Yekini le roi des arènes

Yekini, Balla Gaye, Double Less... Ces noms ne vous disent sans doute rien, et pourtant ce sont des superstars au Sénégal, des stars du Laamb, la lutte traditionnelle sénégalaise. La bande dessinée "Yekini, le roi des arènes" de Clément Xavier et Lisa Lugrin permet de découvrir cet univers de fort jolie façon.

L'ouvrage n'est pas exempt de défauts. J'ai trouvé quelques maladresses dans la narration, les ellipses ne sont pas toujours pertinentes et certains aspects ne méritaient pas d'être développés au détriment d'autres, trop vite survolés. le dessin, très épuré, simplifié à l'extrême, ne plaira pas à tout le monde. Je l'ai trouvé plutôt plaisant même si les visages manquaient parfois d'expression.

Malgré ces quelques petits défauts, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire "Yekini". Il faut déjà saluer l'audace des auteurs d'oser aborder un sujet très méconnu ici. L'immersion dans le monde de la lutte sénégalaise est passionnante. On découvre une discipline qui va au-delà du sport. Bien sûr, comme tous les sports, le laamb a ses stars, ses sponsors, ses malversations... Mais on découvre également toute la dimension mystique de cette discipline, les lutteurs se parant de gris-gris, effectuant une danse rituelle avant de s'affronter. Ainsi, la lutte devient un symbole de la société sénégalaise, partagée entre modernisme et tradition. Les auteurs focalisent leur récit sur trois lutteurs, Yekini, attaché aux valeurs ancestrales de la lutte, Tyson, qui l'a modernisée, Balla Gaye 2, à l'attitude rebelle. Ce choix est très judicieux et permet de montrer l'évolution de ce sport. Les trois héros sont bien dépeints, chacun étant attachant à sa façon.

A l'approche de l'euro et des J.O, ces grands-messes pseudo-sportives qui sont surtout celles du fric, il est très agréable, apaisant de lire "Yekini". Partir à la rencontre de ces colosses (ils font tous près de 2m et dépassent largement les 100 Kg) qui luttent simplement vêtus d'un slip, s'affrontant un peu pour l'argent mais surtout pour l'honneur, a quelque chose de rafraîchissant.

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Yékini, originaire de Bassoul, petite île de pêcheurs d'où la lutte puise ses racines, champion invaincu, affronte un champion aux allures de rock stars. « Tyson est un des rares lutteurs à avoir décrocher son baccalauréat, ce qui lui a permis de lire les contrats et de les renégocier à la hausse. Grâce à lui, les cachets des lutteurs ont explosé. » En modernisant ses pratiques, il a rendu la lutte encore plus populaire que le football. C'est la rencontre d'une tradition, d'une culture, « celle d'un peuple qui regarde au plus profond de son histoire pour construire son avenir », avec le sport business.
(...)
Si Lisa Lugrin et Clément Xavier affirme avoir réalisé une fiction inspirée d'événements et de personnages réels, l'abondance documentaire témoigne d'un long travail de terrain : reproduction de couvertures de magazines, photographies de murs couverts de slogans et de fresques à la gloire des champions, et de quelques lieux emblématiques du récit, preuves de leur immersion contribuant à rendre véridiques ces personnages théâtraux et burlesques au possible. Admirable immersion dans le monde méconnu de la lutte au Sénégal, agité par des enjeux médiatiques, financiers et politiques, à l'instar de tant d'autres sports.

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Bienvenu au Sénégal! Ses petits boulots, son sable ... mais surtout son sport! Avec ses supporters, ses stars et ses businessman à combines, la lutte est le sport national du pays. Véritable institution, la lutte à ses écoles, ses champions, ses règles et ses codes. Et comme tout sport, elle a ses magouilles.
Nous suivons trois lutteurs en concours pour le titre de "roi des Arènes". Et plus particulièrement Yékini, jeune lutteur de talent en résistance contre les requins du système par amour du sport.
Lisa Lugrin et Clément Xavier, à travers cet épisode dans l'histoire de la lutte, font l'histoire du Sénégal contemporain. Ils mêlent dessins et photographies, ce qui donne de la profondeur au récit et vous plonge dans la réalité de ce pays.

Quelle découverte ! Un reportage romanesque qui mêle dessins en noir et blanc, photographies du réel, et même quelques pages en couleur genre "marvel" pour une histoire à l'intérieur de l'histoire.
372 pages illustrées sur le monde de la lutte (la compétition sportive et tout ce qu'il y a autour : l'entrainement, les matchs dans l'arène, les médias, l'argent...) et la vie du Sénégal avec les conflits traditions / modernité, ancienne et nouvelle génération, exubérance et sobriété, peuple / élite...
Le tout raconté avec l'art de la réplique savoureuse : j'ai eu envie de noter des citations !
Bref, belle découverte !

C'est effectivement une jolie révélation.
Je ne connaissais rien à cet univers de la lutte au Sénégal que j'ai trouvé vraiment intéressant. le découpage de l'histoire est bien réalisé, les photographies et les fausses unes de "Voici des arènes sénégalaises" permettent une respiration utile.

Les trois personnages centraux sont très forts. le parallèle entre le monde de la lutte et la vie politique fonctionne parfaitement. On se laisse complètement entrer dans ce monde à la fois si proche (le milieu du sport et les différentes manipulations médiatiques et politiques ne sont après tout pas particulièrement différents en France et au Sénégal) et en même temps si lointain (notamment les rituels mystiques).

J'aime un peu moins l'intrigue autour des parents. Elle m'a semblé un peu confuse et elle n'apporte pas grand chose (je n'y ai pas vu, par exemple, l'aspect tragique auquel on pourrait s'attendre). Dernier point, la bande dessinée commence par une précision : "cette histoire est une fiction qui s'inspire d'événements et de personnages réels". Dès lors, j'aurais souhaité que le livre se termine par un petit dossier qui permette de préciser ce qui relève du documentaire...