– Vous ignorez, fit-il avec gravité, que Joan Briggerland est la cousine de Meredith… Dans ces conditions de parenté, et sauf événements imprévus, elle est l’héritière de la grosse partie des cent millions de francs qui constituent la fortune de M. Meredith. Pour qu’il n’y ait point d’équivoque, je vous dirai tout de suite que Meredith est un de mes meilleurs amis et que sa con-damnation n’a point ébréché mon amitié pour lui… Car je suis tout aussi certain qu’il n’a pas tué M. Balford, que je suis certain de vous voir assise devant moi. Il est vrai que Meredith fut le fiancé de Joan. Mais, à la suite de certaines découvertes compromettantes pour elle et son père, il avait résolu de rompre ses fiançailles. C’est dans ce but qu’il se rendit, le soir du crime, chez sa cousine. D’ailleurs, je peux bien vous l’avouer, il ne l’avait jamais aimée… (p27)
Après le verdict.
D’une voix ferme et qui marquait sa profonde conviction, le chef du jury avait laissé tomber la fatale sentence.
Un silence écrasant s’était abattu sur la salle.
Lentement, avec cette méticulosité qui est le propre des vieillards, le Président rassembla les papiers épars devant lui, et sans en oublier un, ni les bleus, ni les blancs, ni les timbrés, il les assembla soigneusement sur la planchette qui prolongeait son bureau. Puis, ayant pris son porte-plume, il remplit lente-ment un formulaire qu’il avait conservé devant lui. Sans se hâter, et bien qu’il n’échappa point à l’haleine fiévreuse qui mon-tait de la foule, il fouilla au fond d’un des nombreux tiroirs dont s’agrémentait sans aucune utilité apparente le meuble imposant derrière lequel il semblait retranché, et en retira un petit morceau de soie noire qu’il posa sur sa perruque blanche.
– James Meredith, prononça-t-il sourdement, vous venez d’être reconnu coupable du crime abominable de meurtre pré-médité…
Et par dessus ses lunettes, il jeta un rapide regard sur la haute silhouette du prisonnier. (p5)
– Je crois que si vous étiez restée plus longtemps en sa compagnie vous auriez fini par devenir une criminelle distinguée, ma chère !… ironisa Glover. Pourtant, j’aime à croire que vous ne perdez pas de vue qu’elle emporte cinq millions de francs de votre fortune ?…
– Cette idée m’est un vrai réconfort, sourit Lydia. Je sais maintenant ce qu’elle vaut… mais elle a eu le tort de venir au monde six cents ans trop tard… Au temps de la Renaissance italienne, elle aurait été une artisane de l’histoire… (278)
Mais permettez-moi de vous faire remarquer une erreur : je n’ai été poursuivie et condamnés que soixante-quinze fois en deux ans… Et puis, termina-t-elle, en se levant, je suis tellement dégoûtée des gens de loi que je vendrais mon âme au diable pour n’en plus jamais voir !… (p31)
– Dites, Miss Beale ?… Si par un heureux hasard nous pouvions marier Meredith, demain matin, dans cette maison, accepteriez-vous de l’épouser ?…
– Moi ?… jeta-t-elle, avec stupeur. Moi !… Épouser un homme que je n’ai jamais vu !… Et un meurtrier encore !… (p28/29)