Les pires mécanismes se dissimulent parfois sous les justifications les mieux attentionnées. Voir l'écologie depuis le référentiel des pays du Sud contribue ainsi à la déconstruction d'une certaine forme d'écologie paternaliste que les pays du Nord essaient d'imposer au niveau mondial, sans se douter qu'ils propagent en même temps –qu'ils le veuillent ou non- toute une idéologie culturelle, politique et économique liée au capitalisme. Les mécanismes généraux de cette domination sont décrits dans l'introduction.
Mohammed Taleb énonce ses principales observations dont la plus importante est la suivante :
« Il ne peut y avoir de développement réel du Sud dans le cadre d'une dépendance structurelle avec les centres économiques et techniques occidentaux. »
Parlons également du terme abusivement employé aujourd'hui de « développement durable ». Si nous faisons enfin taire la langue de bois, nous devons nous poser la question suivante : que faisons-nous véritablement durer ?
« Disons-le dès maintenant, le développement durable est l'une des formes de l'écologie occidentale. […] L'environnement réduit à un ensemble de ressources matérielles, la gestion environnementale et la croissance verte sont les seuls outils que ce développement se donne. Son approche est clairement technocratique, technoscientifique, économiciste. Elle occulte la profondeur historique de la crise écologique, en même temps qu'elle réprime toutes les écologies dissidentes. »
Dans le reste de cet essai,
Mohammed Taleb a pour objectif de montrer que les peuples du Sud ne sont pas seulement de pauvres victimes immobiles de la crise écologique, incapables de se sauver sans l'intervention omnisciente et omnipotente de la civilisation occidentale, mais qu'ils sont au contraire producteurs de significations, d'analyses et de solutions alternatives qu'un peu d'humilité devrait nous permettre de considérer sérieusement.
Mohammed Taleb évoque ainsi la lutte des paysans en Inde qui se déroule avec
Rabindranath Tagore,
Vandana Shiva et les mouvements de Chipko et de la Narmada ; celle des paysans en Amérique du Sud autour de
Chico Mendes,
José Marti, le Mouvement des Sans Terre et l'association Bionatur ; les revendications des indiens en terre américaine avec la constitution de l'American Indian Movement et le Wounded Knee ; le développement d'une écologie de résistance en Palestine autour des poètes vitalistes, de la Journée de la terre et de la fondation du mouvement al Ard ; les avancées de l'écologie africaine permises grâce à Sankara et à l'Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique.
Selon
Mohammed Taleb, « il paraît indéniable que la justice écologique et la justice sociale sont deux dimensions d'un unique processus de libération ». de plus, il considère qu'« il existe un lien intime entre la dégradation du cadre environnemental et la perturbation qui existe sur le plan socioculturel (et même psychologique) ». La vraie justice sociale ne découlerait donc plus de la transposition inadaptée d'un capitalisme propre aux structures occidentales au monde entier mais dans la reconnaissance de la particularité propre à chaque civilisation. Sachant bien que le discours seulement théorique risquerait de le faire passer pour un idéaliste dénué du sens de la réalité,
Mohammed Taleb ancre son essai dans la pratique en exposant les principales réussites de l'écosocialisme.
« Plus qu'une simple alliance conjoncturelle du rouge et du vert, l'écosocialisme est bel et bien un paradigme qui entend dépasser à la fois l'environnementalisme asocial de nombreux courants écologistes et le productivisme et l'industrialisme de nombreux courants de gauche. »
Ce modeste essai ne propose qu'une partie de la déconstruction générale à laquelle travaille
Mohammed Taleb. On croisera avec profit cette lecture à celle de Science et Archétypes.
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