Bernard Bastide, spécialiste de Truffaut et du cinéma a compilé ici les entretiens que Truffaut a donnés à la télévision à
Jean Collet,
Jérôme Prieur et José Maria Berzosa. le principe était simple : on visionnait une courte séquence d'un des films de Truffaut et celui-ci commentait sa mise en scène, ses idées par rapport au film en général, d'où le sous-titre "la leçon de cinéma".
Que retient-on de l'ensemble? Arrivé un peu par étapes au cinéma (pour ne pas dire par hasard), Truffaut a vite créé sa propre vision en mettant en scène une partie de la littérature qu'il a lue (on retient
Henri-Pierre Roché ou
William Irish) ou qu'il a créée à partir de faits-divers (la peau douce) ou de sa propre enfance (la série des Doinel).
C'est le cinéaste des histoires d'amour compliquées (Adèle H, Les
deux Anglaises et le Continent, La femme d'à côté) et chaque fois il essaie d'inverser le processus, de faire le contraire ou le pendant du film précédent. Des fils rouges apparaissent forcément dans tous ses films : l'amour, les femmes, les hommes maladroits (Doinel et les personnages incarnés par le très regretté
Charles Denner), la mort et l'enfance. C'est, avoue-t-il, un des rares réalisateurs à l'aise avec les enfants lors du tournage par exemple de "l'argent de poche" car dit-il, les enfants, comme les acteurs non-professionnels, ne jouent pas pour une carrière et sont donc plus naturels. Une fois l'aventure du scénario lancée, c'est un film qu'il faut mener jusqu'au bout quoi qu'il en coûte à l'instar du réalisateur de "la nuit américaine" du film dans le film, qui continue malgré la mort d'un acteur.
Et puis on y parle de ses acteurs fétiches (Léaud, Laffont, Denner,
Deneuve…) et on apprend -du moins je l'ai appris dans ce livre- que "la femme d'à côté" racontait l'histoire d'un amour du passé, comment se comportaient les personnes concernées lorsqu'ils se revoyaient par la suite mais c'est surtout inspiré de sa relation avec
Catherine Deneuve.
C'est technique aussi. Truffaut s'auto-critique, trouve certains plans présentés franchement mauvais, il ne les retournerait plus du tout comme ça! C'est le cas par exemple de l'arrivée de Julie dans la "Sirène du Mississippi". Truffaut confie que dans le film, seuls les personnages lui importent, écrit souvent ses scénarios en collaboration et dans l'urgence (une scène de "la nuit américaine" avec
Nathalie Baye en script, l'illustre parfaitement) et parle peu du placement de la caméra, "la caméra suivra"…Il pense aussi que la couleur a créé un problème supplémentaire par rapport au noir et blanc, qu'on est obligé d'en tenir compte et que le passage du noir et blanc à la couleur a suscité moins de débat que celui du muet au parlant. Bref, voilà quelques aperçus de cette "leçon de cinéma" par ailleurs abondamment illustrée par les photos des scènes des films diffusés et aussi par les notes manuscrites de Truffaut ou les tapuscrits des scènes. Un beau document à recommander à tous les amateurs de ce réalisateur.