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Adrian Tomine (Autre)
EAN : 9782360811847
162 pages
Editions Cornélius (08/10/2020)
3.75/5   36 notes
Résumé :
Alors qu'il n'est encore qu'un jeune garçon plein d'espoir, Adrian Tomine se fait une promesse : il deviendra un jour un grand auteur de bande dessinée, aussi talentueux que John Romita. Mais voilà, comment transforme-t-on un rêve d'enfant en une longue carrière de dessinateur ?
Avec beaucoup d'humour et d'autodérision, Adrian Tomine revient sur son parcours, un marathon solitaire semé de déceptions, de gaffes et d'humiliations.
De la mauvaise critiq... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Mal-être, malaise et maladresse d'un individu ordinaire
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Ce tome contient une suite de scénettes de nature autobiographique. Sa première édition date de 2020, dans un format original : à l'identique d'un carnet de note, avec une couverture toilée. C'est l'oeuvre d'Adrian Tomine, pour les histoires et les dessins.

À Fresno en 1982, le jeune Adrian Tomine, 8 ans, se tient devant la classe avec la maîtresse dans son dos et il se présente. Elle lui demande de parler de ses hobbies. Il répond qu'il dessine des bandes dessinées, et qu'il en collectionne. Elle lui demande ce qu'il veut devenir quand il sera grand. Réponse : un bédéiste célèbre, ce qui suscite quelques rires dans la classe. Elle lui demande : célèbre comme Walt Disney ? Et lui répond : non comme John Romita. Sentant la question venir, il se lance dans une présentation de qui est cet artiste qui a dessiné le plus Spider-Man, après que Steve Ditko soit parti. La maîtresse l'interrompt alors que les rires ont repris. Adrian se redresse et les traite d'idiots stupides. La maitresse calme tout le monde, mais le garçon paye cher sa hardiesse lors des récréations suivantes, subissant des humiliations chaque jour. Puis un midi, un autre garçon de sa classe vient s'assoir à côté de lui pendant le repas et lui demande s'il lit des comics. Adrian se lance dans une liste des différentes séries qu'il suit, toutes des Marvel, et il finit par interrompre en demandant à son interlocuteur si ce ne serait pas la maîtresse qui lui aurait demandé de lui adresser la parole.

San Diego, en 1995, à bord d'un avion. Adrian Tomine est assis à une place côté hublot et il se dit qu'il leur a bien prouvé : il avait dit qu'il allait devenir un bédéiste célèbre et c'est chose faite. Il a bien conscience que pour y arriver il a dû consacrer toute son enfance et son adolescence à développer son art et à le peaufiner. Mais ça en valait le coup. Il ressort une critique de sa poche : elle qualifie sa dernière oeuvre de meilleure bande dessinée réaliste du moment. Il jette également un coup d'oeil à la petite phrase de Daniel Clowes : Drawn + Quarterly conserve intact la perfection de leur catalogue en signant le petit prodige des mini-comics. Une fois débarqué, il se rend à la convention et y retrouve Eric le représentant de son éditeur qui lui tend le dernier numéro du Comics Journal, en le prévenant que leur critique n'est pas très tendre. Adrian lui répond que c'est un honneur d'être étrillé par le magazine littéraire de référence sur les comics. le soir, dans sa chambre d'hôtel, il lit l'article et il en pleure allongé par terre. Puis il ressort pour participer à la réception organisée à l'hôtel et il reprend confiance car il est vraiment parmi ses pairs. Il grince un peu des dents quand un collègue lui dit qu'il était plutôt bon jusqu'à ce qu'il se mette à imiter Clowes. Tomine rit poliment et baisse la tête. Un autre professionnel rejoint le groupe et découvre qui est Adrian. Il commence à le prendre à parti sur la manière dont Adrian a laissé tomber son précédent éditeur, tout ça pour un gros contrat avec D+Q. Il le met en garde sur les risques encourus à trahir ainsi des partenaires commerciaux. Adrian remonte dans sa chambre et s'écroule sur le lit en pleurant.

26 petites histoires entre 2 et 7 pages avec une exception pour la dernière qui en compte 33, toutes centrées sur l'auteur qui se met en scène dans chaque page, avec ses inquiétudes, ses névroses, ses angoisses, son mal-être, son manque de confiance en lui, la dépréciation de son métier par les autres, et parfois même par ses pairs, son comportement gauche d'inadapté social, son caractère hypocondriaque, etc. Tout est fait pour donner la sensation d'une vision égocentrique. L'objet est séduisant une sorte de carnet de notes avec des pages à petit carreau, recelant les pensées intimes de l'auteur. Les dessins sont réalisés avec des détourages au trait fin non repassé, avec quelques solutions de continuité dans les contours. le degré de réalisme est assez élevé, dans la représentation des environnements quand ils sont présents, et pour celles des personnages. L'artiste applique une simplification des visages qui rend les personnages plus expressifs, et plus immédiatement sympathiques. Il utilise souvent des plans taille et des plans poitrine pour se représenter en train de parler sur un fond vide, facilitant ainsi la projection du lecteur dans cet avatar de papier. Cette simplicité apparente crée à la fois une proximité avec Adrian et ses proches, et une facilité d'accès qui confine à l'évidence naturelle. le lecteur se sent à chaque fois impliqué dans ces moments banals et ordinaires, en pleine empathie avec le narrateur, adoptant son état d'esprit sans y penser. de ce point de vue, ces scénettes sont une totale réussite en termes de comics autobiographique : dans la peau d'Adrian Tomine.

À chaque fois, le pauvre Adrian Tomine se retrouve dans une situation sociale inconfortable, surtout parce qu'il la vit comme telle, car finalement sans danger physique ou psychologique. le lecteur se prend d'affection pour son avatar de papier, un tout jeune homme qui prend de l'âge progressivement, sa silhouette évoluant discrètement que ce soit sa ligne de cheveux, ou sa morphologie. Il rencontre des êtres humains aussi normaux que banals, d'âge différent. S'il est familier des bédéistes indépendants canadiens publiés par le même éditeur, le lecteur peut en identifier un ou deux, à commencer par Seth, nom de plume de Grégory Gallant. Il utilise une direction d'acteur de type naturaliste, avec capacité extraordinaire à retranscrire les petits riens du quotidien, un geste, une mimique, une posture, et bien sûr un état d'esprit. Il n'exagère ni le langage corporel, ni les expressions du visage. Il est aussi à l'aise et aussi convaincant pour montrer Adrian absolument confus et gêné au-delà du possible après avoir émis des bruits répugnants dans les toilettes, alors qu'une jeune femme l'attend sur le canapé du salon dans la pièce d'à côté, que le même individu également affreusement gêné par sa fille faisant une comédie dans sa poussette, dans un centre commercial, avec une vieille dame autoritaire venant faire la leçon aux parents laxistes. du coup, le lecteur se laisse gentiment porter par cette narration visuelle tranquille et attentionnée, même si ces scènes de la vie quotidiennes ne comportent pas d'intrigue.

Scénette après scénette, le lecteur se dit qu'il n'éprouve aucune difficulté à ressentir de l'empathie pour cet individu un peu timoré, plutôt sûr de son talent, et en même temps manquant totalement d'assurance. Il le voit prendre de l'âge insensiblement au fur et à mesure que les années passent, et continuer de s'inquiéter pour les mêmes choses, ou pour de nouvelles. Quelquefois, il se dit que Adrian se fait des noeuds au cerveau pour rien, à essayer d'éviter le regard éventuellement négatif des autres. D'autres fois, il compatît avec la situation qu'il subit : une personne qui lui succède au micro sur l'estrade et qui tourne en dérision sa qualité de dessinateur qui a ramené des images pour distraire le public, ou bien le canular du festival international de la bande dessinée, avec l'annonce d'un faux palmarès de nominé en 2016 au nombre desquels se trouve Tomine. Oui, parfois, il s'agit d'une réaction infantile ou immature comme de verser des larmes à la lecture d'une critique assassine. Encore qu'il s'agit aussi d'une réelle sensibilité à fleur de peau. Il peut également s'agir d'une petite vexation comme Frank Miller ne parvenant pas à prononcer son nom de famille lors d'une remise de prix. Et que dire de cette après-midi passée dans une boutique de comics avec Seth à attendre en vain qu'une personne se présente pour faire dédicacer un ouvrage, et se rendre compte que les seuls qui viennent sont des amis du propriétaire qui leur a demandé de passer, et qui n'ont jamais ouvert un seul de ces comics. Il se produit alors deux réactions chez le lecteur.

Tout d'abord, il éprouve de la compassion pour Adrian Tomine, en plus de l'empathie. L'auteur ne se présente pas sous un jour avantageux : au contraire toutes ces histoires font ressortir comme il est gauche au moins pire, comme il est anxieux et presque pétochard au pire. Si tous les récits sont centrés sur lui, il n'en sort pas grandi, et ce n'est pas de l'autopromotion. du coup, ce n'est pas à proprement parler de l'égocentrisme, mais plutôt quelqu'un qui parle de ce qu'il connaît le mieux : sa vie. Il règne un humour doux et discrètement dépréciateur qui neutralise toute forme d'autopromotion et d'autocélébration. La seconde réaction vient avec l'effet cumulatif de ces scènes de la vie ordinaire d'un bédéiste : le lecteur n'est pas que dans l'intimité d'Adrian, il est aussi à ses côtés pour sa vie sociale, pour tout ce qui est lié à son métier, et à sa célébrité toute relative. D'ailleurs, l'auteur a mis une phrase de Daniel Clowes en exergue relative à la célébrité d'un auteur de BD : C'est comme d'être le joueur de badminton le plus célèbre. Tout y passe : de fan collant inquiétant, à la lecture publique pathétique, en passant par la caméra qui le suit dans les allées du festival d'Angoulême alors qu'il ne comprend rien aux animations du fait de la barrière de la langue, par le cuistot qui l'a reconnu et lui fait servir une pizza au Nutella comme dessert alors qu'il est allergique aux noix et qu'en plus il doit la payer.

Que peut-il y avoir de plus narcissique qu'une petite bande dessinée où l'auteur se regarde le nombril en mettant en scène ses angoisses insignifiantes, ses petites névroses ? Certes, toutefois la douceur et la justesse de la narration visuelle séduisent et divertissent le lecteur. En outre, ce manque d'assurance proche d'être maladif résonne chez le lecteur sur ses propres inquiétudes, et lui permet d'observer l'écosystème de l'auteur de BD.
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Drôle d'effet d'avoir en main le journal intime d'Adrian Tomine. Car c'est de cela qu'il s'agit : un très joli carnet, une belle couverture, un fin fil rouge marque-page, des petits carreaux et des croquis autobiographiques présentés chronologiquement et dans un découpage identique.
L'objet est donc très réussi et le contenu est intéressant. de la naissance de son rêve d'enfant en 1982 à un passé tout proche (2018), Adrian nous raconte les doutes, les espoirs, les rêves, les angoisses…On est là dans l'intime, dans la tête de l'auteur.
Alors oui c'est narcissique, parfois agaçant et gênant, souvent drôle mais ça semble plutôt sincère et finalement plutôt attendrissant. Et puis en tant que lecteur de BD, ça interroge tout de même sur le statut de l'auteur. Adrian Tomine n'est sûrement pas le seul à souffrir d'un manque de reconnaissance, à la peur d'un avenir incertain…
Au final, chacun pourra se retrouver dans les réflexions d'Adrian Tomine, en tant que lecteur, auteur ou père, de l'intime à l'universel il n'y a parfois qu'un pas.
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Attirée par cette bande dessinée présentée comme un carnet de croquis (signet en tissu, pages quadrillées, cachet d'appartenance au début…), j'ai assez vite déchanté. On découvre ici l'autobiographie dessinée de Tomine; de son enfance et ses premiers couacs dans la vie sociale à l'âge adulte avec mariage et progéniture.

Peut-être y a-t-il eu incompatibilité d'humeur mais j'ai été exaspérée par le personnage dès qu'il entre dans l'âge adulte. Lire des prises de tête autocentrées pendant autant de pages ne m'a ni distrait ni amusée. J'ai même failli abandonner en cours de route.

Pas ma tasse de thé.
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A quoi ressemble la vie d'un auteur de bd ? Il y a de glamour dans cette profession ou ils passent la journée habillés en pyjama ? Ils ont tous la grosse tête à cause des conventions ? Ce sont des adultes qui n'ont pas su grandir ?
Si vous lisez ce livre vous saurez tout !
J'ai rarement lu une plongée dans les pensées si authentique. le pathétique et le minable, l'insécurité, la fragilité de l'ego. Tout est dedans.
Le récit est parfois monotone mais je le recommende.
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critiques presse (3)
Bedeo
24 décembre 2020
Un regard autobiographique caustique sur le monde de la bande dessinée et le métier, difficile et solitaire, de dessinateur.
Lire la critique sur le site : Bedeo
FocusLeVif
04 novembre 2020
Même reconnu au-delà de la profession -Jacques Audiard et Céline Sciamma travaillent à une adaptation de ses récits-, Tomine reste un grand anxieux.
Lire la critique sur le site : FocusLeVif
BoDoi
12 octobre 2020
Les mimiques gênées et le découpage du récit, avec ses chutes toujours abruptes, enferment avec lui lecteur dans ces moments de malaise. Ce qui en fait de ce recueil joliment édité sous forme de carnet de bord un travail de catharsis à la fois drôle et cruel, jamais vraiment léger, mais pétri d’honnêteté.
Lire la critique sur le site : BoDoi
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Un merci tout particulier à tous les marathoniens de la bande dessinée qui, à travers leur travail, leurs conseils et leur exemple, m’ont tout appris.

Remerciements, p. 165
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- Et qu'est-ce que tu veux faire quand tu seras grand Adrian ?
- Dessinateur célèbre.
- Voyez-vous ça ! Célèbre comme Walt Disney ?
- Non. Comme John Romita.
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Videos de Adrian Tomine (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Adrian Tomine
Au sommaire de cette première partie d'émission, deux films à voir en salles :
- "Les Eternels" de Chloé Zhao Dans l'économie narrative des comics Marvel, "Les Eternels" ce sont des super-héros d'avant les Avengers, avant Spiderman, Ironman, Captain America et compagnie. Plus archaïques, ils datent d'avant la création de notre univers, et obéissent à un Dieu cruel et juste, comme il se doit. Il y a Thena, déesse De La guerre, Ikaris, qui vole et qui est très fort, Phastos, grand inventeur, et puis Sersi, l'héroïne, dont on ne sait pas très bien quels sont ses pouvoirs mais elle est au coeur de ce qui se passe.
- "Les Olympiades" de Jacques Audiard Avec Céline Sciamma et Léa Mysius au scénario, ce film est l'adaptation de trois nouvelles graphiques de l'auteur américain Adrian Tomine : "Amber Sweet", "Killing and dying" et "Hawaiian getaway". L'histoire est celle de trois filles et un garçon, quatre amis, parfois amants, souvent les deux, dans le quartier des Olympiades du treizième arrondissement de Paris. Un chassé-croisé cinématographique qui rassemble au casting Lucie Zhang, Makita Samba, Noémie Merlant et Jehnny Beth. le film fut présenté en compétition au Festival de Cannes 2021.
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