La voix des Saules aurait pu prendre pour titre : "La voix des Seules." Un jour on fait appel à l'écrivaine - elle-même se demande pourquoi - afin qu'elle anime un atelier d'écriture dans un établissement psychiatrique. Au fait, comment anime-t-on un atelier d'écriture ?
Nathalie Skowronek, qui ne se reconnaît pas en "spécialiste", est comme toutes les personnes qui n'ont pas confiance en elles et ne le supportent pas ; elle s'oblige avec l'expérience menée aux Saules à être doublement, voire triplement créative, passant avec une grande réactivité, ses techniques et ses déclencheurs d'écriture au tamis des réactions de son groupe de pensionnaires des Saules.
Elle passe aussi son art, au crible de sa vérité d'écrivaine thérapeute avec une capacité rare à prendre soin de l'autre et à l'écouter avec une profonde sensibilité. Comme notre écrivaine mène son récit à la première personne, c'est avec elle, et de l'intérieur, que le lecteur navigue à vue dans ses échanges heureux ou malheureux avec les membres du groupe. On se figure chacun, chacune rien qu'à entendre les voix que l'écrivaine nous fait reconnaître avec talent : on devine Pedro, on donne un visage à Josée, la fausse vieille dame. Et puis à la manière d'un conte, on surprend Nathalie Skorownek à devenir elle-même l'une de ces personnes abîmées, troublées, souffrantes.
Pourquoi ? Comment ? Il faut bien entendu lire le livre pour le savoir. le récit aurait pu d'ailleurs se tordre et se laisser transformer en une longue nouvelle, en une sorte de fiction fantastique, mais notre écrivaine a trop de respect pour la vérité et trop de respect tout court pour les gens dont elle a pris soin pour capter indûment la lumière sur elle, après coup. Un texte court, faussement simple, d'une grande richesse humaine et d'une vraie qualité d'écriture qui interroge notre humanité en 2024.