Imaginez que vous êtes une jeune femme, plutôt grande pour l'époque, pas jolie, sachant monter à cheval, manier le fusil et traverser une rivière à la nage, choses fort peu utiles aux yeux de vos soeurs qui ont la lourde tâche de subvenir à vos besoins. Parce que, naturellement, vous êtes célibataire, ne savez pas coudre un bouton ou confectionner un repas. A priori, votre destin semble tout tracé, vous finirez vieille fille ! Voilà quelle est la situation de Lidie Harkness au début de ce formidable roman. Vous aurez compris que nous sommes aux antipodes d'Autant en emporte le vent...
Mais fort heureusement pour notre héroïne, elle vit dans un pays et à une époque où tout est possible, tout est envisageable. Même pour une femme.
En 1855, la voilà qui quitte enfin ses soeurs, Quincy dans l'Illinois, pour gagner un mari, un homme bien agréable et idéaliste, Thomas Newton, et un nouvel état plein de promesses, le Kansas. Enfin, c'est ce qu'elle croit.
Son époux et leurs voisins et amis sont tous des abolitionnistes, des Free Staters qui construisent de misérables cabanes sur leurs concessions, lesquelles sont convoitées par les Ruffians du Missouri. Après un pénible voyage, les jeunes époux découvrent la petite ville de Lawrence, en pleine effervescence. On construit, on marchande et on tente de vivre sous les menaces des Missouriens décidés à faire du Kansas un état esclavagiste.
Nous sommes à l'aube de la guerre de Sécession, et en plein bouillonnement politique. La jeune Lidie, au sein de cette communauté de colons, devra tailler son chemin dans cette société si rude où dominent la sauvagerie et la violence. L'ambiance qui régnait dans cet Etat, à cette époque, est fort bien retranscrite. On finit par comprendre la logique des Free Staters et même des Missouriens, ces derniers étant uniquement guidés par une ignorance tenace et aveugle et un sens de l'honneur exacerbé. Car même ceux qui ne possédaient pas d'esclaves défendaient cette institution.
L'issue de cette situation était prévisible, le Kansas et Lawrence en particulier était comme une cocotte-minute dont le couvercle était sur le point de sauter. Ce couvercle, qui n'est pas décrit dans le roman, est symbolisé par le terrible incendie qui ravagea Lawrence, dont plus de 200 habitants furent tués (massacrés devrai-je dire) par la sinistre bande à Quantrill.
A côté de cette trame historique, qui devrait ravir les amateurs de l'Histoire des USA, on suit avec plaisir les pérégrinations de cette jeune femme incroyable, qui se croit terriblement quelconque, alors qu'elle est tout le contraire ! Je ne dévoilerai pas les nombreuses péripéties dont la vie de Lidie Newton est émaillée, certaines sont cocasses, la plupart sont tragiques, mais elles donnent un tableau assez juste de la fameuse mentalité des gens de l'Ouest. Un très bon roman qui est est à la fois un portrait de femme peu commune et un récit historique sur l'avant-guerre de Sécession.
Traduction :
Françoise Adelstain.
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