AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782246851943
224 pages
Grasset (17/02/2016)
4/5   7 notes
Résumé :
Centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, été 2013 : près de deux ans après le tsunami qui provoqua l'arrêt des réacteurs, l'inondation de la centrale et des explosions en série, sur une terre contaminée, des dizaines de grues, pelleteuses, bulldozers et des milliers de silhouettes anonymes s’affairent pour tâcher de réparer la catastrophe qui a déjà chassé plus de 200 000 personnes de la région du Tohoku. Qui sont ces ouvriers courbés et silencieux, occupés à ramass... >Voir plus
Que lire après La désolationVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
10 ans après, il y a toujours entre 4 et 6000 ouvriers qui quotidiennement viennent travailler sur le site nucléaire de l'entreprise Tepco à Fukushima (cet ancien géant de la production d'électricité – longtemps même le plus grand producteur privé au monde – a été nationalisé en juin 2012).
10 ans que pour gérer cette désolante catastrophe on bricole, on sacrifie, on se sacrifie.

Le gouvernement japonais aimerait tellement tourner la page (cf les JO comme symbole d'un retour à la normale) et faire oublier quelques mythes « japonais » : la sécurité par exemple ! Ou encore : « la grande solidarité en vigueur dans le milieu du nucléaire. Cet unanimisme lénifiant et cette confiance parfois irraisonnée au sujet de la sécurité de la filière, sur le refus, jamais formulé, mais réel et répété, de mener un débat ouvert sur les centrales nucléaires » (p.182)

Suite à la catastrophe, certains sont passés de l‘aveuglement à la défiance. La complaisance est propre au milieu nucléaire nippon. Genshimura ou le village nucléaire nippon, qui « s'est affairé à bâtir le mythe de la sécurité et de l'usage pacifique de l'atome depuis la cellule villageoise jusqu'au sommet de l'état. » (p. 198) Et même si certains s'en offensent il y a une « continuité logique » (p.200) entre l'acte guerrier et l'accident industriel. Et à bien y réfléchir, le même monde a produit Hiroshima, Nagasaki, Tchernobyl, Fukushima.

Le livre du journaliste Arnaud Vaulerin, alors correspondant pour Libération, se consacre aux débuts de cet après (« le temps des sauveteurs est fini. Maintenant au tour des nettoyeurs, des décontaminateurs », p. 15) soit depuis le début de l'année 2013 ; cette enquête s'étalant sur deux ans.
Il décrit ce qui existe et gangrène toute industrie nucléaire (quelque soit le pays), empêchant toute transparence : la loi du silence. Silence de ceux sur qui a enquêté le journaliste, les ouvriers dont il fait le portrait, ces hommes dont il cache l'identité : « il règne un climat de peur et de pression. Plusieurs de ces collègues avaient vu leurs contrats s'achever brutalement » (p. 117). Pas de clou qui dépasse au Japon : « on se tait et on encaisse. » (p.95)

Sacrifiés ces ouvriers : ce n'est pas beau ce qui se trame dans la sous-traitance (sous payés, pas de vrais contrats ni de détails sur les missions, mauvaise protection sanitaire) : « les lois sur la sécurité de l'emploi et le travail intérimaire ont été violées à plusieurs reprises » raconte un syndicaliste (p.114)
Mais beaucoup arrivent à Fukushima parce qu'il faut bien vivre, et ferment les yeux pour garder un boulot, ou s'habituent : « au départ, tu as peur pour 10 microsieverts. Et puis très vite, plus rien. Tu t'habitues à toutes ces normes, tu oublies. Mais il ne faut pas s'habituer, il faut avoir peur. Après, si tu es normal, tu arrêtes vite ce travail et tu t'en vas. » (p.133)
Tepco refile le boulot à la sous-traitance (« en privilégiant le moins-disant social », p. 162), et se dédouane : l'entreprise « est en haut d'une pyramide dont elle ne voit ni les fondations ni les centaines de bras qui la portent » (p. 118). Face à cette course aux profits que font certaines de ses boites de sous-traitance, gouvernement et Tepco ferment les yeux.
L'argent pour ces hommes passe avant tout, avant leur santé, et comme le rappelle Arnaud Vaulerin, au Japon, on ne se singularise pas, on ne se démarque pas du groupe : très peu évoqueront leurs santés. Et toujours le risque du licenciement. Ils sont jetables (cf p. 36), corvéables, leur « corps semble être devenu un outil, un maillon de la grande machinerie, une pièce détachée que l'on change quand elle ne fait plus l'affaire. » (p. 132)

Et quand il est rappelé qu'au début des opérations de sauvetage il n'y avait quasi pas d'appareils de mesure de la radioactivité !
Ce n'est qu'un exemple du Bricolage, de l'Incurie, du Laxisme…
Que l'entreprise Tepco soit un mouton noir ne date pas d'hier (cf ses violations des règles de sécurité depuis les années 70 rappelées au chapitre 11). Il faut ajouter que son discrédit s'est aussi reporté sur ses employés qui ont pris de plein fouet le rejet de la communauté, l'ostracisme ( cf portrait d'un ancien cadre au chapitre 9).

Ce n'est pas le seul problème, mais il a ses conséquences quand on sait le nombre d'ouvriers que réclament le site, mais la mauvaise paye entraîne de mauvaise embauche, de mauvaise motivation et au final un travail vite fait mal fait.
Comme dans ces opérations de démantèlement, les ingénieurs découvrent de nouveaux problèmes et s'adaptent constamment, comme à ces opérations il faut rajouter les retards dus à l'actuelle pandémie, du retard il y aura. de Fukushima on parlera très longtemps encore.
Et je ne parle même pas ce que pourrait entraîner un nouveau tsunami pour ces centrales installées si près du rivage ! Mais l'industrie nucléaire a pensé à tout… n'est-ce pas ?
Commenter  J’apprécie          00
Chacun a encore en mémoire le drame de Fukushima, avec ses vies dévastées et ses illusions perdues. Très vite, les médias ont minimisé la catastrophe, le gouvernement japonais a affirmé maîtriser la situation et les milliers de travailleurs qui se sont efforcés de stopper les réacteurs et de calfeutrer les brèches de la centrale nucléaire ont été qualifiés de héros. En allant à la rencontre de ces citoyens volontaires ou contraints de traquer les fuites, de démanteler l'usine et de ramasser les déchets radioactifs, Arnaud Vaulerin s'est attaché à décrire des portraits d'hommes et de femmes exposés aux radiations mortelles par patriotisme ou par nécessité financière. Lors de son enquête, il a découvert tout ce que les télévisions ne nous ont jamais raconté. Sur le site règne l'anarchie, avec des bricolages qui ne résisteraient pas à une nouvelle secousse sismique. Visages sans voix et silhouettes sans noms, l'auteur leur rend un vibrant hommage et rappelle que, même si le problème semble aujourd'hui plus ou moins circonscrit, personne ne connaît la gravité des risques encourus sur le plan médical. Après les enfants d'Hiroshima nés avec des maladies génétiques, que deviendront ceux de Fukushima ?
Commenter  J’apprécie          00
Bien, très bien même, mais parfois des longueurs.
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
« On ne parle pas assez de ce qui se passe ici. Les ouvriers de Fukushima sont abandonnés. Ce sont des humains jetables. On les prend, on les utilise et quand on ne peut plus s'en servir, on les jette. Moi aussi, je suis jetable. »

Qu'est ce qui a changé depuis ce 11 mars 2011, jour qui rendit Fukushima célèbre mondialement suite à un immense tsunami décimant la centrale nucléaire éponyme ? 50 km de terres familiales abandonnées, des carcasses architecturales gisantes, éparses. Un no man's land gouverné par un halo atomique mortel.

Le Japon tente de panser cette plaie béante, briseuse de leurs plus grandes ambitions technologiques et scientifiques. Pour cela, des milliers de bras se relayent chaque jour afin s'estomper les ravages incommensurables du sinistre. Plus de 4000 forçats travaillant dans un périmètre de 50 km et cela jusqu’au moins 2040.

Rencontre progressive avec ces « humains jetables », ces hommes réduits à mener à bien un processus de décontamination dont ils seront les premières victimes. Arnaud Vaulerin à décidé de les faire parler. Briser les frontières, casser ce mutisme imposé par un Etat prosélytique. Travail laborieux face aux craintes de licenciement ou de dénonciation. A travers ces confessions apparaissent bon nombre d'accidents passés à la trappe, des conditions de travail déplorables et bien souvent du personnel peu qualifié et abusé. La menace nucléaire appesantit l'air, danger aveugle et ineffable dont les véritables ravages ne se matérialiseront que dans une image future des moins prometteuses.  
Commenter  J’apprécie          40
Plusieurs fois, je suis retourné à Iwaki, Hirono, Naraha, Tomioka et j'espérais croiser Shota. Souvent, Ryusuke envoyait un SMS quelques jours avant notre venue. Parfois Shota y répondait. Un matin, il nous a appelés, expliquant qu'il avait trouvé du travail sur un chantier à Ibaki, au sud de la préfecture de Fukushima. Sa femme et son garçon étaient toujours à Yokohama chez des proches. Lui enchaînait les missions et les petits boulots. On ne le verrait pas cette fois. Puis, Shota est devenu fuyant. Il ne répondait plus aux messages, ne prenait plus les appels. Il a finalement rappelé en juillet 2014. Nous étions à Namie avec un autre ouvrier de la centrale. Au téléphone, il s'est excusé pour ses silences et ses absences de réponse. Il était inquiet, tendu. Dans son entourage, disait-il, il y avait beaucoup de suspicion. Un ouvrier qui avait trop parlé, sans que l'on sache à qui, avait été licencié du jour au lendemain. Shota redoutait par-dessus tout qu'il lui arrive la même chose, lui qui disait "avoir vraiment besoin d'argent pour vivre". L'a-t-on suffisamment rassuré cet après-midi là ? Il n'a plus jamais répondu à nos messages et coups de fil. La peur l'a emporté.
Commenter  J’apprécie          00

autres livres classés : îlesVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Autres livres de Arnaud Vaulerin (1) Voir plus

Lecteurs (14) Voir plus



Quiz Voir plus

Quiz sur l´Etranger par Albert Camus

L´Etranger s´ouvre sur cet incipit célèbre : "Aujourd´hui maman est morte...

Et je n´ai pas versé de larmes
Un testament sans héritage
Tant pis
Ou peut-être hier je ne sais pas

9 questions
4781 lecteurs ont répondu
Thème : L'étranger de Albert CamusCréer un quiz sur ce livre

{* *}