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EAN : 9782913372252
111 pages
La Fabrique éditions (03/04/2003)
3.83/5   3 notes
Résumé :
Ce livre s’inscrit contre la vision de la Révolution aujourd’hui dominante, pour laquelle après 1789-1790 -la «bonne» Révolution, celle de Sieyès, de Condorcet- ce ne sont plus que flots de sang, massacres affreux, détournements coupables d’une belle idée par les «terroristes», Robespierre, Marat et consorts. Dans cette vision, la Révolution devient «la matrice des totalitarismes», comme l’a soutenu François Furet.

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L'ouvrage de Sophie Wahnich part d'une constatation que tout le monde peut (malheureusement) faire : la Révolution française est devenue « une figure de l'intolérable politique ». La représentation qui s'impose de l'événement révolutionnaire est marquée par le « dégoût pour les crimes politiques du XXe siècle » et par « l'idéalisation du modèle démocratique actuel ». La Révolution française constituerait en somme « l'autre de la démocratie ».
Au coeur de cette construction, il y a la Terreur.
Contre une interprétation qui la considère comme une simple justification « utilitaire » de l'élimination des ennemis de la liberté, Sophie Wahnich interroge l'événement et la notion et entend répondre à la question « comment l'effroi imprimé aux révolutionnaires par leurs ennemis a-t-il été surmonté et transmuté en demande de terreur » mais aussi pourquoi cette demande a-t-elle été entendue ? et enfin, que s'agissait-il de fonder par la Terreur ?
Car, oui, il y eu une « demande de terreur » exprimée à l'été 1793 après la mort de Marat. Les termes de la célèbre adresse du 5 septembre 1793 – « Législateur, placez la terreur à l'ordre du jour » – reviennent à demander « vengeance et punition pour les ennemis de la Patrie » mais aussi à « réaffirmer en permanence la valeur normative de la Déclaration des droits » et à reconduire la « sacralité des lois ». Pour que la demande de vengeance ne se transforme pas en « furie », il est nécessaire que la « puissance émotive du peuple » soit exprimée dans les termes de la loi ; c'est le rôle des législateurs. Ils doivent « donner une forme légale aux émotions » et « inventer les formes symboliques et les pratiques qui permettront de contenir l'ardeur ». Ainsi l'illustre l'épisode des massacres de septembre (que Sophie Wahnich traite dans son second chapitre) dans lequel les législateurs ne jouent pas le rôle de « canaliseur » de la vengeance populaire : l'épisode est analysé comme une rupture des liens sacrés entre le peuple et l'Assemblée (le peuple de Paris, effrayé par les défaites militaires et marqué par la fusillade du 10 août dont les morts ne sont toujours pas vengés, se substitue au tribunal mis en place le 17 août, tribunal dont les formes ne sont pas celles de la justice extraordinaire réclamée par les sans-culottes, et se porte dans les prisons pour y exercer la « vengeance souveraine »). Les acteurs des massacres défendirent en effet l'idée qu'ils devaient exercer cette « vengeance souveraine » puisque le législateur ne le fit pas : « la vengeance qui s'accomplit se pose avant tout comme l'exercice d'une charge difficile qu'il convient d'assumer par devoir » nous dit Sophie Wahnich.
« Soyons terribles pour dispenser le peuple de l'être », cette apostrophe de Danton indiquait, ô combien, la transaction qui s'accomplit dans la mise à l'ordre du jour de la Terreur. Selon Sophie Wahnich, « contrairement aux interprétations dominantes aujourd'hui, l'entreprise de la Terreur vise à instituer des bornes à l'exception souveraine, à mettre un frein à la violence légitime du peuple et à donner une forme publique et instituée à la vengeance ». Pour ce faire, la loi des suspects connaît une extension maximum : en étendant les catégories des suspects, la loi les protège de la vengeance souveraine, car être suspect, ce n'est pas être accusé et encore moins exécuté. La loi des suspects « est une manière de déployer la vengeance avec une envergure maximale sans la transformer en bain de sang généralisé ». La logique de la suspension de la vengeance populaire souveraine fut, selon Sophie Wahnich, dépassée avec la loi du 22 prairial an II qui réorganisa le tribunal révolutionnaire. En effet, à partir de cette date, le tribunal révolutionnaire « n'obéit plus aux règles de la vengeance mais bien à celles de la guerre ». le cycle de la vengeance s'achèva par deux voies opposées : d'une part, « la paix retrouvée dans une société réconciliée sur les valeurs révolutionnaires et prenant appui sur des institutions civiles » (c'est l'horizon des célèbres décrets de ventôse an II), d'autre part « la déclaration de guerre à ceux qui, dans les prisons, sont considérés comme incapables d'adopter les valeurs révolutionnaires ». Deux logiques coexistent donc : l'une est celle de la vengeance contrôlée, l'autre est celle de la guerre. Dans son dernier chapitre, Sophie Wahnich revient sur l'objectif ultime de la Terreur : la fondation de la liberté et de l'égalité. La formule « La liberté ou la mort » est à prendre au sens littéral : il s'agit de mourir et de « faire mourir » pour la fonder.

Au final, conclut Sophie Wahnich « la terreur révolutionnaire, à laquelle on reproche son tribunal révolutionnaire, sa loi des suspects, sa guillotine, est un processus arc-bouté à un régime de souveraineté populaire où il s'agit de vaincre la tyrannie ou de mourir pour la liberté », elle est « une auto-contrainte décidée ».
En inventant le « terrorisme » comme figure du mal ou comme résurgence d'un primitivisme populaire, les thermidoriens ont « anthropologisé » une violence dont ils ont occulté la dimension fondatrice proprement juridique et politique. La figure du « terroriste » est ainsi devenue totalement disqualifiante. Comme le remarque Sophie Wahnich, le terme a été largement recyclé depuis deux siècles (des résistants antinazis aux combattants anticolonialistes en Algérie ou ailleurs) et encore plus depuis quelques années. Mais la terreur révolutionnaire n'est pas le terrorisme contemporain : « une mise en équivalence morale de l'an II et du 11 septembre 2001 est un non-sens historique et philosophique ».

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Sophie Wahnich vous présente son ouvrage "La Révolution des sentiments : Comment faire une cité. 1789-1794" aux éditions Seuil. Entretien avec Clément Monseigne.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/3052750/sophie-wahnich-la-revolution-des-sentiments-comment-faire-une-cite-1789-1794
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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