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Câm Thi Ðoàn (Traducteur)
EAN : 9782020978231
190 pages
Seuil (12/02/2009)
4.71/5   7 notes
Résumé :

Le métro s'arrête : colis suspect. Pour la narratrice, une Vietnamienne qui vit à Belleville, le temps s'arrête aussi. Son fils s'endort sur son épaule tandis que commence un long monologue intérieur qui ne s'interrompt qu'au départ de la rame, à la dernière ligne du livre. De la vie étriquée de Hanoi postcommuniste à la banlieue parisienne où elle enseigne l'anglais, en passant par cinq ann... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Les parias du Vietnam

Thuân appartient à une génération d'écrivains vietnamiens moins marquée par les guerres que les précédentes et portant un regard qui n'est pas celui des acteurs d'un drame, même s'ils en ont subi les retombées dans leur vie et dans leur chair. Thuân vit, depuis des années, entre différents quartiers de Paris, après avoir suivi des études dans l'ex-Union soviétique, puis séjourné à Varsovie, Berlin et New York. Ses oeuvres sont publiées au Vietnam et y rencontrent un succès croissant. Ni combattante, ni militante, ni boat people, donc. Chinatown est son premier roman traduit en français.

Ce récit trouve son inspiration dans un épisode obscur de l'histoire contemporaine du Vietnam : le drame que les Chinois de ce pays ont vécu au tournant des années 1970 et 1980, au faîte du divorce — marqué par une guerre frontalière sanglante — entre Pékin et Hanoï. Les Hoas — ainsi appelle-t-on les Chinois du Vietnam — sont au ban de la société. La narratrice raconte son amour, éternel, pour Thuy. Ils se sont connus sur les bancs du lycée, à Hanoï. Elle devra se rendre en Russie pour y suivre des études supérieures. Mais ces longues années de séparations — il y en a deux — ne changent rien. Au bout du compte, ils se marient.

Thuy, toutefois, est chinois, donc paria. Au lycée, durant ces années terribles, il est tenu à l'écart, comme tous les Chinois qui ne sont pas partis. Tout le monde assure cette quarantaine : les élèves, les enseignants, la Jeunesse communiste du Vietnam... Les deux amoureux en souffrent. Les parents de la narratrice désapprouvent cette liaison : ils ont tout investi dans leur fille ; ils ne comprennent pas ; ils détestent les Chinois. Ils espéraient que les deux années d'éloignement les sépareraient définitivement.

De leur union un garçon voit le jour, Vinh. le début de la fin se noue peu après cette naissance. Thuy finit par fuir Hanoï après tant d'humiliations. La narratrice en prend acte. Elle le voit s'éloigner sans pouvoir le retenir, lui parler, le retrouver. Elle s'en va donc, accompagnée de son témoin, Vinh, qui grandira à Belleville. Elle n'a pas envie d'oublier Thuy, pas un seul instant.

Sans paragraphes, sans chapitres, le récit est d'une étonnante limpidité, encouragée par des reprises de phrases fortes et les deux extraits, qui le jalonnent, d'un autre roman, I'm Yellow. En racontant cette errance avec une grande fraîcheur, l'auteure promène son regard sur la France, la Russie, Hanoï, les Chinatown — Belleville, le XIIIe arrondissement (en France), Cholon (dans Saïgon). Elle décrit l'évolution de ces mondes à l'heure de la fin de la guerre froide et jusqu'aux années 2000. Ce qui les lie, ce qui les sépare. de la vie au jour le jour dans Hanoï la socialiste jusqu'à l'ex-Union soviétique au temps de M. Mikhaïl Gorbatchev, en passant par ses trois heures de trajet quotidien pour rejoindre le collège de la banlieue parisienne où elle enseigne. Regard de Vietnamienne, regard d'étudiante, regard d'immigrée. Dans le métro, Vinh, 12 ans, rêve du « pays le plus étendu du monde » — une « Chine sans frontières, tous les Chinatown confondus ». Il s'endort la tête contre l'épaule de sa mère, la narratrice, laquelle se demande ce que fait Thuy à Cholon au même moment. Et s'il l'aime encore.

Jean-Claude Pomonti
(Le Monde Diplomatique - 8/2009)
Lien : https://www.monde-diplomatiq..
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Une écriture au scalpel

Chinatown, par Thuân. Éditions du Seuil, 2009, 192 pages, 19 euros

La littérature vietnamienne ne se réduit pas, comme on aurait peut-être tendance à le faire en France et dans les pays occidentaux ravis d'avoir sous la main un écrivain de talent qui est aussi une exilée politique, à la seule Duong Thu Huong. Il existe aussi d'autres écrivains de haute tenue, notamment dans les nouvelles générations. En voici une que les éditions du Seuil nous permettent de lire, Thuân, traduite par Doan Cam Thi qui, même si elle n'est pas totalement inconnue (on lui doit le choix et la traduction de récits vietnamiens de 1991 à 2003 : Au rez-de-chaussée du paradis. Éditions Picquier, 2007) fait également partie des nouveaux venus en matière de traduction en français. Autant dire que pour le lecteur français, sa matière d'appréciation de la littérature vietnamienne change quelque peu. Thuân a reçu en 2008 le prix de l'Union des écrivains vietnamiens, la plus haute distinction en la matière. Est-ce à dire qu'elle nous donnerait des textes sinon lénifiants, du moins bien calés dans la mouvance politique du pays ? Eh bien pas du tout, et c'est peut-être là la première surprise que nous offre son deuxième roman, Chinatown. Ce livre dénonce avec virulence le racisme des autochtones à l'encontre des Chinois vivant au Vietnam. La dénonciation, ici, se fait au travers d'une écriture aux antipodes de celle de Duong Thu Huong : elle est sèche et d'une précision chirurgicale. le temps n'est sans doute plus aux fioritures inutiles. Autre nouveauté notoire qui pourra en surprendre plus d'un : il est bien question de Chinatown comme l'indique le titre du roman, mais duquel exactement ? Celui de Saïgon ou celui de Paris ou encore d'autres villes de par le monde ? Eh oui, le Vietnam s'est ouvert au monde et ses ressortissants voyagent et découvrent d'autres univers. Paris, New York, Berlin... comme l'auteur qui, ironie du sort, a fait ses études à Moscou, tout comme l'héroïne des Paradis aveugles, l'un des premiers romans de Duong Thu Huong. de fait, Chinatown commence dans le métro à Paris, sans doute entre Belleville et le 13e arrondissement ! La narratrice, une jeune femme que son mari chinois a quittée depuis des années mais qu'elle attend néanmoins patiemment, se lance - son jeune fils de douze ans somnolant contre son épaule - dans un long monologue intérieur dans lequel viennent se mêler les événements de sa vie et des extraits d'un roman qu'elle a entrepris d'écrire. Étrange et savante composition, très rythmée, qui vous tient à la gorge, ne vous lâche plus, et au cours duquel toutes les vérités sur soi, sur son pays d'accueil, sur celui de ses origines sont bonnes à dire. Il est même question, au détour d'un paragraphe, de la nécessité d'être exilé politiquement pour pouvoir postuler à un peu de succès littéraire... Avec Thuân, le folklore de la littérature orientale a définitivement disparu.


Jean-Pierre Han (Humanité 20/06/2009)
Lien : https://www.humanite.fr/node..
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"Un milliard de Chinois. Et moi. Et moi. Et moi." Les mots de Jacques Dutronc prennent une saveur douce-amère dans cet audacieux monologue intérieur d'une jeune Vietnamienne de Belleville. Assise dans un métro, elle se souvient de Hanoï et de son unique amour sacrifié par la guère frontalière sino-vietnamienne. du temps où le mot Chinatown lui était inconnu, maintenant qu'il est devenu son destin. Auréolé d'un grand succès au Vietnam, le texte de Thuân, qui vit à Paris, brouille les pistes entre le réel et la fiction. Elle glisse ici et là quelques pages d'un autre roman savamment mis en abîme, construit ironiquement un vrai-faux lien de parenté avec l'oeuvre de Duras, et nous livre, en toute modestie, une déchirante ritournelle de l'exil.

Augustin Trapenard

Le Magazine Littéraire N°485, avril 2009
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Une Vietnamienne de Belleville raconte ses anciennes passions humiliées pour un Chinois de Hanoi dont elle est tombée amoureuse en 1979, moment où son pays se trouvait en plein conflit avec Pékin. Elle vit aujourd'hui à Paris avec le fils qu'elle a eu du Chinois, qui lui sert de lien entre le passé et l'avenir.
Chinatown oscille perpétuellement entre dévoilement et pudeur. La narratrice se montre et se cache en même temps. Elle raconte avec retenue des sentiments intimes, n'est pas sérieuse là où il faudrait l'être, ne cherche pas non plus à tirer des larmes au lecteur. Finalement, on rit beaucoup en lisant son histoire bien triste.

Doan Cam Thi
Lien : https://www.larevuedesressou..
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Une logorrhée, des phrases répétitives jusqu'à la folie . Un récit pourtant instructif sur le Vietnam ,ses contraintes politiques et les rapports historiques aves des aliés mais dont l'intérêt est annulé par ses redondances épistolaires.
Dommage




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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Selon ce nouvel emploi du temps, Vinh et moi nous lèverons à six heures du matin. Nos toilettes terminées, nous prendrons un petit-déjeuner composé de six éléments – croissants, beurre, œufs sur le plat, jambon, saucisses, jus d’orange – pour terminer par du thé à six confitures. Soixante minutes plus tard, tandis que Vinh ira à l’école, je sauterai dans un bus pour aller rue de Tolbiac suivre un cours de kung fu et de tai chi chuan. A midi, le cours terminé, je prendrai un bain avec six parfums différents avant de boire six variétés de sirop de cannes à sucre en compagnie de mes six maîtres et soixante camarades. Six minutes après, je serai dans le salon de coiffure de mademoiselle Feng Xiao où je lui apprendrai six nouveaux mots vietnamiens tandis qu’elle m’expliquerai six nouveaux termes en mandarin. Ensuite, de la tour Olympiades, j’appuierai sur un bouton dans l’ascenseur pour atteindre six minutes plus tard le supermarché Tang Frères. A cette heure-ci, comme les habitants des soixante tours de Chinatown seront en pleine fabrication de nems, de raviolis à la vapeur et de beignets, je mettrai six minutes à peine pour choisir six pigeons congelés de la compagnie d’exportation alimentaire de Hochiminh-ville puis payer à la caisse. Durant mon voyage de soixante minutes en bus entre Tang Frères et Belleville, les six pigeons seront décongelés. A peine entrée dans l’appartement, je mettrai mon four à 260 degrés. Dès son retour à six heures du soir, Vinh fera sa toilette puis se mettra à table pour partager avec moi les six pigeons laqués accompagnés de six cuillérées de riz cantonnais. Il boira soixante millilitres de coca et moi soixante millilitres de vin rouge. Le dessert composé d’une tartre à six fruits et d’un yaourt à six vitamines terminé, nous regarderons sur M6 une émission sur la guerre en Irak. Soixante minutes plus tard, lorsque Vinh aura fini de regarder des actualités chinoises sur l’Internet, je m’assiérai devant l’ordinateur. Après avoir écrit soixante phrases à six mots, j’éteindrai la lumière, enlèverai les chaussettes puis irai me coucher. Je me retournerai dans tous les sens, ferai avant minuit un rêve de soixante minutes, puis dormirai jusqu’à six heures du matin. Là je tomberai dans un autre rêve de six minutes, puis émergerai de mon sommeil complètement. Je baptiserai cet emploi du temps 6&60 » (Chinatown p.101-102).
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... à Belleville depuis dix ans, on m’interpelle de loin : « Comment ça va, madame Âu ? ». Mon concierge d’origine portugaise, convaincu que Hanoï fait partie de la banlieue de Pékin, me lance : « Vous avez du courrier de Chine, madame Âu ». A la Cité, on m’appelle sur le haut parleur : « Madame Âu, guichet 14 ». La jeune femme au tee-shirt blanc me dit : « Madame Âu, montrez-moi vos papiers ». Dans les collèges où j’enseigne, les proviseurs et leurs adjoints me serrent amicalement la main : « madame Âu, courage ! ». Mes quarante-neuf collègues et tous mes élèves m’appellent madame Âu, mais, dans mon dos, ils me surnomment la Chinoise, la Chinoise bizarre. Il suffit de dire la Chinoise, on comprend qu’il s’agit de moi.

(Chinatown, page 94)
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A la fin de chaque année scolaire, je me dis que je vais changer de métier, que je suis prête à faire n'importe quel boulot, même celui de gardienne de prison, plutôt que celui d'enseignante. Mais les deux mois de vacances d'été terminés, je me dis qu'il vaut mieux être prof dans le secondaire que de faire partie des cinq millions de chômeurs.
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Ces jours-là. Ces jours-là, Vinh n’avait qu’un mois. Il se mettait sur le ventre. Il marchait à quatre pattes. Il se tenait debout. Thuy n’était pas là. Ses dents poussaient. Je le sevrais. Il avait la rougeole. Thuy n’était pas là. Il a eu 39 degrés de fièvre pendant une semaine à cause des piqûres de fourmis rouges. Thuy n’était pas là. Il a été hospitalisé pour avoir avalé un noyau de ramboutan. Thuy n’était pas là. Un garçon de sa crèche l’a mordu à l’oreille. Sa puéricultrice l’a puni en l’obligeant à rester debout dans un coin : ce larbin de Pékin avait osé intimider un citoyen vietnamien. Thuy n’était pas là. Il n’est jamais là.
(Chinatown, page 27)
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Je n'avais pas écrit à Thuy. Encore maintenant je ne sais pas pourquoi je ne l'ai pas fait. Je sais seulement qu'il m'était impossible de le faire. Je ne savais quoi lui écrire. Je n'ai jamais fait une confidence à quelqu'un. Je n'ai jamais tenu un journal intime. Même sous le froid le plus rude de Leningrad. Je ne savais pas pourquoi je n'avais pas écrit à Thuy. Tout en moi était obscur. J'avais peur de ne rien avoir à lui raconter. J'avais peur qu'il n'ait rien non plus à me dire. Aujourd'hui encore, je ne sais pas pourquoi. Douze ans plus tard, je n'ai toujours pas eu le courage de lui écrire. Je comprends qu'on n'écrit jamais par hasard.
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