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EAN : 9782070372317
448 pages
Gallimard (14/10/1980)
4.07/5   37 notes
Résumé :
Tacite (v. 55-v. 120 après J.-C.) ne nous décrit pas seulement les grands événements de l'histoire romaine, il nous invite aussi à pénétrer dans l'antichambre des empereurs. Aussi les historiettes et l'Histoire s'entremêlent-elles admirablement sous sa plume. Une chronique cruelle de la Rome décadente.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
La Rome antique me fascine depuis longtemps. A l'époque de son apogée, la Ville est le centre d'un monde appelé à de profondes mutations dans les siècles à venir. Comme l'écrit Lucien Febvre et à sa suite Marc Ferro, à l'apogée de l'Empire, « un lyonnais est à cet époque chez lui à Rome et en Belgique, à Carthage aussi, et s'il est sénateur, ce n'est pas un intrus dans les milieux cultivés d'Alep ou d'Antioche ; mais s'il passe le Rhin ou le Danube, il est perdu, il est chez les Barbares ».

Cette Rome, on en retrouve un étonnant témoignage dans les « Histoires » de Tacite magnifiquement traduites par Pierre Grimal. Dans cet ouvrage moins célèbre que ses Annales, l'historien romain nous dépeint les années de troubles qui suivent la mort de Néron en 68 après JC. Il nous prévient d'emblée en une formule qui pourrait tout aussi bien s'appliquer à notre époque : « J'aborde un ouvrage empli de malheurs, ensanglanté de batailles, déchiré de révoltes et au sein même de la paix, féroce. » L'ouvrage se poursuit sur le même ton, un sens de la formule et du récit, un art de peindre les caractères qui ne se retrouveront que bien plus tard, sans doute pas avant Saint-Simon.. Cette période chaotique, cette succession d'empereurs assassinés, ces séditions innombrables sont l'occasion, sous la plume de Tacite d'une plongée dans l'inconstance humaine, d'un regard lucide sur la versatilité des foules et leur inconséquence.

Le récit s'ouvre sur le court règne de Galba. Les légions de Germanie refusent de lui prêter serment. Pour prévenir les troubles, Galba adopte Pison pour lui succéder. L'homme est sans illusion : les éléments même semblent annoncer le désastre à venir. Tacite écrit : « le 4 avant les ides de janvier, le jour obscurci par des pluies violentes fut troublé plus qu'il n'est normal, par des coups de tonnerre, des éclairs et les menaces célestes. Ces phénomènes qui, autrefois, faisaient renvoyer les comices, n'empêchèrent pas Galba de se rendre au camp, car il ne tenait pas compte de ces choses, qu'il attribuait au hasard ; mais peut-être aussi parce que ce que le destin a en réserve, même si cela est annoncé, ne peut être évité ». Quelques jours plus tard, Galba est assassiné, victime de de la volonté criminelle de quelques-uns et de la lâcheté complice du plus grand nombre. Cette action abominable, nous dit Tacite, selon une formule elle aussi applicable à toutes les tyrannies, « fut osée par un petit nombre, souhaitée par un plus grand et soufferte par tous ».

Le meurtre de Galba ouvre une séquence de guerres civiles, de massacres : tout conspire au désastre tant il est dans la nature humaine de « suivre avec empressement ce qu'elle répugne à commencer ».

Les écrits de Tacite sont également intéressants en ce qu'ils révèlent un modèle moral pétri de stoïcisme. Sous sa plume, ce modèle a ceci de précieux qu'il cesse d'être purement mythique : il s'incarne. Ainsi le préteur Helvidius Priscus que Tacite admire : » Il suivit comme maîtres de sagesse les philosophes qui considèrent comme des biens seulement ceux qui relèvent du bien moral, et comme des maux, seulement ceux qui déshonorent, et ne regardent le pouvoir , l'illustration et tout ce qui est extérieur à l'âme ni comme des biens, ni comme des maux.(…) Il imita, surtout, dans la manière de vivre de son beau-père, son indépendance, accomplissant comme citoyen, comme mari, comme gendre, comme ami, sans défaillance toutes les obligations de la vie, dédaignant les richesses, obstiné pour le bien, ferme en face de ce que l'on redoute ».

Avec ce sens de la grandeur de l'homme qui porte en germe un humanisme qui ne se réalisera pleinement que bien plus tard, Tacite transcende cette époque pourtant fort cruelle et nous fait ressentir ce moment unique que Flaubert évoque dans une de ses lettres : « Les dieux n'étant plus et le Christ n'étant pas encore, il y a eu de Cicéron à Marc Aurèle un moment unique où l'homme seul a été ».
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Composé de cinq livres, (la fin du cinquième et le sixième qui constituaient l'oeuvre ont été perdus, cet ouvrage constitue l'une des plus grandes réalisations de Tacite. Avant tout historien, il occupa également plusieurs postes au cours de sa vie et notamment celui de consul.
Ses "Histoires" couvraient à l'origine près de trente ans, allant de l'an 69 (surnommée l'année des 4 empereurs) à l'an 96, démarrant ainsi lors du 2ème consulat de Servius Galba et s'achevant sous le règne de Titus. Passionnée d'histoire et notamment tout ce qui touche à l'antiquité, j'ai beaucoup aimé ce livre. Un peu difficile d'accès au début car le lecteur doit emmagasiner un grand nombre d'informations, une fois que celui-ci est un petit peu initié, cette lecture est un vrai régal. On se croirait parfois dans une de ces tragédies grecques avec ses complots, ses meurtres et ses mutineries et c'est notamment pour ça que j'adore cette période de l'histoire !
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Le plus célèbre des historiens romains raconte en détail, ce qui peut-être parfois alourdit le récit, la période troublée qui suivit la mort de Néron.
Il décrit les luttes fratricides entre généraux romains pour accéder au titre d'Empereur.
Galba, Vitellius, Othon et Vespasien se livreront à une lutte sans merci, la partie conservée "d'histoires" (car une partie est manquante, perdue au cours des siècles suivants) se termine sur le siège et la prise de Jérusalem par Titus.
Un livre d'histoire antique brillant et passionnant.
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Témoignage d'un des plus romans de capes et d'épées de l'histoire antique.
Remarquables observations d'instants et de stratégies qui, des siècles plus tard se feront encore ressentir par leurs impacts humains et politiques.
Magnifiques cours d'histoires et de stratégies militaires et sociologiques que l'on devrait plus souvent prendre en référence pour de meilleures décisions d'avenir.
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Les historiens romains sont souvent assez ennuyeux à lire, car strictement factuels et d'une écriture laconique et désincarnée, ou en tout cas qui peut apparaître comme tel à un lecteur du XXIe siècle. Et bien pas Tacite, sa langue est fluide et intelligente, et truffée de remarques spirituelles sur la nature humaine qui font de ce récit un véritable délice.

S'il n'y a qu'un historien romain à lire c'est Tacite. Par contre il vaut mieux connaitre un peu ce dont il parle (époque des Flaviens) à l'avance, sinon on peut être vite perdu.
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
( état de Rome à la mort de Néron ) .
Introduction , II ,

J'aborde une époque féconde en catastrophes, ensanglantée de combats, déchirée par les séditions, cruelle même durant la paix : quatre princes tombant sous le fer ; trois guerres civiles ,beaucoup d'étrangères, et souvent des guerres étrangères et civiles tous ensemble; des succès en Orient, des revers en Occident ; l'Illyrie agitée ; les Gaules chancelantes ; la Bretagne entièrement conquise et bientôt délaissée ; les populations des Sarmates et des Suèves levées contre nous ; le Dace illustré par ses défaites et les nôtres ; le Parthe lui-même prêt à courir aux armes pour un fantôme de Néron ; et en Italie des calamités nouvelles ou renouvelées après une longue suite de siècles ; des villes abîmées ou ensevelies sous leurs ruines, dans la partie la plus riche de la Campanie ; Rome désolée par le feu, voyant consumer ses temples les plus antiques ; le Capitole même brûlé par la main des citoyens ; les cérémonies saintes profanées ; l'adultère dans les grandes familles ; la mer couverte de bannis ; les rochers souillés de meurtres; des cruautés plus atroces dans Rome : noblesse, opulence, honneurs refusés ou reçus, comptés pour autant de crimes, et la vertu devenue le plus irrémissible de tous ; les délateurs, dont le salaire ne révoltait pas moins que les forfaits, se partageant comme un butin sacerdoces et consulats, régissant les provinces, régnant au palais, menant tout au gré de leur caprice ; la haine ou la terreur armant les esclaves contre leurs maîtres, les affranchis contre leurs patrons ; enfin ceux à qui manquait un ennemi, accablés par leurs amis.
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Le peuple était là en spectateur ; il assistait à ces combats comme aux jeux du cirque, et appuyait chaudement de ses acclamations et de ses applaudissement tantôt ceux-ci, tantôt ceux-là. Chaque fois qu’un des deux partis faiblissait, s’il voyait les vaincus se cacher dans les boutiques ou se réfugier dans quelque maison, il demandait à grands cris qu’on les en arrache et qu’on les égorge, puis se rendait maître de la plus grande partie du butin ; car les soldats étant tout entiers au sang et au carnage, les dépouilles revenaient à la multitude. Horrible et hideux était le spectacle qu’offrait la ville entière: ici des combats et des blessures, là des bains et des cabarets ; à côté de flaques de sang et de monceaux de cadavres on voyait des prostituées et des gens qui leur ressemblent ; tout ce qu’une paix dissolue crée de débauches, tout ce qu’une prise d’assaut impitoyable entraîne de crimes ; bref, on eût pu croire que la même ville était à la fois en fureur et en folie.
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Déjà le peuple entier, pêle-mêle avec les esclaves, remplissait le palais, demandant par des cris confus la mort d'Othon et le supplice des conjurés, comme ils auraient demandé au cirque ou au théâtre un spectacle de leur goût. Et ce n'était chez eux ni choix ni conviction (ils allaient, avant la fin du jour, exprimer avec la même chaleur des vœux tout opposés); mais ils suivaient l'usage reçu de flatter indistinctement tous les princes par des acclamations effrénées et de vains empressements. Galba cependant flottait entre deux avis. Celui de Titus Vinius était de rester au palais, d'y armer les esclaves, d'en fortifier les points d'accès, de ne pas affronter des courages irrités. Il voulait qu'on laissât du temps au repentir des méchants, au concert des bons. Le crime a besoin de se hâter; la sagesse prépare lentement ses triomphes. Enfin, si, plus tard, il faut se hasarder, on le pourra toujours; mais le retour, si l'on s'est trop engagé, c'est d'autrui qu'il dépend.
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La bonne foi, la franchise, l'amitié, ces premiers biens de l'homme, tu les cultiveras sans doute avec une constance inaltérable; mais d'autres les étoufferont sous de vains respects. À leur place pénétreront de toutes parts l'adulation, les feintes caresses, et ce mortel ennemi de tout sentiment vrai, l'intérêt personnel. Aujourd'hui même nous nous parlons l'un à l'autre avec simplicité; tout le reste s'adresse à notre fortune plus volontiers qu'à nous. Il faut le dire aussi: donner à un prince de bons conseils est une tâche pénible; être le servile approbateur de tous les princes, on le peut sans que le coeur s'en mêle.
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Les historiens ont toujours distingué la Rome républicaine et la Rome impériale.
Quand il s'agit de celle-ci, tout naturellement ils suivent le pointillé que dessinent les dynasties.
Suétone écrit l'histoire des douze Césars, d'autres font celle des Antonins, des Sévère.
Mais Tacite, lui, commence son histoire à l’avènement de Tibère ; et il se proposait de la continuer jusqu'à Trajan.
Il omet César et Auguste. C'est peut-être que son génie austère et sombre, qui triomphe dans le clair obscur, était plus attiré vers les empereurs monstrueux que vers le sage Auguste....
(extrait de la préface, signée Emmanuel Berl et insérée en début de l'édition de poche parue en 1963)
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Videos de Tacite (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Tacite
Tacite (vers 58-120), l'amour de Rome et le désespoir de l'historien : Une vie, une œuvre (1999 / France Culture). En 1999, dans la collection “Une vie, une œuvre” France Culture proposait un montage d'entretiens sur l'historien romain Tacite, avec Alain Michel, Claude Nicolet, Alain Pons, Jacques Gaillard et Claude Aziza, un documentaire signé Pascale Lismonde. Photographie : Statue de Tacite (Caius Cornelius Tacitus) (vers 58-120), historien romain. Parlement de Vienne, Autriche. • Crédits : Leemage - AFP. Diffusion sur France Culture le 25 mars 1999. Tacite aura-t-il été le premier “spin doctor” ? C'est une image peut-être un peu tirée par les cheveux et surtout anachronique pour évoquer l'historien de l'Antiquité contemporain de Néron... Il reste que Tacite fut tout à la fois haut serviteur de l'état et historien, conseiller du pouvoir et témoin de son temps. Il nous a laissé pour trace la vie politique du premier siècle après Jésus-Christ. Le lecteur curieux de notre histoire qui s'est un jour laissé happer par l'exploration des célèbres “Annales” aura saisi d'emblée l'extraordinaire passion de ces pages enfiévrées où s'entrechoquent l'ambition, le goût du pouvoir, la cupidité, le calcul, mais aussi l'amour. Tacite (en latin Publius Cornelius Tacitus) est un historien et sénateur romain né en 58 et mort vers 120 ap. J.-C. On connaît peu de choses sur la vie de Tacite. Les débuts de sa carrière et son contexte familial sont désormais mieux connus grâce à l'identification quasi certaine d'un fragment d'inscription latine avec son épitaphe. L'historien romain est né probablement en 58, sous Néron. De ce fragment et de son contexte archéologique on peut supposer que le nom complet de Tacite était Publius Cornelius Tacitus Caecina Paetus. D'une des “Lettres” de Pline le Jeune on déduit qu'il était vraisemblablement originaire d'Italie du Nord, ou de Gaule narbonnaise, peut-être de Vaison-la-Romaine. Il était issu d'une famille de l'ordre équestre. On sait grâce à Pline l'Ancien que son père probable, nommé aussi Cornelius Tacitus, fut procurateur de la province de Gaule belgique. En revanche, l'épouse de son père était peut-être issue d'une famille sénatoriale puisqu'elle semble avoir été une Caecina appartenant à une famille sénatoriale originaire d'Étrurie. Premier membre de sa lignée à entrer au sénat, Tacite fut donc un homo novus. Tacite a fort probablement suivi le parcours classique de l'éducation des jeunes aristocrates romains, il a fréquenté le grammaticus, puis le rhetor et il est possible qu'il ait été l'élève de Quintilien. Ses études et ses origines lui ouvrent les portes du forum et c'est ainsi que commence sa carrière vers 75, date à laquelle il situe plus tard son “Dialogue des orateurs” : grâce à Vespasien il entre dans l'ordre sénatorial.
Sources : France Culture et Wikipedia
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