Il y a des livres qu'il faudrait peut-être singer pour arriver à en parler convenablement, comme celui-ci, logorrhée ininterrompue d'histoires intimes, de noms et de lieux, sans retour à la ligne ni découpage en chapitres, tant ces vies, leur déroulement tragique, semblent inextricablement liées, enfonçant le lecteur dans une sorte de transe mémorielle, où le présent détruit le passé pour arriver à exister, tout en s'en réclamant sans cesse, traumatismes, résumant si bien l'histoire éternellement tragique de ce peuple-état, de ce creuset de l'occident et du monde, de cette résurgence historique qui jamais ne mourra tant qu'il y aura des Hommes, si admirables et détestables à la fois, faisant de son auteur le réceptacle de petits et de grands destins, effectuant ce nécessaire travail d'humaniser ce qui nous apparaitrait comme une masse homogène, une Histoire-bloc ; ce sionisme, tour à tour marxiste ou bien révisionniste, l'ombre des camps en moins, les tours de bétons remplaçant peu à peu les cabanes, les communautés réduites à des voisins de paliers, ces familles réunies qu'aux enterrements, leurs conversations peinant à s'extraire des ressentiments.
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Livre pénible, donc, mais nécessaire, où l'on aimerait beaucoup s'extraire de ce flot inexorable de phrases-personnages, à qui il manque sans doute le caractère visuel d'arbres généalogiques, de vignettes dans des albums poussiéreux, où les rapports entre les uns s'effacent au profit de ceux des autres, laissant le lecteur secrètement muet de stupeur.
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On était pourtant prévenu, l'éditeur faisant tout de suite référence à
Proust et Joyce, signifiant dans leur langue commerciale une certaine difficulté formelle, qu'ils nommeraient « ambition », traiteraient « d'important », bref, on aurait sûrement dû se méfier ; d'autant plus après cette préface évoquant les Variations Goldberg comme paradigme, emplissant les sens du lecteur d'une divine mélopée, sans cesse recherchée dans ce texte, lui ne s'embarrassant pas franchement d'une écriture musicale.
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Le fil se perd parmi toutes ces histoires, s'accrochant tant bien que mal à ses trois personnages principaux, chacun représentant sans doute une simple voie humaine, un individu et ses failles, sa faible monstruosité face au reste des autres, l'un se nommant simplement Israël.