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Serge Quadruppani (Traducteur)
EAN : 9782864246886
512 pages
Editions Métailié (20/08/2009)
3.92/5   24 notes
Résumé :
"1775. Dans la vallée mohawk, non loin de la frontière canadienne, un monde baptisé Iroquirlande, où les six tribus iroquoises ont tissé des liens de sang avec des Écossais et des Irlandais, voit avec inquiétude ses terres ancestrales menacées par l’avidité des colons qui veulent se libérer de la couronne d’Angleterre. Ne vaut-il pas mieux 'un despote à mille milles que mille despotes à un mille' ? Une ambassade est envoyée auprès du roi George, à Londres, pour reno... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
ManituanaWu Ming

La guerre d'indépendance des États-Unis vue et racontée par ceux qui l'ont perdue.
C'est une fabuleuse épopée racontée magnifiquement. C'est un livre fantastique. L'écriture est superbe. C'est très poétique aussi.
J'ai marché dans les forêts avec les indiens Mohawk, j'ai visité les bas-fonds de Londres et j'ai assisté aux palabres et aux danses avec les sachems Iroquois.

J'étais à la fois à certains moments dans Pocahontas, dans le Dernier des Mohicans et aussi dans la dure réalité de ces peuples décimés par les blancs pour leur voler leur terre.

Dans les descriptions de batailles j'avais l'impression de voir les images au ralenti, c'est décrit avec tellement de réalisme et de force que j'avais vraiment l'impression d'y être.

Il y avait bien longtemps que je n'avais pas lu un super livre d'aventures, c'est vraiment un livre magnifique (je me répète !).

De plus la plupart des personnages ont vraiment existé, donc une bonne leçon d'histoire sur des faits que je ne connaissais pas vraiment.

A lire de toute urgence – en plus c'est vraiment une lecture d'été pour rêver
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Comme son nom ne l'indique pas, Wu Ming est un collectif de cinq auteurs italiens. Je crois qu'il importe seulement de préciser que « Manituana » ne pâtit absolument pas de cette écriture à cinq mains, l'ensemble du texte étant parfaitement homogène. Voilà pour la parenthèse, et passons maintenant à l'essentiel : « Manituana » est l'un de ces récits dont la lecture est un véritable régal !

Fresque historique passionnante, roman d'aventures parfaitement rythmé, il met en scène des personnages inoubliables, dont la plupart ont d'ailleurs réellement existé.

L'histoire se déroule à la fin du XIXème siècle, au moment où certains colons américains se rebellent contre la couronne d'Angleterre. Excédés par les taxes et impôts qui leur sont prélevés, revendiquant les différences qui les séparent d'un peuple auquel ils ne se sentent plus liés, ces colons de plus en plus nombreux ont aussi et surtout besoin de terres. Par conséquent, la limite d'expansion aux terres indiennes fixée par le roi anglais n'est pas vraiment pour leur plaire... La révolte, qui part de Boston, gagne ensuite tout le Nord-Ouest du pays.

Ce qui fait l'originalité de "Manituana", c'est que ses auteurs ont pris le parti de conter ce pan de l'histoire américaine du point de vue des vaincus, qui luttèrent, au nom de la couronne d'Angleterre, contre les colons rebelles. Certains autochtones vont en effet se battre au côté des loyalistes britanniques, dans le but de protéger leurs terres de l'avidité des whigs. C'est le cas notamment de certaines tribus iroquoises, dont les Mohawks, au nombre desquels certains membres joueront dans cette guerre civile un rôle notable.

Wu Ming s'attarde plus précisément sur le destin de la famille Johnson, dont l'aïeul William, en s'unissant avec l'indienne Mohawk Molly Brant, renforça le lien entre les communautés iroquoises et irlandaises. Peter Johnson, leur fils métis, symbole du rapprochement entre indiens et blancs, incarne pour ceux qui croient en une nation mixte et apaisée l'avenir du pays.
Au moment où commence le roman, Sir William Johnson est mort, mais son ombre plane tout au long du récit, image d'un homme dont le rêve de tolérance et de cohésion a été près de se réaliser...
Molly, elle, est toujours vivante ; cette femme de caractère, que les rumeurs qualifient de sorcière, force le respect mais aussi la crainte. Son frère Joseph, qui est l'un des enfants de l'entente construite par Sir William, se montre particulièrement soucieux de maintenir la solidité du lien entre les deux communautés, et fait ainsi office d'interprète lors des rencontres entre blancs et iroquois.
Afin d'assurer le Roi George de leur soutien, en échange de la sauvegarde de leurs droits et de leurs territoires, le clan Johnson forme une délégation qui se rend à Londres.
C'est l'occasion pour les représentants de la colonie américaine de découvrir une ville sale, grouillante, dans les salons de laquelle se pavanent des individus aux mises exagérément excentriques et compliquées...

Les descriptions liées à cette partie du récit sont particulièrement réussies, rendent avec éloquence le caractère à la fois truculent et ridicule de la société londonienne de cette fin de siècle. le contraste avec le mode de vie que réintègrent ensuite les membres de la délégation est saisissant. Mais peu après leur retour en Amérique, la guerre d'Indépendance sombre rapidement dans la barbarie, n'épargnant même pas les civils.

Le souffle épique qui en émane rend ce roman captivant, et j'ai également apprécié que ses auteurs y introduisent parfois une part de surnaturel. La violence, liée au contexte, est elle aussi très présente. Des indiens qui écorchent vives leurs victimes, ou pratiquent parfois le cannibalisme, aux rebelles qui brûlent femmes, vieillards et enfants, on se dit finalement qu'aucune communauté n'a l'apanage de la cruauté, et que ceux qui s'efforcent à la tolérance et à la paix sont malheureusement bien peu nombreux.

Autant d'éléments qui font que lorsque l'on referme « Manituana », on en garde des échos pendant longtemps.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Wu Ming est le nom de plume d'un collectif de cinq auteurs italiens dont «Manituana», publié en Italie en 2007, est le troisième roman.

Récit ambitieux, c'est d'abord un superbe roman historique couvrant la période de la guerre d'indépendance (1775-1779).
L'histoire des États-Unis est en général présentée sous forme de clichés exaltant les valeurs de l'Amérique. Ici, au contraire, Manituana nous dévoile le rôle actif des Indiens dans cette guerre, nous raconte ce conflit du côté des vaincus, les indiens Iroquois alliés à la couronne d'Angleterre, ainsi que les conséquences désastreuses de la colonisation et de ce conflit pour la vie et la civilisation indiennes.

Malgré la dimension de fresque historique, les chapitres sont courts et incisifs, les personnages profonds et palpables, tels Molly Brant, conductrice du peuple Mohawk habitée des rites de son peuple et de rêves prémonitoires, et Philip Lacroix – Ronaterihonte, dit « le Grand Diable », chasseur et guerrier redoutable pétri de littérature européenne.

Roman à la fois flamboyant et intime, la destruction du monde des Iroquois de Manituana a de fortes résonances avec l'histoire, les intolérances et les guerres contemporaines.

"On dit que le scalp est l'essence de l'homme. Mais, moi, je dis que l'essence de l'homme, c'est le fusil. La partie la plus intime du fusil est creuse, vide. L'âme de l'homme est insaisissable, imprenable. Sans le fusil, tu n'es qu'un animal comme un autre, en lutte pour manger."

«Tandis qu'il assistait à la progression du cortège, Philip eut une vision : Londres étendue au monde entier. Unique énorme excroissance, faite d'immeubles et de tours dressés, des habitats délabrés, des esplanades théâtrales, des fontaines et des jardins, un dédale de ruelles où le soleil n'arrivait jamais. Un monde bâti, mis au travail, pavé, dallé, étayé ; un monde en construction, stratifié, ruineux, marcescent ; un monde de lumières artificielles et de beaucoup de ténèbres, salut d'un petit nombre et condamnation pour la majorité : la noble ville de Londres et de Westminster.»
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L'indépendance des Etats-Unis du côté des vaincus, dans le meilleur roman historique récent...

Avec "Manituana" en 2007 (publié en français en 2009 - dans la remarquable Bibliothèque Italienne animée chez Métailié par Serge Quadruppani), le collectif d'écrivains italiens Wu Ming renouvelait l'exploit de "Q" (en français, "L'Oeil de Carafa") : construire un roman historique au souffle puissant, rigoureusement documenté, parfaitement orchestré, présentant de vrais personnages qui ne soient pas de fugitives caricatures, tout en s'attachant à mettre à jour "l'envers du décor", de l'histoire communément acceptée, du "récit des vainqueurs".

Ici, loin du XVIème siècle de la Réforme et de la Contre-Réforme en Europe (qui était l'objet de "L'Oeil de Carafa"), les Wu Ming nous emmènent en Amérique du Nord, à la veille de la guerre d'Indépendance qui donnera naissance aux États-Unis. Adoptant en détail le point de vue de colons humanistes et fidèles à la Couronne britannique, et de leurs amis amérindiens préférant un souverain lointain et relativement bienveillant à des colons et marchands ô combien présents, et en quête incessante de terres, d'esclaves et de profits, ils nous livrent une vision crédible, documentée et décapante des mythes fondateurs des treize Colonies, loin en effet des réécritures solennelles qui en seront effectuées par la suite. Avec un "morceau de bravoure" indéniable et une authentique fête du langage, lorsqu'une ambassade iroquoise ira affronter Londres, ses splendeurs et ses bas-fonds, pour être reçue à la cour du roi George...

Poursuivant au fond des buts proches de ceux d'un Vollmann dans "Central Europe" ou d'un Claro dans "CosmoZ", avec des moyens entièrement différents, les Italiens chantres du "New Epic" réussissent à nouveau un grand moment d'histoire des vaincus, et nous donnent peut-être le meilleur roman historique de ces dernières années. Travail salutaire et jouissif à la fois, bien servi aussi par une traduction impeccable de Serge Quadruppani.
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" Les rayons du soleil harcelaient le groupe, une lumière de sang filtrait dans la fôret." (première phrase)

8 septembre 1755. Nouveau monde. La guerre franco-anglaise fait rage. Rassemblés sous l'égide de Sir William Johnson, commissaire des affaires indiennes, les peuples de la longue maison se battent pour l'empire britannique.

A la mort de ce chef charismatique, en 1774, les relations des indiens avec les colons ne font que se dégrader: vol de bétail, de terres, insultes. Les nations iroquoises, partagées entre le souvenir de Sir William, la terre de leurs ancêtres et leur serment d'allégeance au Père anglais, décident d'envoyer des émissaires à Londres. Joseph Brant dit Thayendanega, Peter son neveu qui est aussi le fils de Sir William et de Molly dont les songes révèlent l'avenir, Philip Lacroix dit Ronaterihonte le guerrier de légende amateur de Shakespeare et Guy Johnson, gendre de William et nouveau commissaire des affaires indiennes, sont du voyage. A travers leur regard et leur épopée, c'est l'avenir de la nation indienne et des soubresauts de l'histoire qui se jouent.



"Tandis qu'il assistait à la progression du cortège, Philip eut une vision: Londres étendue au monde entier. Unique énorme excroissance, faite d'immeubles et de tours dressés, des habitats délabrés, des esplanades théâtrales, des fontaines et des jardins, un dédale de ruelles où le soleil n'arrivait jamais. Un monde bâti, mis au travail, pavé, dallé, étayé; un monde en construction, stratifié, ruineux, marcescent; un monde de lumières artificielles et de beaucoup de ténèbres, salut d'un petit nombre et condamnation pour la majorité: la noble ville de Londres et de Westminster." (p274)


Pourtant, comment arrêter l'histoire en marche? Comment enrayer la soif d'indépendance des colons? Comment conserver ses rêves et l'essence même des peuples indiens quand le frère se dresse contre le frère?


"Les silhouettes devinrent vagues, jusqu'à disparaître derrière le rideau de pluie." (dernière phrase)

Saga historique, conte, longue élégie, Manituana raconte ce que nous savons d'un point de vu inédit: celui des vaincus, des sans-terres, des trahis. On trouve ça et là des passages d'une poésie folle, le ton se fait tantôt grave, tantôt léger, et si certains passages sont plus faibles que d'autres, on suit avec passion et crainte ces personnages de légende: Molly qui entend la terre respirer, et l'herbe pousser, son fils Peter qui joue du violon avec dans les yeux le mal du pays, Thayendanega qui d'interprète deviendra chef de guerre, et Esther, jeune fille devenue femme trop tôt et dont le regard porte loin... La langue elle-même est source de jeu: langue vivante (irlandais, écossais...) mais aussi langue d'écrivain avec l'utilisation de l'argot qu'Anthony Burgess prête aux voyoux d'Orange mécanique.


Un premier volet salué par la critique et les prix en Italie (Prix Sergio Leone 2007, Prix Salgari du roman d'aventure 2008) qui nous emmène, de 1755 à 1783, au loin, vers cette Amérique que l'on ne raconte pas dans les manuels d'histoire.



Manituana de Wu Ming, Métailié, 20 août 2009.

Wu Ming 's Copyleft:
«La reproduction totale ou partielle de l'oeuvre ainsi que sa diffusion par voie télématique sont autorisées, sous condition de fins non commerciales et de reproduction de la présente mention.»

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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Boire de l'eau signifiait absorber le flux dégoutant qui courait dans les tuyauteries souterraines en bois d'orme, exposées à toutes sortes de saletés, peut-être aussi à ce qui remontait de la Tamise, purin contaminé par toute l'ordure de Londres et de Westminster. Outre les excréments humains, dans ces eaux étaient dilués les acides, les minéraux et les poisons des officines et des manufactures. Sans parler des carcasses d'animaux et d'hommes, et des rejets de baignoires, des cuisines et des urinoirs.
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La guerre était perdue. Les dernières nouvelles disaient qu'à Paris les blancs discutaient la paix. Les Anglais négociaient la reddition, mais aucun Indien ne siégeait avec eux. Joseph Brant était désormais un allié incommode. les survivants des Six Nations vivaient dans une poignée d'iles à l'embouchure du Saint Laurent.
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Kanatawakhon s'arrêta derrière un arbre, visa et fit feu. D'instinct, Joseph allongea le pas, sous le poids de Sakihenakenta. Les muscles lui faisaient mal et la sueur l'aveuglait, mais il n'abandonnerait jamais le corps du guerrier aux corbeaux. Il était mort à son côté, méritait des funérailles et une sépulture dignes.
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Il commença à parler, en veillant à ce que les phrases sortent de sa bouche comme une eau sale à rejeter. Mais il avait beau s’appliquer, l’arrière goût restait attaché à sa langue
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Les sauvages étaient en Amérique avant tout le monde,quelle découverte. Les écureuils aussi, alors, et pourtant personne ne leur demandait la permission avant d'abattre un bois et d'y cultiver du seigle. Klug en était toujours plus convaincu : il fallait se libérer des gueules rouges une fois pour toutes. Tôt ou tard, un général gentilhomme passionné de squaws allait se convaincre que les indiens avaient droit au bonheur. Même les nègres. Même les écureuils et les bois.
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