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Bertrand Abraham (Traducteur)
EAN : 9782021449105
368 pages
Seuil (04/02/2021)
4.17/5   3 notes
Résumé :
Mutilations, viols, crimes d'honneur, féminicides, vitriolages, avortements forcés... Le patriarcat est un régime de terreur. Les hommes ont tiré pendant des siècles avantage symbolique et matériel d'une domination qu'ils ont établie par la force brute. Aujourd'hui, grâce à la scolarisation et à leur entrée sur le marché du travail, les femmes parviennent en de nombreux endroits à secouer le joug. Mais cette aspiration à l'égalité, dont le mouvement #MeToo a été une... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Une réflexion intelligente, argumentée et documentée. J'ai un peu de mal en général quand les hommes parlent du problème patriarcale mais pour le coup Abram de Swaan arrive à prendre suffisamment de recul pour en parler correctement, il se pose en soutien et non en féministe.

Il présente des faits irréfutables qu'il est bon de rappeler je pense : à la question "Comment asservit-on la moitié de la population en toute discrétion ?" il évoque :
- La violence domestique (30% des femmes agressées physiquement ou sexuellement selon l'OMS, 1/3 en Europe aussi.
- La menace de violence domestique, "n'oublie pas ce qui s'est passé la dernière fois que tu as fait ça..." "Tu as vu ce qu'on lui a fait à elle ?" et il suffit que la violence reste impunie pour donner du courage aux hommes et insuffler de la peur chez les femmes.
- La menace de violence tout court, pareil que le point précédent mais par des individus ou petits groupes "privés" : on mutile, poignarde, viole, on reste impuni. Boom, régime de terreur.
- le partage d'idées prétendument universelles : la femme est un être inférieur dixit les religions. Puis viennent les arguments du degré zéro de la biologie, psychologie, neurologie, psychiatrie... ainsi prospère l'idéologie patriarcale.

Première question : qu'est-ce qui différencie ? le sexe ? Pourtant aucune affirmation n'est vraie à 100% et, d'une culture à l'autre, il y a des variables remarquables. Ce serait donc culturel ? Pour autant, entre l'impact de l'environnement et la continuité héréditaire on en est encore à des conjectures pour savoir lequel des deux a le plus d'impact.

Être moins apte à quelque chose ne signifie pas qu'on doive renoncer.

Alors comment les hommes se sont érigés en supérieur ? Les femmes donnent la vie, donc plus fragiles durant la grossesse et avec les petits. Les hommes prennent le monopole des armes et de la violence. Et c'est plié. Bien aidés par les religions évidemment. La domination s'installe et perdure parce que eh ! On a toujours fait comme ça.

Que trouve-t-on de sympathique dans ce régime de terreur alors ?
- meurtre à la naissance ou avortement genré
- mutilations génitales
- mariage d'enfants (après un viol par exemple), et contrairement à ce qu'on croit, ça se pratique beaucoup aux USA (200 000 avant 18 ans entre 2000 et 2015 selon l'organisation Unchained at last) et en Amérique Latine aussi. Les bébés issus de viol doivent aller à terme, en cas de fausse couche ou de mort foetale, la mère est accusée d'avortement ou d'infanticide (30 ans de réclusion). Ce sont dans ces mêmes pays que le taux de criminalité est le plus élevé. La vie vaut beaucoup moins après la naissance de toute évidence.
- cacher le corps, baisser les yeux (même en Occident) le châtiment dans les pays arabes, de l'Amérique latine et sud asiatique ? La mutilation faciale, au vitriol.
- les viols, les attouchements (mettre une main aux fesses c'est ne pas respecter le corps de l'autre, c'est lui dire "voilà ce que je peux faire de toi, voilà où est ta place") jamais ça n'aboutit à l'amour fou ni même à un baiser passionné et l'agresseur le sait très bien, c'est juste une façon de virer la femme de l'espace public, de lui faire peur.
- crime d'honneur (plus ou moins le crime passionnel chez nous qui avait été validé par le code Napoléon de 1810 (!!!) et qui a pour sens de rétablir l'honneur ou l'ego bafoué, réparer l'humiliation, punir la "provocation") pour rétablir la réputation de la famille et, une fois encore, faire passer le message aux femmes de marcher au pas.

Ensuite, il aborde comment les femmes ont conquis leur liberté : sans violence, lentement, mais inexorablement. Les études et la chute de la natalité en sont les facteurs principaux.
Il souligne tout le chemin encore à parcourir en terme de reconnaissance au travail et d'accessibilité, idem pour la politique où elles deviennent asexuées quand elles franchissent les barrières et des génies du mal quand elles sont "femme de".
Il se montre optimiste toutefois, le combat et long et inégal mais l'opposition des hommes et du système ne repose sur aucun argument solide. L'ascension des femmes se poursuivra.

Contre-coup ? le ressentiment des hommes. Surtout ceux qui ont le plus perdu dans les transformations du monde. le sentiment d'humiliation se transforme en haine et besoin de revanche et voici venir l'extrémisme et le fanatisme.

Il fait le lien, évident une fois exposé, entre les extrémismes religieux, et notamment le djihadisme, et les extrêmes droites d'occident. Aussi éloignés idéologiquement soient-ils, ils partagent la même ambition : refaire de l'homme la valeur suprême, viril et incontestable.

Suprématistes, manosphère, incels, masculiniste, la liste se fait longue derrière. En tant que femme et féministe c'est vraiment angoissant de lire tout ça. Angoissant mais nécessaire. Encore une fois c'est un livre qui construit l'argumentaire, qui donne des armes. Je recommande.
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critiques presse (1)
LeMonde
15 février 2021
Dans un essai au fond optimiste quant à l’issue des luttes féministes, le sociologue Abram de Swaan dresse le tableau des résistances qu’elles suscitent.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Ils s'insurgent aujourd'hui contre l'enseignement public qui réduit la main-mise de l'Église et de la famille sur les enfants, et sont totalement opposés à l'octroi de prestations d'assistance, à la sécurité sociale et l'assurance maladie publique, qui compromettent l'utilité des œuvres caritatives. Les églises ont vu leur emprise sur les pauvres, à travers l'aide aux familles, s'affaiblir. Ceux-ci n'ont plus besoin des organismes de bienfaisance. On parant en partie aux aléas de l'existence, la sécurité sociale a rendu moins irrépressible le recours aux prières et à l'assistance divine. L'État-providence a, de fait, beaucoup contribué à la sécularisation de l'Occident, et tous ces prédicateurs l'ont bien compris.
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Nous avons, à longueur de temps, respiré les particules fines de la discrimination sociale ambiante, à laquelle, manifestement, nous participons. Nous nous efforçons de nous débarrasser des stéréotypes afin de poser sur les autres et sur nous-même un regard aussi impartial que possible. Nous sommes animés d'une volonté sincère de rencontrer les autres sans la moindre prévention. C'est là tout ce que nous pouvons faire. Peut-être contribuerons-nous ainsi à l'avènement d'une société dans laquelle chacun se sentira, y compris dans son moi intime, affranchis de tout préjugé. Et n'aura plus alors à affronter cet instant où, de façon subreptice, l'obturateur se déclenche.
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Il est bon de savoir que la violence à l'égard des femmes - que représentent notamment les avortements sexospécifiques, les infanticides de nouveau-nés de sexe féminin, les suicides, la mortalité en couche (pourtant évitable) - a provoqué au 20e siècle davantage de perte en vies humaines que tous les conflits armés et les guerres civiles. (Valérie M. Hudson, Sex and World peace, New York, Columbia university press, 2012, page 4)
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Aucun groupe dirigeant ne renonce à sa position de supériorité sans combattre. L'esclavage n'a été aboli aux États-Unis qu'après une guerre civile dévastatrice. Le mouvement ouvrier a mené une lutte de classes qui a fréquemment provoqué des affrontements mortels et même carrément des révolutions. Les peuples colonisés ne sont, pour la plupart, parvenus à l'indépendance qu'après des luttes sanglantes de libération.
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« Une bonne bite, voilà ce qu'il lui faut ! » : ce cri de guerre a été lancée contre des adversaires féminines. Ce n'est pas le mot « bite » qui, dans ce slogan, s'avère le plus révélateur, mais bien l'expression « il lui faut » : la pénétration est présentée comme une mesure punitive et le pénis comme instrument d'exécution. Qu'on songe à la double signification du mot « verge », désignant à la fois une badine et le membre viril.
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