Mâle de mer

"Mâle de mer" est une histoire d'amour et de mort, une histoire de solitude et de souvenirs, l'histoire d'une rencontre entre un homme et une femme, avec pour fond la rudesse de la côte bretonne.

Au sein d'une collection qui n'aura jamais si bien portée son nom, Laetitia Villemin se livre à un exercice d'écriture impressionnant. Choisissant ses mots avec justesse et les alignant avec maestria, elle chante l'amour et la mort, répétant au fil de pages et des chapitres un refrain que le lecteur emportera au-delà de la dernière page. L'exercice est périlleux, parfois un peu forcé, mais souvent de toute beauté. L'album n'étant pas facile d'accès, le lecteur mettra cependant un peu de temps à rentrer dans la danse.

Pour illustrer l'amour et la mort, Guillaume Sorel joue avec le noir et le blanc. le traitement graphique est splendide, mais malheureusement le texte et le dessin se font écho sans jamais se rencontrer. Les mots flottent au-dessus d'illustrations qui se font trop souvent dominer par le côté littéraire de l'oeuvre. Si j'ai su apprécier la beauté du texte et du graphisme, le mélange des deux ne m'aura malheureusement pas vraiment fait vibrer.

A relire !

Il y a l'orpheline Ephémère, qui ne voit que tristesse dans les yeux de son père marin, à Douëlan. A 29 ans, la belle s'exile pour les Etats-Unis avec son prince charmant. Mais elle en reviendra, car sa vie est près de la mer et de la rude vie, près de sa mère défunte et l'amer qu'elle a laissé. Il y a Gabin, le photographe qui passe aussi par Douëlan et Camaret, fasciné par les paysages de cette extrême Bretagne, par ces bateaux qui se meurent, par ce petit garçon qui vagabonde. Un petit bonhomme déjà fasciné par la mer, orphelin de père, fils d'une mère qui défie la chute. Coup de foudre, écrire, photographier. Des êtres en mal de père, en mal d'amour et de mère ne peuvent que s'attirer, se jeter dans le vide, se jeter à l'eau.


Un roman graphique très singulier. Un projet artistique exigeant, avec des dessins en noir et blanc, secs, aigus, qui savent laisser la place à la lumière maritime. Et il y a aussi des photos. Et surtout, il y a ce texte poétique qui rend les illustrations encore plus envoûtantes. Des bulles en vers. C'est déroutant mais c'est beau.

La mer, son horizontalité, et puis le désir fou de verticalité, d'escalade, de ces personnages qui sont inconditionnellement ramenés au sol ou à la mer. La mer souvent présente a fait de ces femmes et ces hommes des orphelins, des écorchés, des mutiques mais des amoureux aussi, et des poètes.

J'ai parcouru les pages complètement subjuguée, perdue aussi. Je ne faisais pas le lien entre les différents destins évoqués, les différentes histoires du présent et du passé. Mais l'ensorcellement avait opéré et j'ai relu l'album, toujours ensorcelée. Une expérience exigente mais passionnante pour qui aime la mélancolie, la poésie, l'esprit qui divague. A lire peut-être, à relire sûrement.
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