Trois rencontres (1852). Cette nouvelle initialement dénommée le Vieux Domaine, l'une des plus courtes de
Tourguéniev, peut être rapprochée de la pièce Un Soir à Sorrente qui date aussi de 1852 car l'écrivain y revient également sur son séjour à Sorrente en 1840. le récit commence un soir en Russie, dans la région giboyeuse de Glinnoïé. le narrateur descend chez le vieux Loukianitch, l'«hôte bienveillant» chez qui il a l'habitude de faire halte. Par une belle nuit d'été, il admire la nature, la lune, les étoiles, les arbres, objets de superbes descriptions, quand il revoit une belle inconnue qu'il avait vue lors d'une autre nuit d'été, à Sorrente, au bord de la mer, et qui chante le même air qu'à l'époque. Un peu plus tard, il revoit un cavalier qu'il avait aussi vu à Sorrente, et qui entre dans une maison. Ces coïncidences l'intriguent, et le récit se poursuit sur un mode qui annonce les nouvelles fantastiques des dernières années de l'écrivain. le narrateur interroge Loukianitch et les gens du village pour en savoir davantage sur cette belle inconnue, mais il n'en apprend rien. Il finit par se cacher dans les taillis pour la voir passer, de manière éphémère. Elle passe à cheval et s'en va, comme si elle fuyait un amour malheureux. La nouvelle aurait pu s'arrêter là, mais l'auteur aime les épilogues décalés dans le temps. Un peu plus tard, le narrateur revient chez Loukianitch, et un jeune garçon lui apprend qu'il s'est pendu sans que nul se puisse deviner pourquoi. On s'interroge sur cette mort qui en décalage avec le début, bien plus poétique.
Quatre ans après, à St Pétersbourg, le narrateur se rend au bal de la noblesse, y rencontre sa belle inconnue, et se fait connaître. Elle l'entraîne hors de la salle et lui raconte tristement qu'elle avait rencontré l'inconnu à Sorrente et qu'il l'a abandonnée. Elle est russe mais ne veut pas dire son nom. Dans la première version, en 1852, elle dit que sa mère était italienne, précision qui tombe en 1856. Peu après, ils retournent dans la salle de bal et voient passer l'homme aux bras d'une femme qui les toise avec dédain. L'inconnue de Sorrente s'arrache alors des bras du narrateur et s'enfuit. Il apprend que l'homme est étranger. Il pourrait retrouver le nom de la femme, mais renonce. Elle restera pour lui comme
un rêve.
La nouvelle oppose une situation vécue au présent en Russie à une autre, vécue au passé en Italie, chaque fois par une chaude nuit d'été remplie d'odeurs de la nature. La similitude est prétexte à décrire les différences entre les deux lieux. La lune et les étoiles ne brillent pas en Italie comme en Russie. L'inconnue, encore épanouie en Italie, ne l'est plus en Russie. Et les essences d'arbres ne sont évidemment pas les mêmes dans les deux pays.
Tourguéniev oppose deux types de paysages, comme il aime confronter deux types sociaux, ou encore la ville et la campagne. le premier voyage de
Tourguéniev en Italie date de 1840, et neuf ans avant
Trois rencontres, dans Paracha (1843), il avait déjà comparé ses sensations d'une journée chaude dans les deux mêmes pays. Plus tard, Une Correspondance (1856) est l'occasion d'une autre comparaison entre les deux pays, mais cette fois centrée sur la vie des habitants.