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sur 388 notes
Sébastien Spitzer a le chic pour nous faire découvrir ce que l'on ignorait. Après avoir partagé la vie de Maria Goebbels dans son excellent premier roman « Ces rêves qu'on piétine », il nous invite cette fois-ci à rencontrer le fils caché de Karl Marx au coeur de l'Angleterre victorienne.
Londres, Manchester, XIXème siècle, la pauvreté se heurte à l'indifférence de l'opulence. Elle souffre et trime, se nourrit de misère, gronde. Les travailleurs s'épuisent quand les riches se gavent, toujours davantage, encore et encore, pour si peu, même pas de quoi se nourrir, tout juste se vêtir. Charlotte est de ces femmes que l'argent ignore. Elle s'éreinte et se vend pour leur subsistance, à elle et lui, cet enfant qu'on lui a confié, ce garçon dont on tait l'identité du géniteur.
Le récit est d'une grande richesse. Précis. Fouillé. Habilement détaillé. Les rues, les odeurs, l'atmosphère des docks ou des usines nous enveloppent. La tension se fait palpable, les émotions submergent. La plume est si vive et passionnée. L'ambiguïté d'Engels agace, l'égoïsme de Marx révolte ; on les côtoie au coeur de l'agitation d'une Angleterre frappée par la crise du coton, victime de cette Amérique rompue par la guerre de Sécession. Les ouvriers s'insurgent. La répression les lamine. Certains fuient comme Freddy, l'enfant devenu adulte, pour rejoindre en Irlande la lutte des opprimés.
Quel texte ! Aussi passionnant qu'enrichissant !
Un roman magnifique.




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"Combien de femmes faut-il pour faire un homme ? Freddy en a eu deux. C'est son algèbre intime. Une pour le mettre au monde. Une seconde pour l'élever." (p298)
Londres. 1860. Freddy est un enfant né sous X... un X nommé Karl Marx qui, pour assouvir une pulsion, a engrossé sa bonne. Impossible de garder cet enfant, Engels, ami fidèle de Marx, fait appel à un pseudo-médecin qui confiera le nouveau-né à Charlotte, une jeune Irlandaise qui vient de perdre le bébé qu'elle portait, en attendant le retour de son amour, parti vers une Amérique en proie à la guerre de Sécession, amour qui ne reviendra pas. Charlotte se débat dans la misère pour faire grandir Freddy au sein de cette ville où les bourgeoises se maquillent pour paraître livides et où les Charlotte se fardent de hautes couleurs "pour masquer le mauvais sort". Et comme la nature humaine n'est pas à un paradoxe près, Marx se révèle névrotique obsédé par l'argent qu'il dépense sans compter, quitte à dépenser celui de son cher Engels, lui aussi en proie au paradoxe du gros industriel qui incite secrètement à la révolution ouvrière.
Pas une seule page de ce roman ne se tourne sans qu'une tournure, une formule vous interpelle, vous titille et l'oreille et le coeur et l'esprit, on se surprend même à relire à voix haute telle ou telle phrase, tel ou tel paragraphe tellement la musique des mots couchés sur le papier vous touche, vous amuse, vous enchante.
Un roman brillamment ciselé pour une lecture jubilatoire.
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Les cités bien proprettes et flatteuses à l'oeil du touriste qui les veut aseptisées ont des façades de parc d'attractions. On les momifie dans une esthétique de carte postale qui n'a plus grand chose à voir avec la vie tourmentée qui en a imprégné les pavés. Des spectres souffrants dont la tombe est à présent bouffée par le lierre, recouverte de friches. Les morts anonymes amoncelés dans la terre pour préparer notre présent. Ce terreau inconscient qui donne son apparence à la réalité.

On peut en traquer en vain les vestiges pendant longtemps. Les voyages, à présent portent souvent en eux cette déception, ce n'est pas le Londres qu'on imaginait, ou le New York de Il était une fois en Amérique. On se retrouve devant des vestiges décoratifs et un passé tout public, qui rendra bien sur instagram. Mais que murmurent à nos oreilles distraites les statues du commandeur ou les bustes glorieux de grands hommes à la parole figée ? A quoi ressemblaient-ils ? Quelle voix avaient-ils ? Quelles étaient leurs contradictions, leur part d'ombre, leurs turpitudes ? Comment retrouver le coeur battant du monde, beau titre du second roman de Sébastien Spitzer et recouvrir la mémoire de ceux qui l'ont foulé avant nous ?

Je ne m'attendais pas à formuler ces questions en ouvrant son roman qui paraît ces jours-ci chez Albin Michel. Je ne m'attendais pas davantage à voir se réincarner dans ses mots toute la société d'un Londres du 19èmesiècle, un fragment de passé qui trouve sous sa plume une fulgurante présence. Et un parfum de vérité. Contrasté, tourmenté, prosaïque, magnifique ou piteux. En vérité, en parler m'intimide et ça fait deux paragraphes que je prends mon souffle pour être à la hauteur du sien.




Sur le quatrième de couverture il est indiqué que l'on va s'attacher au destin de Freddy, le bâtard de Karl Marx. J'avoue que j'étais circonspect. Que je me demandais même si c'était pour moi, tant je m'occupe d'une littérature du ventre, loin de ce genre de reconstitution classique. Mais il ne s'agit pas d'une sage évocation historique. du temps jadis, Sébastien restitue la violence, l'injustice et la pauvreté. La détresse des femmes contraintes d'avorter dans la clandestinité. Ce bébé, recueuilli par une « bonne mère », Charlotte, qui vend ses charmes pour subvenir à ses besoins. Ce docteur à qui un certain Engels a fait appel pour se débarasser du nouveau-né, fils naturel de son ami « le Maure ». Ce dernier, sur une pulsion, a engrossé sa servante un soir qu'il était seul avec elle. Cet homme étrange, inadapté, un peu parasite et rustre, c'est Karl Marx. le portrait est inattendu. Engels hérite de l'usine de coton familial en pleine guerre de Sécession américaine. Peu à peu, dans ces récits alternés entre l'infortune de Charlotte et Freddy, la crise économique et la montée d'une conscience et d'une pensée socialiste, le roman ranime toute une société.

J'ai songé d'abord à Dickens, à Oliver Twist et son humanité d'humiliés et d'offensés qui tentait de survivre dans les rues. Devant ce pavé battu par les prostituées, ce crime et cette misère qui suinte des murs, ces repas péniblement gagnés et ces êtres toujours écrasés de rigueur j'ai songé aux Misérables de Hugo, à Gangs of New York de Scorsese ou à Peaky Blinders. Des révoltes de cette humanité écrasée et soumise par la nécessité de gagner son pain. On ressent également un rapport de domination étrange : cet entre deux que figurent Marx et Engels, sensibles au sort des ouvriers et à leur révolte nécessaire, mais se conduisant eux-mêmes de bien des manières comme des bourgeois.

J'ai aimé ressentir ces contradictions, ces humanistes qui pouvaient fort mal se comporter. Pas comme ce que la postérité aura choisi d'en retenir. J'aime la littérature qui nous renvoie à nos secrets, à nos duplicités, à nos mensonges, à nos vices, à nos lâchetés et à nos abandons. J'aime qu'on décrive l'humain par ses faiblesses et ses mesquineries, et pas seulement par sa noblesse et sa beauté. J'aime que l'on n'oublie pas ça. Ce passé là, cette vérité-là, la rudesse et l'injustice qu'il y avait dans les Mystères de Paris, dans le Londres qui est bien davantage celui des rues sombres décimées par Jack L'éventreur que celui de Buckingham Palace. J'aime retrouver les odeurs et les sons du passé, ses contrastes, les félicités rares et les chagrins nombreux. Ceux dont on réchappe ou non, parce que la vie, c'est ça. L'humain, c'est ça. C'est sale, c'est vil même souvent. Mais parfois, ça aime. Parfois on ressort du tumulte dans la grâce du regard d'une mère, dans un amour naissant, dans tous ces instants fugitifs qui irradient les existences.

Il y a là le souffle des grands romans du XIXème siècle. Sans anachronisme. On a le sentiment d'être au plus près de ces êtres et de ces vies, d'arpenter les rues avec eux, d'avoir peur avec eux. D'aimer avec eux. On ressent leur monde. Celui des docks et des maisons closes, des appartements désolés. Jusqu'aux révoltes de la lointaine Irlande. Ça vit. Ça frémit. Ça frissonne. S'élève la mémoire inattendue de ce tumulte en nous. J'aime la manière qu'a Sébastien de ne jamais fuir devant la violence ou les ténèbres, ce qui m'avait saisi déjà dans Ces rêves qu'on piétine.

Dans les mots de Sébastien Spitzer, j'ai retrouvé la fascination d'époques que j'ai traversées en littérature quand j'étais lycéen. Il m'en a ramené le souffle, la richesse et l'âpreté. La densité et la texture. Les livres sont toujours des moyens de s'enrichir de nouvelles existences, de convoquer en soi le reflet d'époques que l'on n'a pas connues. Ces amas d'ombres qui murmurent sous terre qu'on leur doit notre présent. Notre monde. Ce que jamais, sans doute on ne pourra saisir dans un musée ou dans une image d'Epinal. Parce que c'étaient des hommes et qu'ils étaient aussi complexes que nous.

En lisant, on retrouve l'écho de leur vérité et de toute leur époque en nous, le rythme de leur coeur dans les battements du nôtre.
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▶️ 1851, Londres, cité au coeur du monde, en plein essor industriel, où l'opulence des beaux quartiers côtoie la misère la plus crasse...
▶️ Charlotte, jeune irlandaise qui a fui la famine, recueille un nourrisson qu'elle va élever comme son fils ; cet enfant, Freddy, n'aurait jamais dû naître, jamais dû vivre, et pour cause!, il est le fils caché d'un homme célèbre, Karl Marx! Cet enfant, un "bâtard" - la femme de Marx et plus encore la famille de celle-ci est bien décidée à faire disparaitre ce fils illégitime, par tous les moyens!...
▶️ Karl Marx, marié à Johanna von Westphalen, une authentique baronne allemande, déjà père de famille nombreuse, travaillant inlassablement à son grand oeuvre, «Le Capital », se voulant près du peuple mais vivant comme un grand bourgeois aux crochet d'Engels...
▶️ Engels, issu d'une grande famille bourgeoise, riche industriel, propriétaire d'une filature de coton, pratiquant la chasse à courre avec les pairs du royaume et appelant les ouvriers à la révolution...
▶️ ...et Freddy, enfant puis jeune homme candide et courageux, qui prendra les armes pour rejoindre la cause irlandaise...
▶️ Dans ce livre, tout est vrai, ou presque !, Freddy a bien existé, mais son existence a été cachée jusqu'au milieu des années 1960 - un des secrets les mieux gardés de l'Union Soviétique...
▶️ Une fresque historique et sociale passionnante ; la révolution industrielle, l'essor des filatures de coton, la condition ouvrière et la misère qui l'accompagne, l'impact de la guerre de Sécession américaine sur l'approvisionnement des filatures anglaises en coton , le sort des irlandais et la révolte qui s'organise... et puis surtout, les portraits étonnants et saisissants de Marx et d'Engels, tout en contradiction, révolutionnaires et grands bourgeois !!
▶️ Un roman historique haletant, formidablement documenté, entre faits réels et zone grise d'une Histoire balisée - une écriture rythmée et alerte - un remarquable moment de lecture !!...
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L'auteur s'appuie sur des faits historiques pour retracer les vies et les personnalités de Marx et Engels dans le contexte de l'époque en incluant dans l'histoire un fils illégitime de l'auteur du « Capital » qui a réellement existé et dont il a imaginé le destin.

Marx est le théoricien du capitalisme et de la lutte des classes. Il est largement soutenu financièrement par Engels, un industriel prospère qui est très concerné par la misère du prolétariat avec lequel il collabore à l'écriture d'ouvrages sociologiques et politiques.

Engels est subjugué par le génie de Marx et n'a de cesse de le soutenir financièrement dans son exil pour qu'il puisse finir de rédiger et publier « le capital ».

Freddy, le batard est sauvé in extremis par un médecin qui le confie à une jeune femme qui a perdu son bébé.

L'auteur insère de façon cohérente le destin de ce garçon dans le contexte historique de la lutte indépendantiste des irlandais.

Je recommande ce livre instructif, d'un style agréable et distrayant.
Le talent de l'auteur est servi par un travail documentaire qui permet en se distrayant d'acquérir des connaissances historiques de la période.
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Un très bon et beau roman historique sur un secret politique portant sur l'existence de Freddy, fils bâtard de Karl Marx, caché par son mécène et ami Engels. L'auteur romance la possible jeunesse et adolescence de cette figure occultée volontairement par les tenants politiques du communisme, ne voulant pas nuir à la figure tutélaire créatrice du Capital.
Au coeur des grandes villes anglaises (Londres, Manchester...) secouées par la crise économique (Cotton Panic) résultat collatérale de la guerre de Sécession, on marche dans les pas des petites gens, ouvriers irlandais pauvres, prostitués miséreuses, gamins des rues... Cette classe pauvre contraste avec le faste de l'aristocratie où vit Karl Marx qui peine à écrire serti par sa femme, ancienne baronne devenue Jenny la rouge, et Engels, patron de filature financant l'Internationale.
Ambiance Dickens sur fond de polar, l'écrivain brosse à la fois le possible portrait de Freddy et de son entourage mais surtout celui d'une époque. Un très bon moment de lecture.
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Je me suis dirigée vers ce livre car j'avais adoré le premier roman de Sebastien Spitzer.

Malheureusement, je n'ai pas eu le même coup de coeur pour celui-ci. Est-ce le sujet qui m'intéresse un peu moins ?

Dans tous les cas, j'aime toujours autant l'écriture de l'auteur, qui permet de ne pas s'ennuyer et de nous donner envie de lire le chapitre suivant.
J'apprécie réellement apprendre des éléments historiques en prenant autant de plaisir.

Vivement le prochain.
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Dans ce roman dense Sébastien Spizer nous plonge dans l'Angleterre des années 1860. Il nous fait entrer dans l'intimité de Karl Marx et Friedrich Engels et démystifie un peu ces deux grandes figures du XIXème siècle. Sous couvert de raconter la vie de Freddy, fils caché de Marx, dont on ne sait pratiquement rien, il décrit la pauvreté effroyable des masses ouvrières et leur quotidien..
Pendant que Marx et Engels, ces deux grands bourgeois, théorisaient la marxisme et n'étaient pas à une contradiction près, le peuple luttait pour sa survie. Ce ne sont pas eux le thème principal de ce roman mais la misère du peuple ouvrier en ces années de crise économique. Sébastien Spitzer démontre bien le début de la mondialisation et ses ravages. La guerre de Sécession aux États-Unis entraîne l'arrêt de l'exportation du coton, les usines de textiles n'ont plus de matière première et les ouvrières se retrouvent sans ressource. Quand la guerre est terminée le retour en masse des Irlandais utilisés comme mercenaires grossit les rangs des Fenians et les attentats pour l'indépendance de l'Irlande se multiplient.
Le Coeur Battant du Monde est une passionnante fresque historique très bien documentée dans laquelle petite et grande histoire se côtoient. Si le quotidien de Freddy et l'admirable personnage de sa mère adoptive sont inventés tout le reste est véridique. Par ce roman à la Dickens Sébastien Spitzer confirme son talent de conteur. En employant toujours le présent, avec des phrases courtes, il rend son récit très vivant. Un magnifique deuxième roman!
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Ce roman historique, en quelque sorte, m'a plu curieusement.
En effet, je ne suis pas une fan de l' Histoire. Mais dans ce livre, c'est romancé, et j'ai pu apprendre des évènements sur l'Angleterre et l'Irlande au moment du règne de la reine Victoria, au XIXe siècle.
J'ai mis un peu de temps à me mettre bien dedans car je voulais bien comprendre tous les évènements et les personnages. Pour le coup, je me suis laissée embarquer dans ce roman où l'amour est aussi présent.
Un beau roman, une belle plume, et un coeur battant...
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Ce roman est passionnant et captivant. On y apprend beaucoup de chose sur la vie de Karl Marx et sur les luttes pour un monde meilleur dans cette capitale de l'empire le plus puissant. Les personnages, humains, y sont bien décrits.
C'est un univers à la Dickens mais l'écriture y est plus limpide et se lit rapidement.
De plus, l'auteur dans sa postface nous fait un point sur tous ce qui est avéré et ce qui est supposé, ce qui nous permet de bien faire la différence entre le réel et la fiction.
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