Rose derrière le rideau de la folie ou comment démystifier ce mal. C'est une curiosité littéraire. Première surprise, c'est un album, avec des dessins partout (j'y reviendrai plus bas), parfois qui couvrent toute les pages, ne laissant que quelques mots percuter. Deuxième surprise, c'est de la poésie. Bien malgré moi, j'associe encore beaucoup les
poèmes aux beaux et jolis sentiments, aux paysages bucoliques, aux actions héroïques d'une autre époque, bref, à quelque chose de précieux. Pourtant, ce n'est pas comme si les classiques possédaient l'exclusivité sur cet art ? Quoique, en écrivant ces mots, je me rends compte que les poètes maudits et
Anne Hébert ont écrit un rayon sur des thèmes comme la folie et la violence.
Ainsi donc, Élise Turcotte s'y est mise également. J'ai lu deux ou trois autres de ses oeuvres, des romans. Ce ne fut pas des coups de coeur mais on y propose des personnages à la fois ordinaires (ils pourraient être monsieur ou madame-tout-le-monde) et pas ordinaires (ils se questionnent davantage que monsieur ou madame-tout-le-monde, leur recherche de bonheur leur fait vivre des péripéties inhabituelles). Il y a toujours ce décalage qui fait en sorte que chaque lecture de cette auteure est une aventure en soi.
Avec
Rose derrière le rideau de la folie, c'est pareil. On y retrouve Rose, une adolescente qui partage son vécu, son ressenti, ce qu'elle aime et ce qu'elle déteste, les impressions que lui laisse son environement. Ce n'est pas toujours cohérent, linéaire, mais c'est un peu ça le propos. Ainsi, ne cherchez pas d'alexandrins et, s'il y a des rimes, elles ne sont pas riches, surement accidentelles. Et c'est bien ainsi. le reste de l'album comprend aussi des listes (ce qu'elle déteste, ce qui lui fait honte), une traduction d'une chanson, une pétition, une suite de lettres incompréhensibles. C'est peut-être un peu tout ça qu m'a fait réagir vivement au premier coup d'oeil. Puis, je me suis imaginé que ce recueil pourrait être le journal intime de l'adolescente, dans lequel elle gribouille toutes les idées qui lui passent par la tête, ses émotions, ses questions, ses déchirements, les aventures qu'elle vit avec d'autres jeunes qui croisent sa route Julie, Daniel, Trevor, Stéphanie et Cindy, lesquels combattent leur propres démons (trouble obsessionel compulsif, anorexie, automutilation, etc.). Cet album, c'est leur quotidien tel que Rose le perçoit.
Et que dire des dessins de
Daniel Sylvestre ? À premier abord, les gribouillis, les formes abstraites, les dessins approximatifs, les collages d'illustrations, tout ce mélange, je le trouvais étrange. Puis, je me suis dit que ça allait avec le propos, avec ces personnages d'adolescents en mal de vivre, aux limites de la raison. Des objets brisés, des animaux décapités, des humains déformés... Certains crieraient «Beurk !», d'autres louangeraient son originalité. Sa marginalité. Peut-être Rose se voit-elle à travers eux ? Peut-être traduisent-ils son malaise tout autant que sa vision du monde ? Dans tous les cas, l'ensemble est très réussi.