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Charles Nisard (Traducteur)Marie-Dominique Porée (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080706096
246 pages
Flammarion (07/01/1993)
3.19/5   16 notes
Résumé :
" Je le trouve admirable à représenter au vif les mouvements de l'âme et la condition de nos mœurs. Je ne puis le lire si souvent que je n'y trouve quelque beauté et grâce nouvelle."
Montaigne

"Tout ce que la langue latine a de délicatesse est dans ce poète." Diderot

Héautontimoruménos, comédie au titre extravagant- "Le Bourreau de soi-même" -, met en scène un père qui, désapprouvant l'amour que son fils Clinia porte à une jeun... >Voir plus
Que lire après Héautontimoruménos. Le Phormion. Les Adelphes.Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce recueil regroupe trois pièces de Térence, soit la moitié de sa production totale disponible à l'heure actuelle. On sait toutefois qu'il n'a pas dû en écrire beaucoup plus car il est mort fort jeune, même pour l'époque.

1. Heautontimoroumenos (Le Bourreau de Soi-Même en français) n'est pas une pièce spécialement comique, à l'image du restant de la production de Térence, mais plutôt une critique sociale avec certains clins d'oeil qui peuvent porter à sourire. On est loin du burlesque de Plaute, par exemple.

La critique sociale qui est adressée ici l'est à l'égard des pères trop sévères avec leurs enfants et qui oublient un peu trop facilement qu'ils ont, eux aussi, été adolescents ou jeunes un jour, et que eux aussi ont commis des imprudences ou des folies, mais qu'ils n'en sont pas pour autant des cas désespérés.

C'est étrange, cette problématique a traversé vingt-deux siècles sans jamais se faner ni ternir. Peut-être bien qu'elle touche à l'universel, à l'incompressible décalage temporel entre le moment où l'on a un fils qui entre dans l'âge adulte et le moment où l'on entrait soi-même dans l'âge adulte.

Les changements qui se sont opérés en nous créent forcément une tension qui se cristallise dans les relations parent-enfant, mais qui semblent bien être une dissonance propre à l'adulte, entre le lui de maintenant et le lui de sa jeunesse.

Cette pièce, sans être particulièrement captivante, est tout de même intéressante pour nous parler des relations sociales d'alors, très misogynes, et une relation esclave-maître, pas aussi tyrannique et déséquilibrée qu'on peut se la figurer de nos jours et qui ne semble pas si différente des relations maître-serviteur de l'Ancien Régime.

2. Phormion. Écoutez bien : Phormion. Ce nom ne vous dis rien ?
C'est pourtant une pièce que vous connaissez plus ou moins, dans ses grandes lignes. Elle a été remaniée et remise au goût d'alors par un auteur français classique. Allez, faites un effort, vous voyez de qui je veux parler. Non ? Molière, ça vous dit quelque chose tout de même. Les Fourberies de Scapin aussi, sans doute.

Et bien Scapin est né ici. D'ailleurs il est né bien plus loin que ça encore puisque Térence lui-même propose déjà un remake d'une pièce grecque d'Apollodore de Carystos intitulée, le Plaignant.

Pour être tout à fait précise, le rôle de fourbe bienveillant est ici partagé entre Phormion et l'esclave Géta, les deux concourant à faire en sorte que les fils puissent épouser les femmes qu'ils ont choisi en dépit de l'avis contraire de leurs pères respectifs.

Les deux fils en question sont Antiphon et Phédria, deux cousins, dont les pères, Démiphon et Chrémès, sont frères. Il est bien entendu question de magouille, d'amour, d'argent et même d'adultère, mais tout se finit toujours bien et les pères sont souvent les dindons de la farce, quoique, jusqu'à un certain point seulement.

3. Les Adelphes. À ce jour, c'est la pièce de Térence que j'aime le mieux : architecture solide, propos intéressant, finesse d'observation sociale, propos toujours pertinent à l'heure actuelle.

L'auteur, un Romain du IIème siècle av. J-C né en Afrique du Nord, nous offre une transcription de deux pièces grecques, l'une de Ménandre et l'autre à Diphile. Et il en réussit une fusion tellement naturelle, tellement bien sentie qu'elle devient un tout très cohérent et plaisant.

Voici donc de dyades de frères : tout d'abord, les aînés, Micion et Déméa, deux frères que tout oppose. L'un (Déméa) vit à la campagne, est rude, laborieux, économe et dit tout net ce qu'il pense. L'autre (Micion) est un citadin, quelque peu oisif, qui sait toujours arrondir les angles et qui recherche volontiers les plaisirs.

Déméa s'est marié et a eu deux fils (Ctésiphon et Eschine). Bien sûr, Micion ne s'est pas marié. Cependant, il a adopté l'un des fils de son frère, Eschine, et l'élève comme son propre fils.

On comprend vite que le contraste qui existe entre les deux aînés aura des répercutions sur la façon d'éduquer les deux fils. Et finalement, c'est là que réside l'essence même du propos de Térence : une réflexion sur l'éducation.

Dans un cas, la force, la rigueur, la morale dans l'autre la permissivité, la bienveillance, la compréhension. Ce qui me semble intéressant, c'est le fait que les deux pères sont parfaitement conscient de leurs choix éducatifs.

Micion considère qu'en créant une relation de confiance avec son fils adoptif, ce dernier ne cherchera pas à lui dissimuler une éventuelle mauvaise action. Déméa pense quant à lui que ce qui le garantira d'une éventuelle mauvaise action de son fils, c'est de lui inculquer au plus haut point les valeurs du juste, du bien et du vrai.

Je vous laisse découvrir le verdict de Térence, beaucoup plus subtil et nuancé qu'il y paraît, et qui finalement est toujours complètement d'actualité, notamment dans la tension qui existe souvent entre parents et grands-parents concernant l'éducation des enfants.

En somme, trois pièces qui ne sont pas vraiment à considérer comme des comédies, puisque leur but ne semble pas tellement de chercher à nous faire rire, mais bien plutôt à nous faire réfléchir sur le fonctionnement psychologique et social des individus. Selon moi, un bon moment de théâtre antique qui touche à l'universalité de l'humain. Mais ce n'est bien sûr que mon avis, c'est-à-dire, très peu de chose et le mieux, c'est encore de vous faire votre propre opinion vous-même.
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"Je suis la plaie et le couteau..." Baudelaire a repris, pour titre d'un de ses poèmes,ce nom "Héautontimoroumenos", celui qui se torture lui-même- et son poème, terrible, n'a rien d'une comédie..

A franchement parler, celle de Térence n'en est pas une non plus: le théâtre de Térence était destiné à un public de lettrés, le cercle des Scipion, les protecteurs de Térence, qui goûtaient une comédie délicate,raffinée, pleine de vérité psychologique et d'intrigues sophistiquées; en somme, la vraie comédie de caractère, inspirée du grec Ménandre. le pauvre Térence , il faut le préciser, n'avait plus de public populaire, et ne pouvait compter que sur l'élite pour continuer à pratiquer son art.

En effet, le public romain, assez "bourrin" dans l'ensemble, préférait les spectacles de gladiateurs ou de jongleurs au théâtre, où malgré le Prologue qui leur exposait l'intrigue avant les premières scènes, il perdait vite...son latin!!

Et si les comédies de Plaute, quelques années avant Térence, lui avaient dilaté la rate, il s'en était vite lassé, avide de plaisirs faciles et consommables -panem et circenses, du pain et des jeux, c'était vraiment sa devise !

Donc ne cherchons pas dans L'Héautontimoroumenos le sens de la gaudriole, la joyeuse poilade et les bons mots d'un Plaute, mais l'intrigue est soignée, la peinture des moeurs bien observée et les caractères approfondis quoique assez stéréotypés.

Les esclaves sont rusés et débrouillards, les courtisanes intéressées et roublardes (assez macho , la comédie latine, on est loin de la liberté de ton d'un Aristophane; dans la comédie latine, c'est: les femmes à la maison, au fond du gynécée ou au bordel, sous la coupe de la Maîtresse!). Et surtout les fils sont en butte à l'autoritarisme et l'avarice des pères..C'est la raison pour laquelle on différencie peu ou mal le répertoire de Térence, ce sont toujours, à quelques variantes près, les mêmes "fabulae": un amour contrarié, une jeune femme réduite à la prostitution , un jeune homme réduit à vivre d'expédients du fait d'un père odieux, un esclave intéressé et débrouillard qui démêle les files de l'intrigue, un bon quiproquo et une happy end, souvent fondée sur un enlèvement -les pirates, très actifs en Méditerranée- ,suivie d'une scène de reconnaissance et d'attendrissement généralisés

Il faut cependant relire Térence parce qu'il annonce le virage de toutes les comédies -Marivaux après Molière, chez nous - du comique populaire à un comique plus diffus et plus mitigé, souvent proche du drame ou de la cruauté; il faut relire aussi Térence pour retrouver tout à coup les modèles de Molière -Scapin, par exemple, dans la deuxième pièce de ce livre, le Phormion- mais Molière, lui, avait pris le meilleur de chacun des comiques latins : la subtilité des intrigues, la peinture exacte des moeurs du temps, il les prend à Térence et la "vis comica" , la "présence" des personnages, à Plaute!! Un parfait alliage!
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
CHRÉMÈS : Je crois que tu es d'un naturel à être tendre envers tes enfants, et lui à être un fils obéissant, si on le traite comme il faut, selon la justice ; mais tu ne le connaissais pas assez, et il ne te connaissait pas bien non plus ; comment cela se fait-il ? Cela arrive lorsqu'on ne vit pas selon la vérité ; tu ne lui as jamais montré toute l'affection que tu avais pour lui, et lui, il n'a jamais osé te confier ce qu'il est naturel de confier à son père. Si vous l'aviez fait, ce malheur ne te serait jamais arrivé.
MÉNÉDÈME : Oui, c'est vrai, je l'avoue ; j'ai commis une grande faute.
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MÉNÉDÈME
Je ne suis ni bien fin, ni bien clairvoyant, je l'avoue ; mais mon voisin Chrémès, qui s'est fait mon aide, mon guide, mon souffleur, l'est encore moins que moi. On peut m'appeler bûche, souche, âne, lourdaud ; toutes ces dénominations qu'on donne à un imbécile me vont à merveille ; mais à lui, point ; sa stupidité n'a pas de nom.
("L'Héautontimoruménos", Acte V, scène 1))
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CLITIPHON : Elles vont arriver bientôt.
CLINIA : Mais quand ?
CLITIPHON : Tu ne te dis pas qu'ici, c'est assez loin ; et tu connais les manières des femmes : le temps de se mettre en marche, de se préparer, il se passe une année.

(N. B. : voilà encore un cliché qui ne date pas d'hier. Soit les préjugés ont la vie dure, soit...
il y a un peu de vérité fondamentale là-dessous !)
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Géta: Depuis une heure, je vous entends tous nous accuser injustement, moi plus injustement que tous les autres. Car que pouvais-je pour vos intérêts dans cette conjoncture ? La loi défend à un esclave de plaider. Son témoignage même n'est pas reçu en justice.
("Le Phormion", Acte II, scène 1)
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Tu connais ton père, tu sais comme il est perspicace en pareille matière, et moi je sais à quel point tu es incapable de te contenir. Les mots à double sens, les airs penchés, les soupirs, les raclements de gorge, les accès de toux, les sourires, rien de tout cela !

(N. B. : je rappelle, pour mémoire, que ceci est écrit deux siècles avant J.-C. !)
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