Fin de journée pluvieuse, luminosité automnale, tu te réfugies dans le velouté d'un livre inentamé, lové au creux de ce fauteuil qui fut bien des fois le témoin de tes égarements sensuels dans le corps à corps des cambrures encrées...
Tu n'amorces pas encore la rencontre, bridant entre tes mains l'objet de ton désir, laissant la rigidité du papier s'imprimer de l'humidité de tes rêveries...
On t'avait averti sur le déroulé de la soirée, ce sera l'histoire d'une ville immergée par une marée déliée, quelle aventure en perspective !
Subitement, tu te saisis de l'incipit, comme on plonge dans le regard d'une inconnue aux charmes incertains, prêt à voguer entre les ritournelles d'un accent étranger, à corrompre le compromis de la réalité sous le souffle d'un ouragan chuchoté... tes pensées perdent en cohérence ce qu'elles gagnent en intensité... tu te sens léger ; quelques bruits extérieurs sont intégrés à ton voyage ; tu sursautes !
Il s'apprêtait à lire un roman épique. Mais c'est trop tard, il sombre, sans fin, dans un demi sommeil ombrageux. Se déroule alors un récit poétique, tel un songe à la perspective insaisissable - ses yeux lisent en ellipse un langage onirique qui cisèle le labyrinthe du temps.
Je cavalcade sur les vagues, à contre-courant, je souris aux étoiles (mon sourire leur parviendra dans quelques millions d'années, si tant est que la lumière daigne le leur annoncer), je suis si léger !
Des racines anciennes reprennent vigueur, sur son nombril un cylindre restauré palpite au rythme du Coeur-Océan, les arabesques littéraires régénèrent les cellules utérines et dissimulent le lecteur dans le ventre maternel.
Je suis environné d'abîme. Mes paupières sont si lourdes, scellées. Je ressens le bien-être dans des zones de mon corps pas encore formées. Je jongle avec des pensées colorées, au-delà des vocables j'atteins ce lieu éphémère où tout n'est que potentiel, embryon de concept.
Je suis... un livre flottant.
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Acheté par curiosité dàns une libràirie qui affichait des notes sur des livres proposes à là vente, je n'ai jamais réussi à lire ne serait-ce qu'un tiers de ce livre: trop décousu, trop fantaisiste peut-être ... en tout cas, pas pour moi. Je constate avec surprise qu'il n'a été presque pas lu car aucune critique parue sur Babelio ni autres sites du même type....
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Que pouvais-je savoir à ce moment de ce qui se passait dans la tête de mon ami ? Quand connaissons-nous réellement quelqu'un ? Questions fausses, si on y regarde par deux fois. Notre intuition ne se trompe pas. Bien sûr que nous savons, bien sûr que nous pouvons savoir. Nous nous dénions la connaissance parce que ce que nous ignorons en réalité, c'est le bon moment pour accepter notre intuition.
in Le livre flottant, Leonardo Valencia.
On a trop compté sur la routine assainissante de la marée. Les déchets laissaient des résidus qui se déposaient dans le fond, une pluie de poussière sous-marine qui ne repartirait jamais : le limon. Quand les gens se sont réveillés du rythme hypnotique des marées et de leur négligence, le marais était devenu ce que Craytran a dénommé "pages noires". Il était impénétrable comme un écran de télévision éteint.
Des paysages de bataille sur des plaines de papier blanc - écrit Caytran. Il reste à y écrire le visage de mon adversaire.
Même ce qu'on oublie - écrit Caytran - a une dernière chance : revenir comme recours inespéré.
Mon stylo est un couteau et ma main, sauvage, déchaînée, se venge du papier et surtout des mots en les lacérant, en blessant l’échine blanche de cet animal qui se tapit pour souffrir les sangsues verbales.