que préconisait le stoïcisme de Sénèque. Nous ne cessons de nous précipiter tous azimuts mûs par la peur, l'envie, le désir de paraître, sans nous arrêter un instant et faire réellement le tour de soi-même. À ce titre, lire ou relire ces lettres n'est certainement pas vain.

“ Il a bien recueilli les fruits de la sagesse, celui qui meurt aussi tranquille qu'au jour de sa naissance. Tandis que nous, nous tremblons à l'approche du danger. Plus aucun courage ; nous changeons de couleur, nous versons des larmes inutiles. Quelle honte ! Être inquiet au seuil de la quiétude ! La raison, la voici : dépouillés de nos biens, nous souffrons d'avoir gaspillé notre vie. Elle ne nous a rien laissé d'elle, elle a passé, coulé. Tout le monde veille non à bien vivre mais à vivre longtemps, alors qu'en fait il est donné à tout le monde de bien vivre, mais de vivre longtemps, à personne. “
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Sénèque offert à nos yeux de lecteur du 21è siècle est un régal dû au choix et à la traduction proposée par Alain Golomb. En « modernisant » le langage, le pari de rendre ces lettres judicieusement choisies percutantes et hors des sentiers scolaires est réussi.
La préface d'Alain Golomb nous place au coeur même de la modernité de ces écrits. On y sent aussi l'immense respect qu'il porte à cet auteur.
Plusieurs lectures s'offrent à nous et combien sont d'une évidence à faire frémir lorsqu'on pense qu'elles furent écrites aux alentours de l'an 63-64 de notre ère.
Flotte continuellement une petite phrase insidieuse : comment l'homme n'a-t-il (ou à peine) rien retenu de ces leçons ?
Sagesse du stoïcien dont la vie d' « homme de bien » égale le courage qui lui permettra d'affronter dignement la vie et ses contraires, la vie et ses épreuves, la vie et la mort.
Enseignement subtil devant les grossièretés, les ambitions mal placées dans lesquelles l'homme se laisse entraîner.
Force du présent bien vécu dans une réalité consciente et sans poursuite d'un futur incertain pour combler le vide des jours.
Choix d'une vie pleine et accomplie et non d'une vie longue d'années creuses et vaines.
Conscience du danger de l'homme pour l'homme, apprentissage de la primauté du retrait en soi, pas de provocations inutiles, souci du paraître naturel, conscience de la force qui nous porte et permet de dépasser souffrances, maladies et surtout peur de la mort qui empoisonne le flux même de la vie.
Une sagesse puissante pouvant apparaître dure parfois noire mais dont, à la lecture, des sédiments envahissent notre envie la plus forte, celle d' « Apprendre à vivre ».
Que dirait Sénèque en contemplant notre société ? Quelles leçons avons-nous tirées de cet homme qui déclara « Je travaille pour les hommes qui viendront ? »
Les défauts éternels des hommes continuent et s'en donnent à coeur joie : ambition, envie, désir, paraître, malbouffe...
Voilà un livre à offrir, à diffuser, à lire et relire, à placer de manière visible dans sa bibliothèque. Il rappelle à l'ordre, déstabilise, et pour employer un terme bien de notre époque « booste ».
Il fait aussi sourire voire rire dans certains passages savoureux dont la lettre XCV est à conseiller à tous les dévoreurs de nourriture inutile. (je pense à « on est foutus, on bouffe trop »).
Art de la simplicité, détachement, refus du paraître, primauté des valeurs sur la consommation tous azimuts sont les maîtres mots de ce choix de lettres, sans oublier l'aspect historique de la société romaine.
Art de la Sérénité.


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Recueil de 124 lettres de Sénèque adressées à son ami Lucilius, j'ai également lu ces dernières dans leur version originale, en latin et je me rappelle de leur complexité de traduction (je suis en effet tombée sur la lettre 8 lors de mon oral de latin pour le Bac et j'ai obtenu la note de 16/20, l'une de mes grandes fiertés). Néanmoins, une fois la traduction établie (vous, chers lecteurs, vous n'aurez pas ce souci là puisque cet ouvrage est en français), cet ouvrage, uniquement constitué de lettres, constitue en réalité un véritable manuel de philosophie (ici, le courant concerné est celui du stoïcisme). Il fait référence aux troubles que connaît Rome à l'époque sous le règne de Néron et se pose de nombreuses questions existentielles auxquelles il tente d'apporter une réponse. Ce livre m'a beaucoup touché car ces questions, chacun d'entre nous se les ai posées où se les posera à un moment de sa vie comme celles du sens de la vie, de la mort ou encore de savoir s'il existe une Dieu. Superbe ouvrage, à découvrir !
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« Apprendre à vivre : lettres à Lucilius » est un formidable ouvrage d'une puissance inouïe définissant à lui seul le coeur de la pensée stoïcienne.

Sénèque se répète il est vrai souvent usant de différentes métaphores d'une élégance rare pour réaffirmer plus fortement sa théorie.

J'ai eu quelques fois un peu de mal à tomber d'accord sur les passages ou il recommande l'insensibilité par rapport à un deuil ou à une grande douleur physique qui pour moi de toute manière marquent de manière indélébile quelle que soit la volonté consciente qu'on peut mettre à les combattre.

Pour autant dans un monde ou la recherche infinie du profit, l'individualisme forcené et la société de consommation la plus compulsive possible, rendent au final les gens riches matériellement mais pauvres spirituellement et souvent malheureux, la philosophie de Sénèque me paraît receler toutes les armes permettant de combattre toutes ses dérives en menant une vie simple, à son propre rythme en retrait et centrée sur son développement intérieur.

Vivre sa vie le plus pleinement possible en se concentrant sur le présent me paraît être une formidable façon de voir les choses.

Ce livre formidable recèle donc peut être toutes les clés d'une vie équilibrée et heureuse, mais combien de personnes le savent ?

A part les étudiants, les enseignants et les chercheurs, qui lit Sénèque aujourd'hui ?
Lien : https://lediscoursdharnois.b..
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Se développer en lui-même, accepter les divers fruits de dame contingence, ne pas se soucier de ce qui arrivera, laisser un temps futur venir se présenter, ne plus se préoccuper d'un temps passé, le laisser s'éloigner sans chercher à le retenir. Se déployer en rapport avec un seul présent. Ne pas donner champ libre à une récolte de biens ne dépendant pas de lui-même. Accueillir la vie tel un même événement se déroulant en variant ses formes, éviter de se charger d'un fardeau inutile à porter. Adopter l'honnêteté comme vertu cardinale. Accepter de participer momentanément à un univers qui lui aussi disparaîtra. Ceci et d'autres recommandations d'un ami à un ami, peu de temps avant sa mort, un, deux étés. Par Sénèque, précepteur de Néron qui lui ordonnera de se suicider, lui, un sage au sens antique du terme, qui se tranchera les veines dans un bain chaud, devra s'y reprendre à plusieurs reprises et expirera au milieu des siens. Drôle d'époque romaine, vers 65 après J.C. Epoque à présent loin de nous, époque d'où nous parviens ces lettres à Lucilius. Quel usage aujourd'hui ? Tout d'abord, bien considérer un mouvement philosophique, une attitude de pensée: le stoïcisme: il y a plusieurs stoïcisme. Ici, invitation à consulter l'histoire de la philosophie d'Emile Bréhier, grand spécialiste du stoïcisme dans les années 30 du siècle passé. le stoïcisme: une philosophie de l'événement. Tout accepter sans rechigner. Conserver son calme, ne pas s'agiter en vain. Sans sombrer dans du fatalisme, vivre le plus indépendamment du monde, loin de ses turpitudes, trouver en soi quelque chose d'inaltérable: la vertu de l'honnêteté, le suprême bien. Un bien uniquement dépendant d'une culture quotidienne. Petit ouvrage à lire pour se rendre compte qu'au fond, nombre de choses à notre époque de consommation effrénée participe de ces choses inutiles à cultiver sous peine de se transformer en chien, une gueule ouverte, jamais rassasié de ce qu'on lui balancera au fond du gosier. A méditer.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
La meilleure preuve d'un esprit équilibré, c'est, me semble-il, de savoir se poser pour demeurer avec soi- même.
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L'essentiel de la vie s'écoule à mal faire, une bonne partie à ne rien faire, toute la vie à faire autre chose que ce qu'il faudrait faire.
Saisis-toi de chaque heure.
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L'abondance de livres nous disperse. Si tu es incapable de lire tous les livres que tu possèdes, qu'il te suffise de posséder ceux que tu es capable de lire.
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La vie, c'est une pièce de théâtre : ce qui compte ce n'est pas qu'elle dure longtemps mais qu'elle soit bien jouée.
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Quand tu auras désappris à espérer, je t'apprendrai à vouloir.
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Videos de Sénèque (5) Voir plusAjouter une vidéo
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