ma démarche n'est pas tant d'exprimer une critique concernant ce roman du genre western, le seul qu'ait jamais produit,
semble-t-il, Rodney William Whetaker, un curieux personnage qui publia, paraît-il ses premiers romans sous différents pseudonymes
(
Trevanian) et pour un coup d'essai, cet auteur que j'ai découvert seulement à la lecture de Twenty Mile, à réussi un grand livre,
mais on est loin, d'auteurs qui se sont essayés, eux aussi occasionnellement à la littérature des grands espaces, comme
Daniel Woodrell, qui en dehors de ses romans déclinants la misère et la violence des communautés isolées des Monts Ozarks,
a produit un western grandiose, "
chevauchée avec le diable", le fim qu'on essaya d'adapter n'avait pas la qualité du roman,
mettant en scènes pendant la guerre de Sécession, des milices privées qui luttent contre les envahisseurs nordistes,
on peut citer aussi
James Lee Burke (
Texas forever) ou Cormack McCarthy (Méridien de sang) et quelques Burnett (fureur Apache)
et
Elmore Leonard (chasseurs de primes) qui mélangeaient les genres, polars et westerns
et encore au-dessus on trouve les maîtres du genre,
Ernest Haycox (
le passage du canyon) dont
Ernest Hemingway avouait
ne lire le journal, uniquement quand il publiait un feuilleton de Haycox, ou encore
Alan le May et
A B Guthrie
pour revenir à Twenty Mile, j'ai apprécié (littérairement bien sur) le personnage de Lieder "enfant brisé" par un pére alcoolique qui le battait
et l'humiliait au point, que pour échapper à une mort lente, il s'enfuit et devient un hors la loi qui au fil du livre, se sentit investit d'une mission
messianique : débarasser sa chère Amérique de tous les immigrants que les banquiers de Wall Street faisaient venir par bateaux entiers
pour réduire les couts de leurs manufactures en les mettant à la place des ouvriers américains réduits à la mendicité.
il devait lutter contre, "cette conspiration cosmopolite" qui était selon lui le fait des nations européennes qui a défaut de lutter face à face
avec "la plus grande nation aryenne du monde" en leur déclarant la guerre, lui envoyaient "la lie de leurs caniveaux et de leurs ghettos
pour affaiblir notre esprit national, pour diluer notre lignée pure dans un afflux de sang dégénéré"
fermez le ban,
à partir de cet instant, tout lecteur averti commence à se poser des questions, un tel discours même à travers un personnage romanesque
complément fou, pervers, cruel et désaxé, est trop désagréable à entendre, pour que l'on ne s'interroge, d'autant plus ce discours
est d'une teneur moderne, en décalage avec le reste des dialogues tres proche du concept hautes plaines et FarWest
et le personnage, (je ne veux pas, encore parler de l'auteur), continue de marteler son discours raciste antisémites et xénophobes
"chaque immigrant que l'Europe nous envoie, les rends plus riches et plus forts, car ils se débarrassent de leurs vermines,
tandis que nous, nous appauvrissons"
et son message de haine continue la page suivante
"les Irlandais catholiques les juifs et les mexicains se multiplient tellement vite, que bientôt ils nous surpasseront en nombre et ils éliront
l'un d'entre eux, à la Présidence de nos Etats-Unis! vous imaginez les Amréricains blancs et Protestant sous les ordres des immigrants »
quand on lui fait remarquer que tous les américains sont des immigrants, il s'emporte et exige que l'on fasse la distinction
« Nos ancêtres étaient des colons, pas des immigrants ! Et il y a un monde de différence un colon et un immigrant, les colons sont venus
pour ouvrir des clairières dans les bois et ensemencer les vastes prairies, ils ont mêlé leur sang et leur sueur à cette terre généreuse, alors
que les immigrants sont venus récolter et voler ce que nous avions semé
Maintenant il me semble que les dialogues du personnage fou appelé Lieder sont hors-sol, ils sont trop contemporains pour constituer
des propos vraisemblables tenues à cette époque, nous sommes en 1898
Alors pourquoi
Trévanian les fait-il tenir à Leider coincidence? anachronisme volontaire ? ou message subliminal partisan?
ce discours est celui du Klan, des néo-nazis américains et des suprémacistes blancs, (mais aussi de tous les partis populistes européens)
pour finir le complot juif,
c'est toujours LIeder qui prend ses otages à témoins
"dites-moi ! combien de fermiers juifs vous connaissez, ou de pêcheurs juifs, de mineurs juifs, de bûcherons juifs? pas un seul! et pourquoi ?
parce que les fermiers, les pecheurs, les mineurs, les bûcherons, eux ils créent la richesse de la nation, alors que les Juifs sont venus
pour se goinfrer"
là on se croirait , en France, a peu près à la même époque, celle où régnaient les ligues d'extrêmes droites nationalistes ou à un meeting
de l'Action Française de Maurras et
Léon Daudet, avec en guest stars, les Croix de feux du colonel de la Rocque et les Camelots du Roy
qui entonnaient a capella "la France aux Français"
Vous comprenez, que nous puissions nous poser des questions !
Ce ne peut être quand même l'auteur qui s'exprime à travers son personnage ?
le doute existe, s'est-il caché derrière ce néo-nazi avant l'heure pour exhaler ses miasmes morbides?
Je sais que révisiter l'histoire est un des plaisirs du moment et que certains lobbys y trouvent leur compte, mais si je suis opposé
au révisionnisme (dans les deux sens) et au déboulonnage des statues, j'ai le droit de me poser des questions, quant à l'engagement
politique de cet auteur qui pour moi restera encore plus énigmatique encore, je n'ai aucun compte à régler, je continuerai naturellement
à apprécier le roman western
Alain Nicolas
Paris, le 25 septembre 2020
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