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EAN : 9791092444216
164 pages
l'Atelier contemporain (11/03/2015)
4.5/5   1 notes
Résumé :
Peinture et poésie ont toujours eu partie liée. Un poète nous dit ici ce que l’art représente pour lui, ce qu’il lui apporte, ce qu’il lui refuse.
L’auteur fait aussi écho à la fascination exercée par les œuvres de quatre peintres : Jean-Paul Berger, Miklos Bokor, Claude Garache et Alexandre Hollan. Les textes ou les poèmes qu’il leur consacre constituent une réponse sans fin tentée aux interrogations, mais aussi aux émotions qu’elles n’ont pas manqué de susc... >Voir plus
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Alors, devant ce corps surpris dans l’impalpable étirement de ses instants (comme on tomberait dans un rêve), devant ce corps immatériel et tout aussi certain, comment ne pas se souvenir d’une remarque de Gaëtan Picon qui me paraît correspondre, sans sollicitation excessive, à ce que je voudrais dire ? « Chaque fois » écrit-il « que le regard d’Ingres se pose sur la femme, que ce soit au début ou au terme de l’œuvre, c’est pour la déposer hors de ce trouble où, pourtant, il la rencontre, et dont elle garde l’empreinte (…) Au-delà du réel, qui est désir, il y a le regard qui contemple sans désir l’objet du désir (…). Le dépassement de la sensualité et de l’érotisme est la condition de l’entière visibilité. Le trouble est aveuglement – 21. Claude Garache, à l’évidence, a la capacité d’opérer un tel dépassement. Mais comment se fait-il que la visibilité de son œuvre me paraisse plus « entière » encore que dans les nus d’Ingres auxquels je reviens pourtant volontiers – et je songe, plus particulièrement, aux dessins préparatoires réalisés pour L’Âge d’or ? Peut-être l’émotion esthétique a-t-elle pris, dans la contemplation de ces derniers, tout le champ, au détriment du sentiment, de la perception d’une vie encore chaude et bruissante ? La netteté, la perfection du trait induisent une certaine froideur. Et le détour allégorique ne parvient pas à abolir la référence au sujet : il reste identifiable et personnalisé (comme il l’est dans les portraits – et peut-être a-t-on l’impression que c’est encore un portrait). Alors que, chez Garache, l’absence de tout contour accusé préserve cette relative indétermination qui permet de faire voir l’être, la vie même – et non le corps. Aussi donne-t-il un nom à une pose, ce nom « en tant que tel n’a pas de signification mais confère à la figure comme un nom de famille, une identification première (…) – 22 ». Ce faisant, Garache nous reconduit à la peinture, qui « s’est défaite de toutes ses illusions », en nous montrant à quelles conditions elle peut advenir en tant que vie, en tant qu’énigme.
     
Cette énigme, consubstantielle à l’œuvre d’art, un mouvement, le plus souvent infime, semble l’établir au sein d’une confrontation qu’il lui appartient d’apaiser. Elle en est à la fois le point d’équilibre (en cela que sans elle, le tableau ne tiendrai pas) et le foyer. Plus l’équilibre est précaire, menacé, et plus l’œuvre résonne et rayonne. Ainsi, lorsque la lumière tend à prendre le pas sur l’obscurité – une lumière qui révèle sans épuiser, qui déploie sans disperser, dans l’Ouvert rilkéen (si l’on entend par là « le lieu où la mort et la vie coexistent » – 23). Garache, dans sa peinture aussi bien que dans ses estampes, éprouve cette dualité et trouve le point où l’apaisement permettra le surgissement de l’être.
     
Pour y parvenir – ce qui constitue chaque fois une sorte de miracle –, il veille à ne jamais refermer ce qui doit demeurer vacant, là où la forme, comme il le dit lui-même, est couleur – 24. Il gère des masses rouge ou blanche d’intensité variable, nuancées, d’où émerge peu à peu la manifestation d’une vie plus profonde et comme originelle. Et, ce faisant, il accomplit le geste d’acquiescement qu’elle attendait ; il rend sensible, d’une façon décisive, « cette opposition de la lumière et de l’ombre qui, dans le regard même qui « dévore », dit tout de suite ce que la bête qui dévore ou est dévorée ne sait pas : qu’il y a un ici et un là-bas, du néant, de l’être » – 25. Le rouge, alors – et je ne m’exposerais pas à faire d’autres considérations à son sujet –, ce rouge dont Garache laisse entendre qu’il s’est imposé à lui comme l’élément même du corps et qu’« il s’est révélé une substance aux possibilités infinies, et toujours actives – 26, agit, effectivement, trouve sa juste densité sur ce fond blanc qui réalise « la situation la plus indéfinie et la plus complice » – 27. Mais il agit métaphysiquement » plus que physiquement. Et s’il peut, de prime abord, être tenu pour le « grand rouge véhément de la pudeur », ou pour le « coquelicot de l’émotion » – 28, il demeure, plus essentiellement, ce qui permet « l’apparition soudaine de l’évidence du monde, (…) dans sa plénitude énigmatique » – 29. Où se perdre, peut-être.
     
pp. 85-87.
     
     
(21. Ingres, Editions d’art Albert Skira S.A. Genève, 1980, p. 111 et 112 | 22. Alain Madeleine-Perdrillat, op. cit., p.61 ; | 23. Richard Stamelman, Transfiguration du rouge (Claude Garache, Yves Bonnefoy), traduit par Philippe Blanc, Conférence, n°I, automne 1995, p. 71 ss., p.7 | 24. Cité par Richard Stamelman, p. 86 | 25. Peinture, poésie : vertige, paix in Le nuage rouge, p.322 | 26. Entretien avec Claude Garache, réalisé par Christophe Carraud, Conférence, n°I, automne 1995, p. 59 | 27. Entretien, p. 58 | 28. Nicolas Pesquès, Femmes au cube, dans Garache face au modèle, p. 107 | 29. Richard Stamelman, Transfiguration du rouge, p. 86).
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