L'homme qui tomba amoureux de la lune de
Tom Spanbauer rassemble les confessions d'un homme grandi trop vite à travers un récit transdimensionnel où les univers se chevauchent, se confondent mais qui très vite offre un voyage incandescent, indécent aussi, troublant et poétique.
« Viens faire un tour dans mon ballon, on ira voir l'homme de la lune ».
Alors j'ai fait un tour dans le ballon et j'ai découvert l'histoire de Duivichi-un-Dua, ou plutôt les histoires. En effet piégée à Excellent, Idaho, avant la Passe du Diable au nord des Sawtooth, là où passe le bras nord du fleuve Payette j'ai eu le temps d'écouter sa voix devenue de plus en plus audible au gré des mots qui s'envolaient avant de s'épeler.
Coincée dans une des chambres du seul hôtel de la ville, Chez Ida, chambre Numéro 11 de l'Indian Head Hotel, véritable observatoire et carrefour d'une communauté hétéroclite des années 1890 de l'après ruée vers l'or où cow boys, mineurs de Gold Bar, pionniers et autres « tybos» survivent, le temps s'est arrêté pour un dernier Far West, un Bowie knife à portée de main .
Mais quelle histoire ! Duivichi-un-Dua , le narrateur, en plongeant dans son passé navigue entre souvenirs, rêveries ,visions et revit son épopée de l'enfance à l'âge adulte, une quête identitaire incessante pour connaître l'origine du monde, de son monde, et les mystères de la vie. Longtemps obligé à ne pas communiquer, ne connaissant pas le sens des mots, il est affublé d'un surnom, « Dans la cabane » puis devient adolescent Cabane ou « Dans les vaps » pour enfin réussir à soulever le pesant voile de secrets autour de sa naissance et connaître la signification de son nom shoshone, « le garçon du garçon ». Un chemin tortueux, difficile où la lumière jaillit de l'obscurité pour apprendre avant tout que pour changer le monde, il faut changer sa façon de le regarder.
Bardache, chamane, indien métis, sorcier, prostitué, il sillonne sans aucune limite son âme, instrumentalise son corps et se forge une famille dont les membres sont des doux dingues, parias d'un monde vouer à disparaître : Ida Richilieu, maquerelle juive, maire et tenancière,
Dellwood Baker ou Yeux Verts, le cowboy et
l'homme qui tomba amoureux de la lune...
Tom Spanbauer campe un décor digne d'un western, shérif irrécupérable, cow-boys enragés ou déjantés, femmes courageuses et libres, Indiens soumis et désespérés, colons Mormons puritains et vindicatifs. L'histoire de l'Amérique et des Amérindiens défile sous nos yeux avec ses lots d'horreur (massacre des Indiens à Bear River, racisme, ségrégation). Des paysages époustouflants des grands espaces aux cloisons roses du Saloon d'Excellent, une galerie de portraits improbables s'organise où des protagonistes charismatiques aux caractères bien trempés s'activent, une vraie fourmilière !
Dans
L'homme qui tomba amoureux de la luneTom Spanbauer avec une grande liberté de ton compose un récit étrange, transgenre, western, conte, fable, ode à la nature et aux éléments et joue d' une écriture réaliste, lyrique, poétique non dénuée d'humour pour dire l'amour, la différence, l'espoir, la liberté, la relation au vivant, la relation aux autres et la tolérance.
L'écho de la légende de Duivichi-un-Dua poursuit longtemps et résonne toujours dans les ciels infinis aux nuages bisons qui l'accompagnent. de l'Idaho au Montana un voyage halluciné, mystique. Entre exil intérieur et errance spirituelle reste son histoire: celle de l'homme amoureux de
L'homme qui tomba amoureux de la lune.
« Viens faire un tour dans mon ballon, on ira voir l'homme de la lune » mais attention ce que l'on « croit être en train de faire n'est pas ce qu'on fait… en réalité on raconte une histoire. »
Une étonnante et superbe découverte grâce à une cabane à livre, et l'envie d'explorer plus encore l'univers de
Tom Spanbauer (1946- ) né à Pocatello, Idaho.
Une lecture envoûtante. Un coup de coeur.