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EAN : 9782940628698
240 pages
Editions des Syrtes (21/01/2021)
3.89/5   19 notes
Résumé :
La Fatigue du matériau est LE roman de la migration. Une géographie de la peur qui exhorte ses lecteurs à se mettre dans la peau d’un migrant. Ici pas de réflexion politique, économique ou jugement moral, car “c’est un livre volontairement physique, chaque phrase interpelle le lecteur, et l’oblige à vivre avec le héros”. La force du roman du prometteur écrivain tchèque, Marek Šindelka, tient dans le fait que le lecteur ne consomme pas l’histoire mais la vit profondé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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•PARTIR POUR VIVRE•
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🦊 Migrer pour éviter le pire. Parfois galvaudée, ou clouée au pilori, la migration fait partie de notre humanité. Nos ancêtres, mes parents, mes grands-parents ont migré. Qui peut se targuer du contraire ? Nous sommes tous des migrants. Certains par envie, d'autres par nécessité. Pour fuir la guerre, un régime dictatorial ou des exactions, il fallait partir pour continuer de vivre. Écrit en 2016 au coeur d'une actualité migratoire foisonnante, mettant à mal les droits de l'Homme et libertés fondamentales, la décence des gouvernements respectifs qui traitaient le sujet comme du bétail, la fatigue du matériau est un roman aux confins de la suffocation. L'Europe, eldorado pour beaucoup d'âmes en peine, chemin de traverse où le rêve d'une vie meilleure est à portée de rames. Avec Amir vous ne ne chanterez pas « youhou hou hou » cette fois. Avec Amir vous irez dans la tête d'un homme et de son frère au plus profond du matériau•••
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🦊 Ne mangez pas pendant une journée, ne buvez pas, passez de nombreuses heures sous le capot d'un camion et nous relativiserons nos souffrances au quotidien si futiles. Ce roman est une course d'endurance. Non seulement pour ces deux frères mais également pour le lecteur. Deux frères dont on ne connait ni le passé, ni la situation géographique, qui devront survivre. Chaque scène est extrêmement visuelle, olfactive voire sensorielle. le travail de Christine Laferrière dans sa traduction paraît phénoménale tant la langue tchèque de Marek Sindelka est riche et dense. Vous allez humer, sentir, ressentir, être en immersion totale. Dans la tête de deux frères qui veulent s'extirper de leur condition actuelle, avec une volonté qui fera endurer à leur corps et leur esprit de multiples douleurs. le rythme rapide donne du corps aux éléments, et en même temps chaque détail compte. Chaque parcelle de vie est étudiée sous ses moindres recoins. Comme si le devoir d'humaniser ceux qui migrent (vous noterez l'absence du mot migrant qui dans la bouche de certains sonneraient comme une insulte) était une nécessité absolue. Elle aurait du couler d'elle-même, eux qui échouent sur les plages, que l'on compte comme un troupeau de vaches et dont on ne prend que bien rarement la mesure de ce qu'ils sont•••
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🦊 Plus qu'une histoire c'est d'abord une plongée quotidienne dans le destin de ces deux frères. N'attendez pas un début, un milieu et une fin, vivez. Seulement, vivez dans la peau de ces individus qu'on déclasse, par fainéantise, par peur, par désarroi ou par absurdité. Souvent à géométrie variable la migration écoeure par son absence d'humanité. Et si demain c'étaient vous les migrants ? Si une pandémie mondiale vous obligeait à vous exiler ? Quel migrant seriez-vous ? Seriez-vous assez solides mentalement et physiquement pour endurer ce qu'ils vivent actuellement ? Ce roman est aussi par de nombreux aspects le reflet de notre société et la façon dont on traite certains individus. Jusqu'où le corps humain peut-il aller pour vivre ? A quels sacrifices est-il prêt ? Et vous ....?•••





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Marek Sindelka a 37 ans et n'en est pas à sa première publication. Poésie, nouvelles et un premier roman « L'erreur » font de lui un auteur qui compte et a déjà été primé plusieurs fois. A peine traduit, ce roman-ci, paru en 2017 dans sa version originale, a reçu en 2018 le Cutting Edge Award pour le meilleur livre traduit.

« La fatigue du matériau » est un roman ancré dans la situation géopolitique actuelle. Nous suivons deux frères, Amir et « le garçon » ; nomades et déracinés, ils tentent de survivre après avoir quitté leur communauté pour rejoindre l'Europe, où ils espèrent commencer une vie nouvelle. Nous suivons le parcours de chacun après que le plus âgé, Amir, se retrouve séparé de son frère. Après une première traversée clandestine réussie, il se prépare à une seconde qui doit le mener en Europe. Parallèlement, le plus jeune, jamais nommé, raconte son périple en plein hiver après avoir fugué d'un centre de rétention où il attendait depuis des mois.

Ces deux récits s'inscrivent dans un cadre spatiotemporel différent (et non géolocalisé) et relatent deux parcours différents. Mais on retrouve en chacun les mêmes souffrances : la peur, la fatigue, la faim, le froid, la douleur et cette angoisse lancinante et permanente de savoir de quoi sera fait demain. L'un est isolé en pleine forêt à la recherche d'une zone d'habitation où se réfugier, l'autre est en pleine mer à la merci des éléments. Deux récits de force, de volonté surhumaine pour rester en vie, deux récits qui ne peuvent que susciter l'empathie et le respect pour toutes les souffrances endurées.

L'écriture est vive, les phrases courtes, traduisant l'immédiateté, la vivacité de réaction nécessaire pour survivre. Les descriptions sont nombreuses, dans leur solitude, les frères observent ce qui les entoure. Mais ce qui m'a frappé, c'est la distance que l'auteur choisit de mettre entre ses personnages et le lecteur. J'ai eu la désagréable sensation d'être un voyeur observant deux êtres se débattant dans un monde violent et injuste sous le regard indifférent des autres, mieux nantis.

Ce roman dur décrit la crise migratoire actuelle, crise politique qui ne grandit aucun état et crise humanitaire qui voit chaque jour périr des milliers de personnes. Un sujet sensible mais ô combien indispensable à traiter en ce moment.

Merci aux éditions des Syrtes pour l'envoi de ce roman. Je ne peux que vous conseiller sa découverte.
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(Lu dans le cadre d'une opération Masse critique, mille mercis à l'éditeur et à Babelio pour cette lecture)

Un énorme coup de coeur que cette lecture… malgré une grande déception avec cette fin qui n'en est pas une. Je peux comprendre ce choix de l'auteur, qui est d'ailleurs cohérent avec sa volonté de se concentrer sur le présent du trajet vers l'Europe sans s'étendre sur le passé et l'avenir des personnages, mais j'ai toujours beaucoup de mal avec ce genre d'histoire inachevée. Pour moi, la chute d'un récit est primordiale, c'est après tout la toute dernière chose qu'on lit avant de refermer un livre et qu'on gardera à l'esprit. Elle se doit donc de nous mener à un instant où on peut quitter ce récit en ayant l'impression d'avoir achevé quelque chose. Ca m'a d'ailleurs gâché plus d'une lecture, au point de baisser considérablement mon appréciation sur certains livres. Ici cependant, le niveau général du roman est largement assez haut pour ne pas en être trop pénalisé, et je ne peux décemment pas passer sous les 4 étoiles !

Car donc, à part ces dernières pages qui ne m'ont pas convaincu, ce récit est pleinement réussi : on est immergé dans le parcours de ces deux frères auxquels on s'attache fortement, même si on ne connaît presque rien d'eux, pas même le prénom du second. A l'image des frères Dardenne qui suivaient leur personnage caméra vissée sur la nuque dans je ne sais plus lequel de leur film, on suit ces deux jeunes dans leur périple en vivant avec eux les affres de leur migration sans jamais les lâcher.

Clairement ce livre n'est pas fait pour nous divertir, tant l'adversité s'acharne tout au long de leur parcours, et se traduit physiquement. La fatigue du matériau dont parle le titre du livre, c'est en effet celle du corps, brutalisé par les passeurs, les coups, le froid, la faim, et partout la peur. Les deux jeunes héros de l'histoire vivent ces évènements de façon viscérale, et les lecteurs sont pris aux tripes tout au long de ce court récit. Mais en fallait-il plus, après tout je n'en suis pas sûr, c'est déjà beaucoup d'émotions pour un si court livre (à peine plus de 200 pages).
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Deux jeunes frères ont fui un pays en proie au chaos, où ils n'avaient plus personne, où ne restaient que ceux qui n'avaient nulle part où aller. Ils ont grandi dans la guerre, et pris précocement conscience du lien terrible, fanatique, avec lequel la vie s'accroche au corps.
Ils ont donc migré vers l'Europe et, on ne sait dans quelles circonstances, ont à un moment été séparés. Ils tentent de se retrouver. Sans indice sur leur localisation respective, ils n'ont d'autre recours que de se diriger toujours plus vers le nord.

L'aîné, Amir, est mis en relation avec des passeurs qui le font voyager dans un moteur de voiture, recroquevillé des heures durant dans une insoutenable position, tentant de se focaliser sur la conscience de son corps, le goût du gazole envahissant ses muqueuses. La suite de son périple lui fera rencontrer, parmi une foule d'autres migrants, la folie, la misère, l'humiliation.

Le plus jeune reste anonyme. Enfui d'un camp de détention où on le désignait par un numéro préalablement marqué au feutre sur sa peau, il marche, avec ses seules jambes comme moyen de transport.

Son parcours nous est détaillé avec minutie, étape par étape, périple infini et périlleux dans un monde inconnu et hostile, dont même les sons lui sont étrangers. Son corps devient son véhicule pour la survie, "sa conscience n'est plus que ce qui trimballe sa misérable enveloppe charnelle pour la mettre hors de danger". C'est donc à travers le prisme de ses sensations physiques, d'inconfort, de souffrance, et l'énumération de ses gestes et mouvements -de la peur, de la survie…- que nous appréhendons son calvaire, marqué par le froid mortel que diffuse un paysage montagnard et enneigé. L'isolement des étendues qu'il traverse est parfois interrompu par la marque d'une présence humaine qui paradoxalement exhausse l'étrangeté et la froideur de l'environnement : clôtures et fils de fer en quantité inimaginable, ruines de constructions abandonnées, usine abritant de gigantesques mécanismes robotisés, où règnent tôle et béton. Il émane de ces lieux déshumanisés une ambiance quasi surnaturelle et post apocalyptique, le garçon découvrant là un univers inédit, démesuré et effrayant.

On comprend rapidement que le matériau du titre, c'est ce corps, celui du migrant, qui soumis à la loi des passeurs et aux contraintes d'un environnement naturel contre lequel il doit lutter, est malmené, transformé, affaibli. Un corps précieux, parce qu'il permet la fuite, le déplacement, mais aussi vulnérable.

En focalisant son texte sur la dimension physique de l'épreuve de la migration, l'auteur crée la possibilité d'une véritable immersion aux côtés de ses personnages. le cauchemar que constitue leur parcours en devient palpable et fait de la lecture de "La fatigue du matériau" une expérience quasi physiologique..

Très fort.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Si la littérature tchèque a ses classiques, parmi lesquels Karel Capek, Milan Kundera, Jaroslav Hasek, Jaroslav Seifert ou encore Bohumil Hrabal, il est heureux de voir émerger une jeune génération d'écrivaines et d'écrivains prometteurs. Parmi eux figure Marek Šindelka, né en 1984, double lauréat du prestigieux prix littéraire Magnesia Litera dans son pays, notamment pour son dernier roman traduit en français, La fatigue du matériau. Un livre fort qui s'inscrit dans l'actualité de son époque en traitant du thème des migrants.

« Un sac à dos atterrit dans la neige, suivi d'un garçon. » Voici la première phrase du livre, une phrase énonciatrice du message du livre : le sac passe avant le garçon, lequel n'est pas le sujet de l'action ni plus largement l'acteur de sa vie. Ce garçon, nous ne saurons jamais son nom. Il est retenu dans un centre pour migrants dont il s'enfuit pour aller plus au nord à la rencontre de son frère avec lequel il a fait la traversée pour rejoindre l'Europe.

L'essentiel du roman retrace le parcours du « garçon » après sa fuite ; il alterne avec un second fil narratif dont son frère, Amir, est le personnage principal. Les deux récits se succèdent, mais ne se déroulent pas de façon simultanée. Amir est la seule personne dont nous apprendrons le prénom pendant tout le livre. Plus âgé que son frère, son histoire ne se déroule pas qu'au présent. Grâce à lui, on apprend ainsi comment les passeurs cachent les migrants dans les véhicules, les raisons qui ont poussé ces jeunes hommes à quitter leur pays, ou encore le rêve commun à chacun des migrants.

L'une des grandes forces du roman réside dans l'ambiance restituée par l'auteur. le garçon s'échappe du centre durant la nuit, et l'obscurité l'accompagnera dans une grande partie de sa fuite. Il se heurte à des conditions climatiques difficiles, obligé d'évoluer dans un paysage enneigé et gelé qui freine sa progression. Pendant un certain temps, il est même traqué par des habitants dont il s'est rapproché trop près des habitatations. le vocabulaire du corps est omniprésent : il s'agit pour lui tout simplement d'un combat pour la vie, au présent, à l'instant présent. Il a faim, il a froid. Ce corps est la seule chose qui lui appartient, mais c'est un corps en souffrance ; à un moment, même ses mains lui deviennent étrangères. Il y a peu de repères dans le texte, qu'ils soient temporels ou spatiaux, peu de choses auxquels se rattacher. le récit autour d'Amir est différent puisqu'il est moins centré sur lui, mais par son évocation de la guerre dans le pays natal, les immeubles soufflés, il suffit à lui-seul de justifier le choix de rejoindre l'Europe.

Quid des Européens dans ce contexte ? Il sont finalement peu évoqués et quand c'est le cas, ce n'est pas de manière flatteuse : dans le récit d'Amir, on en rencontre deux qui viennent sentir l'odeur du sang dans des pays en guerre ; dans celui du garçon (mais est-il vraiment en Europe ?), qui se retrouve à errer dans des bâtiments abandonnés ou au sein d'une usine entièrement automatisée, c'est l'absence d'humanité qui se fait cruellement sentir.

A la lecture de certains livres, on se dit que l'auteur met un nom sur des souffrances, sur une réalité. Ici, il n'y a guère de noms. Les migrants restent anonymes, et peu de destins sont évoqués. Pour autant, la force du récit est réelle et comme le souligne la quatrième de couverture, ce livre constitue indéniablement « un puissant remède contre la déshumanisation. »
Lien : https://etsionbouquinait.com..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Il voulut crier, mais ne pouvait reprendre haleine. Il n'entendait rien, hormis son cœur, qui cognait dans ses genoux, battait dans sa gorge, dans son visage, dans la racine de son nez. Il battait contre les parois métalliques de la carrosserie. Il faut que je me calme, se disait-il, sinon je ne vais pas reprendre mon souffle. Tout bourdonnait : le sang s'accumulait dans sa tête. Il avait envie de vomir. Il serra solidement les mâchoires. Il ne fallait pas paniquer, ce n'était pas bien méchant. Il avait quand même un peu d'oxygène, se dit-il soudain. Sinon, il aurait déjà perdu connaissance. Il s'aperçut qu'il respirait. Très superficiellement, mais il respirait. Les genoux appuyés contre ses côtes, il ne sentait plus ses jambes, mais il restait quand même un peu d'espace pour reprendre son souffle.
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La chaîne de montage ressemblait à un gigantesque insecte renversé sur le dos et qui tenterai vainement de se retourner. Ses pieds mécaniques se tendaient, répétaient toujours le même mouvement, procédaient de façon précise et impeccable. Ici, la machine fabriquait la machine. Ici, la machine prenait soin d'elle-même à sa manière atrocement froide. Même les rares ouvriers vivants étaient payés pour devenir une partie du mécanisme.
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Le jour où ça s'était écroulé, où deux barils d'explosifs étaient tombés sur la ville qui l'avait vu naître, il avait compris ce lien terrible, ce fanatisme avec lequel la vie s'accroche au corps. Il avait alors eu l'impression limpide et foudroyante qu'il n'y avait rien au-delà du présent pur et simple, le passé n'avait pas existé et l'avenir n'existerait pas, la vie était toujours totalement pratique, concrète, ici et maintenant. La conscience était quelque chose qui trimballait l'enveloppe charnelle, plus misérable, pour la mettre hors de danger. Le corps était une série d'instruments de survie.
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Jamais de sa vie il n’avait vu autant de clôtures. Autant de fil de fer. Quand on l’avait arrêté, une femme lui avait écrit un numéro sur le bras avec un gros feutre. C’était par ce numéro que les gardiens s’adressaient à lui. Ici, personne n’arrivait à prononcer son nom, donc on le lui avait entièrement retiré. Il s’était retrouvé dans un endroit qu’on appelait un centre de rétention. Comme il l’avait découvert, un centre de rétention ne se distingue en rien d’une prison. Peut-être uniquement en ceci que, en prison, la majorité des gens savent pourquoi ils sont enfermés. Tous les bâtiments étaient surpeuplés. Les deux premiers mois, il avait dormi dans une cabane en tôle.
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Ici, rien ne vivait. La vie s'était arrêtée même dans les individus. Elle s'était corrompue de l'intérieur, puis éteinte. L'apathie avait tout infiltré.
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