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Jean Bernard Torrent (Traducteur)
EAN : 9782080115720
149 pages
Flammarion (03/03/2006)
3.97/5   246 notes
Résumé :
L'histoire de la lecture féminine se reflète dans la peinture et la photographie. Les artistes de toutes les époques ont représenté des femmes en train de lire. Pourtant, il aura fallu des siècles avant qu'il soit accordé aux femmes de lire à leur guise. Ce qui leur incombait d'abord, c'était de broder, de prier, de s'occuper des enfants et de cuisiner. Dès l'instant où elles envisagent la lecture comme une possibilité de troquer l'étroitesse du monde domestique con... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (58) Voir plus Ajouter une critique
3,97

sur 246 notes
"Il existe encore des familles où une femme qui lit beaucoup inquiète et scandalise."
(F. Mauriac)

Quand j'ai sorti "Les femmes qui lisent sont dangereuses" de son bel emballage, le matin de Noël, j'ai eu un petit moment de flottement. Pendant un court instant, j'ai cru qu'il s'agit d'une de ces indispensables compilations sans queue ni tête, éditées vite-fait avant les fêtes, à mi-chemin entre le "Grand Larousse des tire-bouchons" et "Les cent tableaux qu'il faut voir avant de mourir".
Erreur ! Un rapide coup d'oeil sur la couverture et sur les reproductions à l'intérieur m'a assurée que le Père Noël reste un homme raffiné de bon goût. C'est un beau livre à feuilleter et à rêver...

Mais pourquoi une femme qui lit devrait-elle être "dangereuse" ?
Dans leur deux préfaces respectives, L. Adler et S. Bollman nous éclairent sur le sujet. Sur les rapports entre la femme et la lecture à travers les siècles. Sur le chemin qui mène de l'ignorance et la soumission à la connaissance et l'émancipation, bien avant notre époque moderne.
Et bien sûr, ce n'est pas uniquement le cas de femmes. Dès que n'importe qui, homme ou femme, a l'accès à l'instruction, il obtient cette capacité de se faire ses propres opinions sur le monde. Son esprit s'ouvre, et il devient potentiellement dangereux à ceux qui ont l'habitude de dicter.
L'instruction est "dangereuse". Les livres sont "dangereux". Mais tout ça, c'est merveilleux et libérateur. Avec un livre, on s'isole du monde immédiat, pour en explorer d'autres. On s'amuse. On apprend. On voyage. Et les femmes qui lisent sont belles.

Quand on regarde un portrait d'un homme avec un livre, l'objet symbolise le plus souvent la sagesse ou le statut social. Un livre dans la main d'une femme devient un objet sulfureux; la pomme de la connaissance du Jardin d'Eden.
Mon vieux prof d'histoire de l'art, un grand esthète, disait toujours d'avoir un "faible pour les femmes qui lisent les livres plus épais que leur poignet". On en trouve quelques unes, sur les images de ce livre. Mais même s'il s'agit d'une lettre, d'une carte routière ou d'un catalogue de mode, il y a toujours quelque chose de particulier à observer chez ces lectrices.
Rêverie, attente, concentration, abandon...

Le livre regroupe une centaine de reproductions de tableaux et des photos (d'artistes connus et moins connus) à travers les époques, avec des courts commentaires.
J'ai toujours aimé les livres de "tableaux commentés" - on commence par regarder le titre et la date, et puis on essaie d'imaginer l'histoire cachée dans le tableau. Ce n'est qu'après qu'on regarde le texte - parfois on y est, parfois pas du tout ! Mais à chaque fois, il y a quelque chose à découvrir.
Comme cette Vierge de l'Annonciation, qui est très pressée de retourner à son livre d'heures, dès que l'Ange partira. Ou cette Marilyn concentrée sur la lecture d'Ulysse de Joyce. Elle a presque fini...

J'ai mis du temps pour tout parcourir; parfois les tableaux étaient inutilement ressemblants entre eux (et les textes aussi), mais c'était une excursion artistique fort sympathique.
Il ne reste qu'à découvrir ce que me réserve son pendant "Les femmes artistes sont dangereuses". Père Noël ne fait pas les choses à moitié...
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Un livre que mon mari vient de m'offrir pour les fêtes de fin d'année et je dois dire qu'il a été très avisé dans son choix..
Il s'agit d'un livre de peinture qui représente, à travers les époques et différents pays, des femmes en train de lire..
Le talent des auteurs: la célèbre journaliste-écrivain Laure Adler et l'écrivain Stefan Bollmann est de rassembler une centaine de peintures centrées sur ce sujet et de les commenter en montrant comment l'acte de lecture a représenté pour les femmes un acte important d'émancipation: en effet, en lisant, ne s'approprient-elles pas des connaissances et des expériences auxquelles la société ne les avait pas prédestinées?
Laure Adler est de plus bien placée pour intervenir sur ce thème puisqu'elle est également historienne et spécialiste de l'Histoire des femmes et des féministes au 19ème et 20ème siècle.
J'ai été particulièrement sensible à la qualité du choix des peintures: toutes les époques sont représentées: le Moyen-Age avec Simone Martini, le 17ème siècle avec les peintres hollandais Rembrandt, Elinga, Vermeer, le 18ème siècle avec Chardin, Boucher, Fragonard.. Les 19ème et 20ème siècles sont également bien représentés avec Vanessa Bell, Edward Hopper, Vittorio Corcos..
Un très bel ouvrage, clair, intelligent, sur un sujet original..
Un voyage artistique dans L Histoire..
Merci encore à mon mari pour ce cadeau..
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Aimer lire. Aimer vivre. Aimer parce qu'un point ne fait pas tout. Et que lisent elles ? Justement, de tout. Beaucoup, partout. Elles prennent, offrent, partagent et donnent. Elles lisent ce qui s'écrie en tout. Elles relaient , elles transmettent. Parce qu'effectivement un livre entre les mains d'une femme ce n'est pas n'importe quoi. Ça vous parle beaucoup. Qui dit livre dit liberté, savoir, accès, qui dit livre veut dire sacré, vérité, mystères dévoilés, mémoire activée.
Ça veut dire entendre et non plus juste écouter.
Ça veut dire transformer le monde puisque le monde elles sont en capacité de le porter.
Très beau texte de Laure Adler qui connaît extrêmement bien son sujet.
Celle qui lit, écrit. Pour ne pas briser le cercle d'un halo de lumière, garder le livre ouvert pour veiller.
Les peintres savent la puissance que contient cette image : une femme en lecture.
Personne ne veut penser à la voir ainsi penchée sur un livre qu'elle est entrain de prier.
La question ainsi se pose : où est elle ?, et que lit elle ? L'image impose le silence. Peindre à juste titre une femme en lecture c'est une difficulté pour un artiste. Il n'existe pas de modèle. Elles sont uniques. C'est comme peindre un oiseau sans sa cage, comme dans le tableau de Prévert. Ce qu'il faut rechercher dans ce qu'une femme lit c'est ce qu'elle écrit. Et comme elles lisent beaucoup, il faudrait en écrire beaucoup. Alors faut il juste les regarder, tout en pensant au prochain livre qui viendra. Question d'ensemble.
De la vierge de Simone Martini à la jeune fille de Domenico Fetti, en passant par la douceur de celles de Liotard, de Füger, à la passion de celle d'Eybl, ou de Hennig, par le sourire de la lectrice de Henner, dans le repos de celle de Roussel, dans les rêves de Corcos, à travers la lumière d'Ilsted et de Marquet, par la force de Münter, et dans la plénitude de Miller, comme les hommes peignent beau toutes ces lignes que parcourent les femmes.
Les yeux « des femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie » et c'est peut être beaucoup mieux si on lit les choses comme cela.
J'ajouterai celles de l'éducation de la Vierge de Delacroix. Ce tableau n'est pas dans ce livre. Mais il est toujours dans ma tête. Alors maintenant il est un peu entre vos mains. C'est en lisant ce livre qu'il m'ait venu le goût de vous l'écrire.

Astrid Shriqui Garain
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Les femmes qui lisent sont-elles dangereuses ?
1/ Depuis que la peinture existe en Occident (et que la photographie la complète), les femmes sont représentées un livre à la main, de Marie (la Vierge) à Marilyn (l'Etoile). Les femmes lisent, les femmes ont toujours lu à travers les siècles.
2/ Etonnant, car nous avons plutôt le souvenir d'avoir vu les femmes en pâmoison, en maternité, en prière, en deuil, au bal, à la toilette, à l'église, au bordel, à l'atelier, et même au travail? Mais à la lecture, non.
3/ Pourtant nous avions entendu parler de celles qui écrivaient : Louise Labé, Mme de la Fayette, Jane Austen, les Soeurs Brontë,….Mais qu'en était-il des autres, les « normales », les innombrables, plongées "naturellement" dans cette activité familière : la lecture.
4/ Allons, allons? Dans le fond, nous le savions. «De manière subliminale», dit Laure Adler. Nous le savions par nos mémoires familiales, par les livres eux-mêmes, par ce qui nous reste de nos connaissances en histoire. Les dames de cour, les femmes savantes, les Bovary, jusqu'à la merveilleuse Sonietchka, elles lisaient, comme elles lisent encore, parfois à s'en détruire l'existence. La lecture, nous le savions d'une certaine manière, a toujours été une passion très féminine.
5/ Que la lecture soit l'affaire des femmes, le travail des peintres et des photographes en donne une idée lumineuse et vraie. Tout, dans les corps et les visages, s'accorde à cette formidable activité mentale: les visages rêveurs ou concentrés, les corps ramassés ou alanguis, les mains gracieuses et précises? Les décors sont des lieux qui transpirent le plaisir - jardins en été, canapés, fauteuils profonds - et même le bonheur - lits, chambres, intérieurs domestiques... Nues, joliment déshabillées, parfois splendidement vêtues, les femmes qui lisent sont belles. Comment mieux dire que la lecture est toute sensualité, et parfois tout amour? (critique librement inspirée d'un article de l'Express publié en mai 2006)

Des tableaux magnifiques accompagnés de courts commentaires, où chacune d'entre nous peut se reconnaître.
Un pur moment de BONHEUR.
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Les femmes sont dangereuses, chacun le sait. C'est écrit depuis la pomme, Adam et Eve la tentatrice, la sensuelle pécheresse. On les peint nues, déesses, vénus callipyges; en fait c'est habillées qu'elles sont les plus sournoises. Habillées et un livre à la main! Car le livre est bien l'apanage de la tentation. le danger du livre dans les mains d'une femme ? La rendre savante! Savante, et donc terriblement subversive. Immobilisée par sa lecture, ouverte à son imagination, au lieu de vaquer à ses occupations de mère-épouse-bonne à tout faire- objet...On le voit bien dans ce tableau d'Elinga (Femme en train de lire, 1668-1670), où la bonne a cessé ses activités domestiques pour lire à la sauvette. Une servante qui lit, quand un seul livre coûte ce qu'il faut pour nourrir une famille pendant une semaine! C'est le désordre assuré dans la maison, dans la hiérarchie, dans la conscience de soi! Otez ce livre que je ne saurais voir, madame! Si lascive, livrée aux pages que c'en est indécent! Car elle ne lit pas au coin du feu avec les enfants, mais dans les replis solitaires d'un canapé ( Casas y Carbo) ou d'une chambre (Hopper), rendez-vous compte! Les femmes qui lisent sont dangereuses, vraiment! C'est écrit, très bien écrit, et merveilleusement illustré!
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Citations et extraits (44) Voir plus Ajouter une citation
La lettre, comme forme de la conversation écrite, était très en vogue dans les Pays-Bas du XVIIe siècle. A cette époque, aucun autre pays d’Europe ne comptait autant de citoyens qui savaient lire et écrire, et les échanges épistolaires y acquirent une importance sans cesse croissante […]. On vit fleurir sur le marché du livre toutes sortes de manuels de la correspondance et de l’art de la calligraphie. […] La peinture ne tarda pas à s’emparer de ce motif et toute une population écrivant ou lisant des lettres apparut bientôt sur les toiles […] Parmi les tableaux les plus célèbres traitant de ce sujet, on peut nommer ceux de Jan Vermeer, Gerard ter Borch et Pieter De Hooch. Tout en appartenant à cette constellation, le tableau présenté ici [La Requête amoureuse, de J. Ochtervelt] en franchit également les limites. […]
De toute évidence, l’homme peint par Ochtervelt est en train de réitérer verbalement la requête amoureuse qu’il a déjà confiée à la lettre qu’on aperçoit sur la table. Le fait que le sceau rouge en est rompu suggère que la femme a pris connaissance de son message. Sans en être apparemment touchée, elle poursuit cependant sa lecture, qui semble pour l’instant lui importer davantage que tout échange épistolaire, verbal ou autre (on ne saurait omettre la présence du lit à l’arrière-plan du tableau), et ce, alors même que la jeune femme est fort loin de produire une impression d’excessive pruderie.
Quelle que soit l’issue de l’affaire, le tableau nous montre une chose : la femme jouit de l’intérêt et de l’attention qu’on lui accorde, sans avouer cependant le plaisir qu’elle y prend et en s’abîmant dans sa lecture – en tout cas, c’est ce qu’elle fait mine de faire.

[Jacob Ochtervelt (1634/35 – 1708/10) - La Requête amoureuse, 1670 – Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle]
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L'Antiquité connaissait certes la voix intériorisée, mais cette pratique de la lecture n'y a jamais été qu'un phénomène marginal. Tout comme nous sommes surpris aujourd'hui quand quelqu'un élève la voix en lisant - ne fut-ce que pour murmurer ou même si ses lèvres bougent de façon à peine audible - et que nous nous interrogeons sur les raisons d'un tel comportement dès lors qu'il ne s'agit plus d'un enfant, il devait en aller pareillement dans l'Antiquité quand quelqu'un ne lisait pas à voix haute - ou tout au moins perceptible. Jusqu'à une époque tardive du Moyen Âge et, selon les milieux, jusque très avant dans une époque moderne, la lecture consistait en deux choses : penser et parler. Surtout, elle n'était pas un acte qui était séparé du monde extérieur, mais qui se déroulait à l'intérieur du groupe social et sous son contrôle.
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Au XIVe siècle, les représentations de l’Annonciation ne sont plus une rareté. Pourtant, personne avant lui n’avait figuré l’événement comme le peintre siennois Simone Martini nous le montre dans ce tableau [L’Annonciation, 1333]. Les vêtements et les ailes de l’ange sont plongés dans un or étincelant. L’intercesseur divin donne l’impression d’être tombé du ciel à l’instant. Ses lèvres sont entrouvertes pour délivrer son message […] « … Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce aux yeux de Dieu ». Mais Marie, de quelle façon répond-elle ? […] Dans l’effroi de Marie il y a quelque chose d’une attitude de défense, où l’on croit voir se mêler en outre une curieuse indifférence. On dirait presque qu’elle veut se détourner de ce qui a lieu, en se drapant le corps dans son manteau. Le livre rouge, symbole de sa sagesse, elle le tient ouvert, son pouce glissé entre les pages, afin de ne pas perdre le passage dans lequel elle était justement plongée au moment où l’arrivée de l’ange a interrompu sa lecture. […] Nous assistons donc, dans cette Annonciation, à la naissance de quelque chose de nouveau : la Vierge de Martini est une femme d’esprit, elle n’est plus, loin s’en faut, l’innocente ingénue que les théologiens avaient l’habitude de voir en elle. Elle maîtrise une pratique qui devient courante, à la fin du Moyen Age, chez les gens qui ont reçu une éducation : celle de la lecture en silence, qui permet donc de s’approprier savoir et connaissance en puisant à des sources librement choisies – non par obéissance, mais grâce à l’étude et à la lecture.

[Simone Martini (vers 1280 /85 – 1344) – L’Annonciation, 1333 – Florence, galerie des Offices]
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Gwen John

Gwen John a été l'une des grandes femmes peintres du XXe
" La Convalescente": l'oeuvre s'inscrit dans une série de dix toiles qui ont été réalisées entre la fin des années 1910 et le milieu des années 1920, et qui toutes représentent, de manière répétitive et obsessionnelle, le même motif d'une jeune femme convalescente en train de lire.(...)

(...)Notons à ce propos que Marcel Proust a soutenu que la lecture pouvait servir de remède en pareil cas, en remplissant le rôle habituellement dévolu aux psychothérapeutes. Le patient a besoin d'une impulsion venue de l'extérieur, mais en même temps, il doit la recevoir " au sein de la solitude hors de laquelle ne peut se produire cette activité créatrice qu'il s'agit précisément de ressusciter en lui".Or, selon Proust, c'est exactement la définition de la lecture, et d'elle seule.Elke agit donc comme un antidote qui nous redonne volonté et force psychique dans les phases d'épuisement. C'est sous son égide que nous pouvons guérir.
( p.130)
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Dès l'instant où elles envisagent la lecture comme une possibilité de troquer l'étroitesse du monde domestique contre l'espace illimité de la pensée, de l'imagination, mais aussi du savoir, les femmes deviennent dangereuses.

En lisant, elles s'approprient des connaissances et des expériences auxquelles la société ne les avait pas prédestinées
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