En 1983, soit dix-sept ans après l'avoir abandonné tout seul sur une plage,
Jack Vance reprend le personnage de l'astucieux Cugel là où l'a laissé. Un deuxième retour à la maison et une deuxième vengeance sur cette Terre qui n'en finit pas de mourir sont à raconter.
Dans l'ensemble le style est similaire – il m'évoque d'ailleurs furieusement le peu que j'ai lu de Dickens – mais l'accent est plus nettement porté sur la roublardise que sur la magie. Cugel a affaire à chaque pas à des personnages de rencontre aussi égoïstes et retords que lui. Les échanges venimeux menés sur le ton de la conversation, les quiproquos et les manigances sont plus structurés, plus aboutis que dans «
Cugel l'astucieux ». le point faible est qu'ils durent un peu trop longtemps. Je n'ai pu m'empêcher d'émettre quelques soupirs de temps à autres face à une certaine répétitivité de situation.
Hormis qu'elles dépassent un peu la taille critique, les péripéties Vanciennes de Cugel nous décrivent des techniques et des sociétés toujours étonnantes. Par exemple ces navires qui utilisent la force motrice d'immenses vers permettant à Cugel d'exercer l'excellent métier de vermier. Par exemple cette île où les hommes sont obligés de se dissimuler sous des voiles et des capuches afin d'éviter de provoquer des élans de désir incontrôlables chez les femmes (inversez les genres, ça vous rappellera quelque chose).
Les femmes n'ont pas un rôle prédominant, comme dans la plupart des Vance, mais il est clair que l'auteur cherche ici à tailler des croupières aux hommes qui les traitent au mieux comme des esclaves ménagères et sexuelles. du coup j'en suis venu à me demander s'il ne fallait pas revoir ses saillies machistes avec un second degré très apparent dans ce roman.
Cugel parcourt donc à nouveau son monde mourant et ubuesque où règne la devise « un pour un, tous pour moi », parfois victorieux (à la Pyrrhus), parfois perdant. Mais comme le coyote qui cherche à bouloter bip bip, les vicissitudes glissent sur son âme trempées dans l'optimisme brut. Il nous divertit. Il nous amuse. Idéal pour les fêtes de fin d'années.