Journaliste, critique littéraire et éditeur,
Uwe Wittstock publie son premier essai sur la façon dont le pouvoir nazi a muselé les arts en quelques jours, En reprenant le fil chronologique de ce mois si particulier, où la grippe espagnole sévit encore, Février 33 détaille comment le milieu littéraire fut contraint soit de se taire, soit d'émigrer. Et pour ceux, qui malgré tout, n'ont fait ni l'un ni l'autre, fin février 33, la prison et la déportation étaient leur destinée.
Février 33 devait être le mois de la campagne électorale, les élections étaient programmées le dimanche 5 mars. Seulement, Hitler est chancelier et Goering, chef de la police intérieure. Comme le démontre
Uwe Wittstock, il a suffi de trente jours, seulement, pour casser ce que l'esprit artistique riche et inventif avait créé, à partir notamment du courant expressionnisme.
À partir d'un déroulé chronologique,
Uwe Wittstock présente une galerie de romanciers, scénaristes et auteurs de pièces de théâtre qui ont fait la richesse du milieu artistique du Berlin des années 30.
On suit notamment la famille élargie de
Thomas Mann,
après avoir reçu le
Prix Nobel en 1929. Ses publications sur le danger des régimes fascistes l'obligeront à l'exil. Son frère Heinrich était président de la section Poésie de l'Académie des Arts de Prusse. Contraint de démissionner, il est expulsé rapidement d'Allemagne. Ses deux enfants aînés, Klauss et Katia, déjà bien implanté dans le milieu artistique, devront eux aussi s'exiler.
Ce sont de nombreux artistes que Uwe Wittstaock présente en décrivant des instants de leur vie : Leonhard Franck, écrivain, Berthold
Brecht, dramaturge,
Käthe Kollwitz, sculptrice, Wilhem Herzog, historien de la littérature allemande,
Erich Maria Remarque, écrivain, Vicki Baum, même si son film Grand hôtel triomphe à Berlin, elle ne reviendra jamais, Ödön von Horàth, dont les oeuvres furent brûlées,
Egon Erwin Kisch, journaliste tchécoslovaque, tant d'autres encore ! le destin de Carl von Ossietzky, journaliste, éditeur, éditeur du magazine La Scène mondiale est symptomatique. Il voulait rester pour témoigner. Dès le 28 février, il est arrêté. En 1936, il obtient le
Prix Nobel pour ses écrits de 1933.
Chaque jour,
Uwe Wittstock redonne vie à ce milieu.. Il décrit l'évolution de la mainmise du pouvoir nazi, l'effacement des droits fondamentaux et la puissance de la répression. Il raconte les bassesses, les petits renoncements, les humiliations mal digérées, les espoirs trop longtemps contrecarrés qui vont porter certains artistes vers l'adhésion ou le consentement passif au pouvoir nazi.
Cet essai est passionnant. Non seulement, il décrit ce qu'était ce milieu intellectuel mais le rapide changement à l'oeuvre. Ce sont des faits, des situations, des événements qui sont racontés avec une précision documentaire remarquable.
Le plus pesant est ce décompte fait en fin de chapitre pour clore la journée racontée. Au fil des jours, les violences deviennent de plus en plus nombreuses, de plus en plus meurtrières.
L'essai romancé
Février 33, l'hiver de la littérature de
Uwe Wittstock n'est pas uniquement réservé aux amateurs d'histoire. Il met en relief le milieu littéraire du siècle dernier. Des hommes et des femmes vont nourrir leurs oeuvres de l'exil, de l'enfermement et du silence imposé. Toute la littérature du XXè siècle sera influencée par ce mois terrible où la liberté s'est enfuie de l'Allemagne.
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