Les aventures véridiques de Lidie Newton

Quincy, trou perdu - Illinois – 1855
Petite dernière d'une fratrie composée essentiellement de demi-soeurs (beaucoup) plus âgées, Lidie Harkness, à la mort du patriarche se retrouve à causer pas mal de soucis à cette sororité peu aimante à travers cette lancinante question : mais qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire d'elle ? Car malheureusement, Lidie ne sait rien faire de ce qu'on est en droit d'attendre d'une jeune fille à marier, elle ne cuisine pas, ne coud pas, ne sait évidemment pas tenir une maison et, cirrhose sur le gâteux, refuse tout rapprochement marital avec des veufs ayant trois fois son âge. A l'inverse, elle maîtrise parfaitement ce qu'on est sûr de ne lui servir à rien : nager, monter à cheval, tirer à la carabine, en bref, Lidie Newton a tout du garçon manqué et donc, par extension, de la fille réussie, chose qui n'échappe pas à l'oeil acéré d'un certain Thomas Newton, abolitionniste en goguette à Quincy et qui, après quelques rencontres fortuites, épouse Lidie et l'emmène avec lui dans l'Ouest où selon les idées et l'engagement de Thomas, leur destinée semble toute tracée : ils seront de fiers Free Staters qui n'auront de cesse de lutter contre les pro-esclavagistes jusqu'à l'aboutissement final qui ne pourra manquer de survenir : l'anéantissement de cette infamie qu'est l'esclavage.
Et Lidie qui n'était jamais sortie de son trou, voyage, rencontre les amis de Thomas, lutte à leurs côtés puis devient après un évènement traumatisant une sorte de Lady Vengeance, nous entraînant dans ses bagages vers de nouveaux horizons, plus sombres et moins avouables que ceux qui animaient son mari mais tout aussi trépidants... A un moment, de toute façon Lidie on l'aurait suivie au bout du monde.

En plus de cette excitante aventure qu'entre parenthèses (et malgré quelques longueurs de-ci de-là) elle nous conte avec talent, Jane Smiley en profite pour faire un petit tour d'horizon de l'Amérique pré-guerre de Sécession, en pleine conquête de l'Ouest où la loi du plus fort est souvent la seule respectée, où faire parler la poudre est le seul jugement avéré et où une opinion différente (comme en ont ces apostats d'anti-esclavagistes, pour les citer) n'est pas seulement une hérésie mais un affront personnel que seuls le goudron, les plumes et une bonne corde peuvent réparer.
Avec tout ça, on imagine en effet mal comment il aurait été possible d'échapper à la guerre civile qui pointait déjà le bout de son canon tant la haine et les divergences entre ces deux idéologies étaient profondes.
Ajouté à cette page d'histoire un portrait de femme attachante qui, sous la plume de Jane Smiley devient prétexte à un bel hommage à toutes ces femmes qui, trop souvent dans l'ombre de leur mari pour que l'histoire en retienne quelque chose, ont oeuvré de manière courageuse et énergique pour arriver enfin au 13e amendement faisant légalement abolir l'esclavage.

Imaginez que vous êtes une jeune femme, plutôt grande pour l'époque, pas jolie, sachant monter à cheval, manier le fusil et traverser une rivière à la nage, choses fort peu utiles aux yeux de vos soeurs qui ont la lourde tâche de subvenir à vos besoins. Parce que, naturellement, vous êtes célibataire, ne savez pas coudre un bouton ou confectionner un repas. A priori, votre destin semble tout tracé, vous finirez vieille fille ! Voilà quelle est la situation de Lidie Harkness au début de ce formidable roman. Vous aurez compris que nous sommes aux antipodes d'Autant en emporte le vent...

Mais fort heureusement pour notre héroïne, elle vit dans un pays et à une époque où tout est possible, tout est envisageable. Même pour une femme.

En 1855, la voilà qui quitte enfin ses soeurs, Quincy dans l'Illinois, pour gagner un mari, un homme bien agréable et idéaliste, Thomas Newton, et un nouvel état plein de promesses, le Kansas. Enfin, c'est ce qu'elle croit.

Son époux et leurs voisins et amis sont tous des abolitionnistes, des Free Staters qui construisent de misérables cabanes sur leurs concessions, lesquelles sont convoitées par les Ruffians du Missouri. Après un pénible voyage, les jeunes époux découvrent la petite ville de Lawrence, en pleine effervescence. On construit, on marchande et on tente de vivre sous les menaces des Missouriens décidés à faire du Kansas un état esclavagiste.

Nous sommes à l'aube de la guerre de Sécession, et en plein bouillonnement politique. La jeune Lidie, au sein de cette communauté de colons, devra tailler son chemin dans cette société si rude où dominent la sauvagerie et la violence. L'ambiance qui régnait dans cet Etat, à cette époque, est fort bien retranscrite. On finit par comprendre la logique des Free Staters et même des Missouriens, ces derniers étant uniquement guidés par une ignorance tenace et aveugle et un sens de l'honneur exacerbé. Car même ceux qui ne possédaient pas d'esclaves défendaient cette institution.

L'issue de cette situation était prévisible, le Kansas et Lawrence en particulier était comme une cocotte-minute dont le couvercle était sur le point de sauter. Ce couvercle, qui n'est pas décrit dans le roman, est symbolisé par le terrible incendie qui ravagea Lawrence, dont plus de 200 habitants furent tués (massacrés devrai-je dire) par la sinistre bande à Quantrill.

A côté de cette trame historique, qui devrait ravir les amateurs de l'Histoire des USA, on suit avec plaisir les pérégrinations de cette jeune femme incroyable, qui se croit terriblement quelconque, alors qu'elle est tout le contraire ! Je ne dévoilerai pas les nombreuses péripéties dont la vie de Lidie Newton est émaillée, certaines sont cocasses, la plupart sont tragiques, mais elles donnent un tableau assez juste de la fameuse mentalité des gens de l'Ouest. Un très bon roman qui est est à la fois un portrait de femme peu commune et un récit historique sur l'avant-guerre de Sécession.

Traduction : Françoise Adelstain.
Lien : http://lectures-au-coin-du-f..

J'ai apprécié cette épopée américaine.
Bien documentée, elle a le mérite d'avoir attiré mon attention sur une période de l'histoire des États Unis que je connais peu.
De nombreux sujets sont abordés et rendent la lecture intéressante comme les motivations respectives des pro et anti-esclavagistes, la condition des femmes, l'attitude des gouvernants locaux et fédéraux, l'influence de la religion et l'indifférence et le mépris vis à vis des peuples autochtones.

Grand amateur de Jane Smiley, j'ai pourtant été déçu par cet ouvrage. Je n'ai pas accroché ni à l'histoire ni aux personnages.